Une ancienne boat people qui aide au-delà des frontières


Édition du 11 Avril 2015

Une ancienne boat people qui aide au-delà des frontières


Édition du 11 Avril 2015

Thi Be Nguyen

Thi Be Nguyen, 40 ans, revient de loin. Elle le sait et veut « redonner ». Par petites touches. C’est en retournant en 2006 dans son pays natal, le Vietnam, et en voyant la pauvreté dans laquelle son cousin et sa famille vivaient qu’elle a pris conscience de la chance qu’elle avait eue. La chance d’avoir un père en vie et valide, qui a pris en main la destinée des siens. Ce que son cousin, orphelin de père, n’a pas eu.

Son père à elle n’a pas attendu que la chance lui vienne en aide. Vietnamien vivant au Laos pour fuir la guerre dans son pays, il était à la tête d’une petite entreprise de débosselage à la fin des années 1970 quand le régime communiste a peu à peu envahi tous les pays de la péninsule indochinoise. La vie est alors rapidement devenue « impossible » pour la famille.

Thi Be Nguyen avait 3 ans et demi quand elle a été lancée dans une équipée folle pour fuir le Laos. Une première tentative a été stoppée par la police, et la famille a reçu un avertissement sévère. Une deuxième s’est terminée, après un périple sur terre et sur mer, dans les geôles thaïlandaises. « Mon père a été battu et torturé jusqu’à ce que les autorités nous envoient dans un camp de réfugiés », raconte-t-elle.

Parrainés par des familles juives québécoises

Après avoir passé un an dans des camps de réfugiés où la famille de trois enfants « devait se partager à cinq un bol de soupe par jour », le salut est arrivé du Canada, où un programme a permis à Thi Be Nguyen et sa famille, parrainés par des familles juives, de quitter la Thaïlande pour se rendre directement à Montréal. C’était en décembre 1979. « On est arrivés en plein hiver. Le tarmac était gelé. On nous a mis des couvertures sur les épaules, mais ma mère n’arrivait plus à avancer : elle ne savait pas marcher sur la glace. On n’en avait jamais vu ! » se souvient Thi Be Nguyen, qui avait alors près de 5 ans. Elle est encore en contact avec deux de ses parrains de l’époque.

Une phase d’adaptation plutôt rapide a suivi pour les enfants qui ne parlaient pourtant ni le français ni l’anglais à leur arrivée au Québec. « Ensuite, j’ai eu la chance d’avoir l’éducation et la sécurité. Une nouvelle vie », souligne la titulaire d’un bac en commerce de l’Université Concordia. En 2006, de retour au Vietnam, elle a pris conscience qu’elle « aurait pu être là », aux côtés de son cousin. « Je me suis sentie privilégiée et j’ai voulu redonner, démontrer ma gratitude envers tout le monde », affirme la conseillère au bureau de la présidence, affaires publiques, à la Banque Nationale, qui s’occupe des projets publics du pdg de l’institution, Louis Vachon.

Mère de deux enfants de 7 et 5 ans, elle avait d’abord prévu créer une fondation à sa retraite, quand elle aurait le temps. Mais finalement, l’envie était trop forte. Elle n’a pas pu attendre. « Je n’ai pas voulu reporter, car chaque action fait une différence », clame-t-elle, tandis qu’elle constate que « peu de membres de sa communauté sont impliqués dans la philanthropie ».

Création d’Uniaction

C’est ainsi qu’Uniaction a vu le jour en février 2014. La courte vie de l’organisme est pourtant déjà bien remplie. En moins d’un an, il a soutenu cinq organisations, pour un total de 25 000 $. Ces temps-ci, l’organisme, qui compte notamment sept membres exécutifs bénévoles et un conseil d’administration, travaille à la mise en place de bourses destinées à aider le démarrage d’événements ou de structures philanthropiques. Objectif : amasser 25 000 $. En octobre prochain, Uniaction prévoit faire le tour des hôpitaux pour fêter l’Halloween avec les enfants malades. De plus, un rendez-vous est déjà pris à Noël pour collecter puis distribuer des bas de Noël à des enfants de familles défavorisées.

Une série de conférences, intitulée Conférences & passions, a aussi été lancée. Des personnes inspirantes, le plus souvent des « célébrités », y témoignent de leur expérience et partagent des moments privilégiés avec des convives qui auront payé pour, par exemple, prendre un repas privé avec l’auteure Kim Thúy ou faire du curling avec Jennifer Jones, médaillée d’or des Jeux olympiques de Sotchi.

Et comme Thi Be Nguyen ne s’arrête jamais, elle a un projet pour marquer les 40 ans de la fin de la guerre du Vietnam et l’arrivée des réfugiés de la mer au Canada. Les recettes d’une réception-bénéfice, pendant laquelle une œuvre d’art communautaire sera réalisée collectivement, seront versées à des familles dans le besoin au Vietnam, au Laos et au Cambodge. « Un premier pas vers l’international » pour Uniaction qui compte bien aller plus loin et reproduire ce soutien hors des frontières du Québec. La boucle est bouclée.

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