Mme Meng, lors d'une comparution en mai dernier (Photo: Getty Images)
Les avocats d’une cadre de Huawei interpellée fin 2018 à Vancouver à la demande des États-Unis reviennent devant la justice canadienne à partir de lundi pour demander l’accès à de nouveaux documents qui pourraient, selon eux, entraîner l’annulation de la procédure d’extradition.
Les conditions de l’arrestation le 1er décembre à l’aéroport de Vancouver de Meng Wanzhou, directrice financière du géant chinois des télécommunications Huawei, devraient être au cœur des audiences qui commencent lundi à 10h00 au tribunal de Vancouver, et doivent durer jusqu’au 4 octobre.
Cette arrestation a déclenché une crise diplomatique sans précédent entre Ottawa et Pékin. Meng Wanzhou, accusée par les États-Unis d’avoir contourné les sanctions américaines contre l’Iran, a toujours clamé son innocence.
Les avocats de Mme Meng affirment que leur cliente a été illégalement interpellée, fouillée et interrogée par les douaniers canadiens pendant trois heures à l’aéroport de Vancouver.
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Ils voient dans cet interrogatoire, au cours duquel Mme Meng a été forcée de donner les codes d’accès à ses appareils électroniques, une « enquête pénale secrète » destinée à recueillir des preuves pour la police fédérale américaine (FBI).
Meng Wanzhou, fille du fondateur du N.2 mondial des téléphones intelligents, avait ensuite été remise aux mains de la Gendarmerie royale du Canada (GRC, police fédérale), qui l’avait placée en détention. Elle avait finalement été remise en liberté sous caution quelques jours plus tard à Vancouver.
« Dès le début de la détention de la plaignante », la GRC et les douaniers canadiens « ont fait office d’agents du FBI dans le but d’obtenir et de conserver des preuves » accusent les avocats de la dirigeante chinoise. « Reste à savoir dans quelle mesure, et jusqu’où, le FBI était impliqué dans ce processus ».
Possible vice de forme
Douaniers et policiers canadiens ont démenti toute irrégularité lors de l’interpellation.
Dans des documents déposés à la cour avant les audiences, ces avocats estiment en outre que les États-Unis utilisent Mme Meng comme un « outil de négociation » politique et économique dans leur guerre commerciale avec Pékin.
Ils citent notamment des déclarations du président américain Donald Trump, qui avait laissé entendre lors d’une interview qu’il n’hésiterait pas à intervenir auprès de la justice américaine si ça permettait de débloquer un accord commercial avec la Chine.
Les avocats doivent consacrer les sept jours d’audience pour demander à la juge d’avoir accès à de nouveaux documents -notes, courriels, textos, rapports…- concernant l’arrestation de Mme Meng, pour justifier une requête de vice de forme et obtenir la libération de leur cliente.
Ils comptent également utiliser ces documents dans le cadre d’une procédure civile qu’ils ont lancée parallèlement à la procédure d’extradition. Dans cette plainte au civil, qui vise les services d’immigration et la GRC, les avocats affirment que l’arrestation de Mme Meng viole la charte canadienne des droits et libertés.
La première série d’audiences abordant le fond de la demande d’extradition américaine débutera le 20 janvier 2020.
Meng Wanzhou est notamment accusée par la justice américaine d’avoir caché à plusieurs banques étrangères les liens entre Huawei et le groupe Skycom, une filiale du géant chinois qui vendait des équipements de télécommunications en Iran, selon l’accusation.
La directrice financière avait été remise en liberté quelques jours après son arrestation, moyennant une caution de 10 millions de dollars canadiens (6,6 millions d’euros), le port d’un bracelet électronique et la remise de ses passeports. Elle vit actuellement dans l’une de ses propriétés de Vancouver.
Dans les jours suivants, l’arrestation de Mme Meng, la Chine avait arrêté l’ex-diplomate canadien Michael Kovrig et son compatriote consultant Michael Spavor, qu’elle soupçonne d’espionnage. Elle a également condamné à mort deux autres Canadiens reconnus coupables de trafic de drogue et bloqué des livraisons canadiennes de colza et de viande.
Ottawa n’a depuis cessé de réclamer la libération de MM. Kovrig et Spavor, jugeant ces détentions « arbitraires ».