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BLOGUE INVITÉ. Les informaticiens, futurs et actuels, ne semblent pas tous conscients de l’impact de leur travail sur l’expérience client (CX) et l’expérience employé. Ils ont pourtant une influence et une responsabilité plus importantes que jamais pour fidéliser les clients, soutenir la tâche des employés et les fidéliser, réduire les coûts opérationnels des entreprises et du coup, assurer leur pérennité.
L’informatique est beaucoup plus que la somme de ce que l’on ne voit pas (lignes de code, composantes, bases de données, sécurité, infrastructure technologie), c’est ce qui fait qu’une entreprise privée ou gouvernementale est en mesure de répondre, ou non, aux attentes sans cesse croissantes des clients. Pour certaines entreprises privées, il en va de leur survie!
En cette ère où l’expérience client est plus multicanale et numérique que jamais — on l’a vu avec les épiceries lors de la première vague de la pandémie, on le voit aujourd’hui pour la prise de rendez-vous pour se faire vacciner — il est impératif que les informaticiens soient conscients des conséquences de leurs actions.
Un système de réservation qui plante à cause d’un (trop) grand nombre de requêtes, un processus d’authentification qui nous fait naviguer d’un écran à l’autre et qui finit par donner le tournis, des messages d’erreur incompréhensibles, une navigation déficiente, la présence de bogues, et j’en passe ne procurent pas une bonne expérience client.
Certes, les gens de TI, du moins dans les grandes organisations, sont accompagnés de spécialistes en expérience utilisateur (UX). Cela dit, les informaticiens sont souvent laissés eux-mêmes. Et c’est encore plus vrai lorsque le système est destiné aux employés, comme s’il s’agissait une catégorie d’humains de seconde classe.
Force est de constater que trop peu d’informaticiens sont sensibilisés et formés à l’importance de l’expérience client ou du UX. Oui, il y a quelques exceptions, j’en connais, mais il s’agit d’exceptions.
Pourtant en 1993, ça ne date pas d’hier, j’ai co-écrit avec Nadir Belkhiter de l’Université Laval un des premiers cours de UX destinés aux futurs informaticiens. Non obligatoire à l’époque, cette formation ne l’est toujours pas aujourd’hui alors que le besoin de savoir en la matière est criant (soupirs). C’est probablement pour cette raison qu’on a encore de la difficulté à utiliser certains systèmes qui ont été pensés, conçus et réalisés par des informaticiens.
Dans la tête de plusieurs informaticiens, s’il n’y a pas de bogues et que les données sont bien structurées, ça marche. C’est à la fois vrai… et faux !
Ce n’est pas parce que le code n’est pas bogué, ce qui est une qualité en passant, que ce qui a été développé fonctionne. Ce n’est pas parce qu’on apprécie l’interface utilisateur en tant qu’informaticien que ça fonctionne. Ce n’est pas parce qu’on a écrit du beau code que ça fonctionne.
Ça fonctionne quand un client (ou un employé) est capable d’utiliser une solution numérique sans devoir se casser la tête. Ça fonctionne quand le système est tellement bien fait que le client l’oublie et atteint son objectif sans peiner tel Astérix en quête du laissez-passer A-36 dans la maison qui rend fou. Ça fonctionne quand un employé n’a pas à consulter différents systèmes ou faire des copier-coller entre ces systèmes pour accomplir sa tâche. Ça fonctionne quand les employés n’ont pas à se doter de systèmes parallèles (documents Excel, base Access, etc.) pour compenser les faiblesses des systèmes actuels. Ça fonctionne quand nos parents n’ont pas à nous demander du soutien pour passer une commande en ligne.
Les informaticiens, tout comme les ingénieurs, les comptables, les fiscalistes, les actuaires et plusieurs autres représentants de professions ultraspécialisées ne sont pas des êtres «normaux». Je m’explique. Leur savoir les a à ce point contaminés qu’ils peinent à comprendre qu’une autre personne ne puisse comprendre leurs réalisations. C’est ce qu’on appelle la malédiction du savoir (the curse of knowledge). Ce piège guette toute personne qui a acquis un certain bagage de connaissances sur un sujet donné.
Avant même de songer à toucher au clavier pour programmer un système, une application ou un site web, il faut s’assurer de bien connaître l’utilisateur afin d’éviter de faire fausse route et de travailler inutilement. Je ne compte plus le nombre de systèmes développés avec la meilleure des intentions, mais qui en fin de compte compliquent la vie à leurs utilisateurs, clients et employés.
La mission des informaticiens devrait pourtant être simple: développer des solutions numériques utiles et utilisables pour le client et l’employé. Ils doivent aussi s’assurer de respecter les normes de l’industrie (lire que ça fonctionne sur toutes les plateformes), que le code soit performant et que ce qui a été développé réponde bien à ce qui a été imaginé par le concepteur.
Les informaticiens ne doivent pas simplement mécaniser un processus ou un formulaire papier sans poser de questions. Les informaticiens doivent trouver des solutions technologiques permettant la réalisation de ce qui a été imaginé par une équipe de concepteurs UX, en lien avec l’équipe d’expérience client.
Bien entendu, les informaticiens ne sont pas que de simples preneurs de commande. Ils ont leur mot à dire. Ils ont souvent, pour ne pas dire la plupart du temps, d’excellentes idées. C’est en travaillant étroitement avec les spécialistes UX et CX que leurs réalisations s’avèrent un succès.
Donc, chers amis informaticiens, c’est le moment ou jamais pour s’intéresser au UX. Je ne vous demande pas d’être des experts, c’est un métier en soi. Je vous suggère seulement de maîtriser les principes de base, de prendre conscience que vos réalisations toucheront de vrais humains, de vrais clients et de vrais employés au quotidien, que ce que vous livrerez contribuera au bonheur, ou au malheur, de ces mêmes clients et employés.
En tant qu’informaticiens, vous bénéficiez d’un pouvoir important dans les organisations. Comme l’oncle de Peter Parker le dirait: «Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.»