EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE. La crise énergétique européenne offre aux entreprises québécoises de nombreuses occasions économiques, que ce soit pour la création ou le développement de marchés outre-Atlantique.
Située dans le Centre-du-Québec, à Kingsey Falls, l’entreprise Boralex se spécialise dans la production d’énergie renouvelable. Elle est installée depuis presque deux décennies en France, où elle dispose de nombreuses occasions à court terme.
En ce moment, Boralex y déploie 44 % de sa puissance totale installée de 2478 mégawatts (MW) en énergie éolienne, solaire et en stockage. Sur les 1102 MW d’énergie produite en France, 1068 proviennent des parcs éoliens, 34 MW des parcs solaires et 2 MW des batteries de stockage. Le gouvernement français a lancé, en juillet dernier, un plan de sobriété énergétique afin de réduire la consommation d’énergie de 40 % d’ici 2050 et de se libérer de sa dépendance aux énergies fossiles.
En attente d’autorisations, Boralex prévoit maintenant y développer 1100 MW de projets éoliens supplémentaires et plus de 400 MW de projets solaires pour répondre à la demande.
« Le marché [de l’énergie] n’est pas élastique, c’est difficile de réduire la consommation, explique Patrick Decostre, président et chef de la direction de l’entreprise, qui attribue le risque de pénurie en France à la fois à la crise en Ukraine et à des réacteurs nucléaires vieillissants et à l’arrêt. Face à un réel risque de pénurie d’approvisionnement énergétique, de nombreux pays européens accélèrent par ailleurs le déploiement d’énergie renouvelable — comme la construction d’éoliennes ou l’installation de batteries de stockage — et mettent en place des mesures coercitives pour favoriser l’efficacité énergétique.
« C’est un tiers de la production nucléaire qui manque [en France], affirme-t-il. Ce qui n’est pas fiable aujourd’hui, c’est l’énergie nucléaire […]. »
Innergex, spécialisée dans la production d’énergie renouvelable (hydroélectrique, éolienne, solaire) et l’installation de batteries de stockage, profite aussi de cette transition accélérée vers l’énergie zéro émission.
L’entreprise de Longueuil a annoncé, fin juillet, la mise en service, en France, d’un système de stockage d’énergie par batterie d’une puissance de « 9 MW/9 MWh », près des parcs éoliens de la compagnie québécoise, Yonne et Yonne II, en Bourgogne–Franche-Comté. La solution de stockage servira notamment à « absorber les pointes ponctuelles pendant la journée », a expliqué Michel Letellier, président et chef de la direction.
« Trop gros, trop tôt »
La crise énergétique a forcé des entreprises québécoises présentes sur le marché à s’adapter très rapidement à cette hausse de la demande. C’est le cas par exemple de la montréalaise dcbel, qui s’est empressée de nommer un PDG européen chargé de développer le marché de l’autre côté de l’Atlantique.
Depuis le début de la crise énergétique, le président de l’entreprise, Marc-André Forget, observe « une accélération phénoménale de la demande en Angleterre et en France » pour son « iPhone de l’énergie ».
« Nous ne sommes pas capables de servir en Europe. C’est beaucoup trop gros, beaucoup trop tôt », confie-t-il.
Dcbel propose des stations énergétiques résidentielles permettant de transformer en électricité l’énergie solaire produite sur les toits des maisons. La station offre aussi un système de stockage et permet la récupération de l’électricité des voitures électriques en cas de panne ou en heure de pointe, quand les tarifs européens d’électricité sont plus élevés.
Pour Marc-André Forget, l’« énergie solaire résidentielle peut régler le problème de la dépendance [énergétique] avec la Russie » en donnant au consommateur le contrôle de son énergie.
Déjà présent au Japon et aux États-Unis, dcbel travaille maintenant à adapter sa technologie pour le marché allemand.
Dans la Vallée de la transition énergétique qui, au moment où ces lignes étaient écrites, se déploie entre Bécancour, Trois-Rivières et Shawinigan, on espère plutôt attirer des investissements européens pour financer la recherche.
Alain Lemieux, directeur général de la zone d’innovation, affirme que plusieurs intérêts européens se sont manifestés pour « la filière batterie et l’électrification de l’énergie », mais il n’en dira pas plus. Il veut leur offrir de se joindre à l’écosystème de recherche de la Vallée et de promouvoir ainsi le « savoir-faire québécois et canadien ».
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L’hydrogène vert
L’Allemagne souffre particulièrement de la chute de l’approvisionnement de gaz naturel liquéfié russe. Cherchant à se défaire de la dépendance énergétique russe, le chancelier allemand Olaf Scholz a signé, en août dernier, un accord d’approvisionnement en hydrogène vert avec le Canada. Accord qui pourrait bien accélérer le développement de la filière hydrogène au pays.
Michel Letellier avoue d’ailleurs s’intéresser à la production d’hydrogène vert.
« On a la technologie, mais c’est très coûteux [à produire]. Il faudrait augmenter l’efficacité des électrolyseurs pour que ce soit compétitif, sans parler du défi du transport [pour exporter l’hydrogène vert]. »