IA: un projet pour l’Institut de cardiologie de Montréal
La Presse Canadienne|Mis à jour le 11 juillet 2024La solution sera mise à l'essai dans 17 centres hospitaliers du Canada, de la France, de l'Allemagne et de l'Italie, ce qui pourrait permettre de recueillir des données auprès de quelque 25 000 patients afin d'«accroître la précision, la sécurité et l’efficacité des procédures». (Photo fournie par l'ICM)
L’Institut de cardiologie de Montréal et le Centre hospitalier universitaire de Bordeaux ont annoncé lundi le lancement d’un projet qui pourrait mener à la première solution complète de guidage par l’image basée sur l’intelligence artificielle pour le traitement des maladies des valves cardiaques.
Cette solution sera mise à l’essai dans 17 centres hospitaliers du Canada, de la France, de l’Allemagne et de l’Italie, ce qui pourrait permettre de recueillir des données auprès de quelque 25 000 patients afin d’«accroître la précision, la sécurité et l’efficacité des procédures», a-t-on expliqué.
Quand vient le temps de traiter une valve cardiaque – qu’il s’agisse de la valve aortique, de la valve mitrale ou de la valve tricuspide – des experts se consultent pour décider si une chirurgie conventionnelle est de mise, ou bien si on peut plutôt se permettre une intervention moins invasive par cathéter, a expliqué l’instigateur du projet, le docteur Walid Ben Ali de l’Institut de cardiologie de Montréal.
Les discussions peuvent être longues, chacun tentant de faire valoir son point de vue.
«Ce qu’on a décidé avec ce projet-là, c’est de prendre l’outil de l’intelligence artificielle et de l’appliquer sur l’imagerie qu’on a et sur les données du patient», a-t-il indiqué, tout en précisant que l’IA ne décidera de rien.
«C’est un outil d’aide aux cliniciens pour que les cliniciens soient libérés de ces tâches, pour qu’ils se dédient à plus des tâches cliniques qui sont les leurs.»
Même avec les outils actuellement disponibles, a précisé le docteur Ben Ali, l’analyse des images et des données d’un seul patient peut prendre trente minutes. Quand on multiplie ça par quelques dizaines de patients, on comprend mieux le temps que les médecins doivent consacrer à ces analyses.
On estime que l’IA pourrait être en mesure de faire le même travail en seulement quelques secondes.
«On ne parle pas de la même chose, a dit le docteur Ben Ali, qui a suivi une formation en intelligence artificielle de deux ans au prestigieux Massachusetts Institute of Technology avant de lancer ce projet. Est-ce que je vais tenir ces résultats-là pour acquis? Pas du tout, j’aurai toujours mon regard de clinicien. Mais au lieu de prendre trente minutes, je vais réviser les résultats en deux ou trois minutes.»
L’outil pourrait aussi se révéler très pertinent dans des pays moins développés, où les médecins ne disposent pas des mêmes ressources que ceux des pays riches, a-t-il rappelé.
La première étape du projet, a dit le docteur Ben Ali, est donc «de faciliter le travail de médecins, mais aussi de démocratiser ces solutions-là à des pays émergents qui n’ont pas l’expertise».
La deuxième étape consistera à pousser l’outil un peu plus loin en lui demandant de «guider» la procédure, par exemple en conseillant au médecin le meilleur endroit où installer la nouvelle valve pour réduire le risque de complications.
Cela étant dit, le docteur Ben Ali dit bien comprendre les inquiétudes d’une population qui craint d’éventuels dérapages.
«Je lis beaucoup dans la presse, boîte noire, boîte noire, boîte noire…, a-t-il dit. Si quelqu’un utilise de façon raisonnable et transparente l’intelligence artificielle, il devrait plus avoir ce problème-là. Est-ce qu’on peut l’enlever à 100%? Je ne pense pas. Il y aura toujours un risque d’erreur. Il n’y a rien en statistique où l’erreur est égale à zéro. Mais c’est sûr que les choses ont évolué.»
Le but du déploiement de la solution dans une quinzaine de centres à travers le monde est d’en faciliter l’adoption, a-t-il ajouté. On espère que les experts qui l’utiliseront en deviendront ensuite des émissaires.
«On ne peut pas être juste du côté du médecin, il faut aussi voir le patient qui a besoin de ces services-là, a conclu le docteur Ben Ali. Et si la machine peut donner ces services-là, pourquoi pas? Le but c’est de donner du service au patient. Mais c’est important de rappeler que c’est une aide au médecin, ce n’est pas un outil de remplacement.»
Les valvulopathies, aussi appelées les maladies de valves cardiaques ou maladies valvulaires, représentent l’une des principales causes de morbidité et de mortalité cardiovasculaires. Le problème toucherait environ 47 millions de personnes dans le monde. Leur prévalence est estimée entre 8 et 13 % chez les personnes âgées de plus de 65 ans, à l’échelle mondiale, une proportion qui devrait augmenter avec le vieillissement global de la population.