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Après l’euphorie, les start-up de la tech redescendent sur Terre

AFP|Publié le 10 novembre 2022

Après l’euphorie, les start-up de la tech redescendent sur Terre

«On est redescendu sur Terre», constate Charlie O'Donnell, fondateur de la société d'investissement Brooklyn Bridge Ventures, après un millésime 2021 durant lequel «les investisseurs s'étaient emballés». (Photo: 123RF)

New York — Après une année euphorique, marquée par des levées de fonds record, les starts-up technologiques naviguent à vue entre argent plus cher, moins abondant, et récession en vue.

«On est redescendu sur Terre», constate Charlie O’Donnell, fondateur de la société d’investissement Brooklyn Bridge Ventures, après un millésime 2021 durant lequel «les investisseurs s’étaient emballés».

L’an passé, quelque 311 milliards de dollars américains ont été levés par des sociétés de capital-risque, c’est-à-dire qui investissent dans de jeunes pousses à forte croissance, soit plus du double de 2020, déjà année record, selon le cabinet CB Insights.

«Il y a beaucoup de facteurs externes qui ont un impact sur le marché», explique Sunita Patel, responsable du développement commercial chez Silicon Valley Bank, qui cite la remontée des taux d’intérêt, le contexte géopolitique et la morosité des marchés financiers.

Dès mai dernier, la société d’investissement et de conseil Y Combinator prévenait les starts-up en recherche de financements à court terme: «Vos chances de réussite sont extrêmement faibles, même si votre entreprise se porte bien. Nous vous recommandons de changer vos plans» et d’attendre.

Du fait de cette détérioration du climat, «on voit fondre des valorisations d’entreprises», en particulier celles proches d’une entrée en Bourse, raconte Sunita Patel.

La plateforme de livraison de courses Instacart estime aujourd’hui peser 13 milliards de dollars, selon plusieurs médias, contre 39 milliards en mars 2021.

Quant au fleuron des logiciels de conduite autonome, Mobileye, il est passé de 50 à 17 milliards de dollars entre décembre dernier et son entrée à Wall Street, le mois dernier.

 

Fini de rire

Pour autant, l’état des lieux est loin d’être aussi alarmant qu’en 2000, voire même en 2008, les deux périodes noires de la tech depuis l’avènement d’internet.

L’intégralité des sommes levées depuis 2020 n’ont pas encore été investies, «donc il y a encore beaucoup de capital accessible aux sociétés du secteur», assure Sunita Patel.

«Cela aide d’être encore assez loin d’une éventuelle entrée en Bourse», note Rob Devlin, le cofondateur de Metalenz, une start-up spécialisée dans la métaoptique, qui permet notamment de réduire la taille d’une caméra de téléphones intelligents.

Cette petite entreprise de Boston vient de récolter 30 millions de dollars américains auprès d’investisseurs. Elle avait plusieurs qualités recherchées par les sociétés de capital-risque: un produit déjà sur le marché, le suivant dans les cartons et des clients prêts à acheter.

Tout dépend aussi des secteurs.

Securiti, une société spécialisée dans la gestion des données et la sécurité informatique, a levé 75 M$ US début octobre, avec une valorisation en hausse par rapport à son dernier tour de table, en 2019.

Pour Rehan Jalil, son directeur général, la cybersécurité n’est «pas touchée, pour l’instant», par le vent mauvais qui souffle sur les entreprises des réseaux sociaux, notamment.

«Beaucoup de plateformes grand public levaient des fonds sur la base d’arguments comme “c’est à la mode, c’est cool, c’est marrant”. Comme Clubhouse par exemple», note Lee Edwards. «C’est devenu plus difficile pour eux».

Selon cet investisseur du fonds californien Root Ventures, l’innovation dans les services et équipements pour les entreprises, des logiciels de productivité à l’automatisation des tâches, a le vent en poupe.

 

«Fondamentaux»

«Quand vous avez de moins en moins d’argent pour recruter des employés, la productivité devient essentielle», explique-t-il. 

«Et quand on pense à nos tensions avec la Russie, ou à celles entre la Chine et Taïwan… beaucoup de gens parlent de relocaliser les industries, y compris le président Joe Biden, qui encourage les investissements dans la fabrication des puces électroniques aux États-Unis».

Mais même pour les secteurs porteurs, il y a un «retour aux fondamentaux», résume Sunita Patel — à savoir discipline et austérité de rigueur dans les modèles économiques.

Les sociétés de capital-risque «prennent plus de temps» pour se décider, et il faut souvent compter de trois à six mois pour finaliser une opération, «ce qui était la norme auparavant», décrit Jenny Rooke, de la société d’investissement Genoa Ventures.

«Il faut faire beaucoup plus de réunions dans la Silicon Valley et parler à davantage de monde», abonde Rehan Jalil.

Et le climat pourrait encore se rafraîchir, selon les start-up comme les experts. 

«Il y a des turbulences au niveau mondial, (…) c’est pour ça que nous avons choisi de lever des fonds maintenant», raconte M. Jalil.

Toutes les entreprises ne survivront pas à la tempête. 

«Beaucoup d’entrepreneurs se diront que s’ils n’ont pas réussi à trouver des financements, c’est-à-cause du crash», lance Charlie O’Donnell, «mais en vérité, ils n’en auraient trouvé dans aucun contexte.»