Une coalition demande l’abandon de l’utilisation du gaz naturel dans les bâtiments

Publié le 04/04/2023 à 12:45, mis à jour le 04/04/2023 à 15:20

Une coalition demande l’abandon de l’utilisation du gaz naturel dans les bâtiments

Publié le 04/04/2023 à 12:45, mis à jour le 04/04/2023 à 15:20

Par La Presse Canadienne

Selon l’urgentologue Éric Notebaert, les cuisinières au gaz émettent du dioxyde d’azote, du méthane et du benzène et d’autres produits toxiques, même lorsqu’elles sont éteintes. (Photo: 123RF)

Le Québec doit accélérer l’abandon de l’utilisation du gaz naturel dans les bâtiments, selon une nouvelle coalition qui a lancé une campagne mardi matin. Cette sortie vise directement Énergir, principale entreprise de distribution de gaz naturel au Québec, qui, de son côté, s’engage à ce que ses «nouveaux raccordements soient 100% renouvelables».

La nouvelle coalition «Sortons le gaz!», formée d’organisations environnementales, syndicales et citoyennes, dénonce les risques pour l’environnement et la santé associés au gaz naturel et réclame la fin de son utilisation dans les bâtiments.

Ces organisations rappellent que le gaz distribué au Québec est à 99% d’origine fossile.

«Le gaz brûlé dans les bâtiments représente 7% des émissions annuelles de gaz à effet de serre du Québec et 63% des émissions du secteur des bâtiments, soit l’équivalent de celles générées par 1,6 million de véhicules», indique le communiqué de presse qui fait référence aux données publiées dans l’étude État de l’énergie au Québec 2023, de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal.

Un risque pour la santé

Selon l’urgentologue Éric Notebaert, de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME), l’utilisation du gaz naturel dans les résidences, qu’il provienne de sources renouvelables ou fossiles, représente des risques pour la santé respiratoire des enfants et des personnes vulnérables.

Lors d’une conférence de presse à Montréal, il a expliqué que les cuisinières au gaz émettent du dioxyde d’azote, du méthane et du benzène et d’autres produits toxiques, même lorsqu’elles sont éteintes.

«C’est un problème de santé publique qu’il faut éliminer le plus rapidement possible», a indiqué le médecin qui fait partie de la coalition «Sortons le gaz!».

En réponse aux risques pour la santé soulevés par l’AQME, la vice-présidente exécutive chez Énergir, Stéphanie Trudeau, a répondu: «humblement, je pense qu’ils ne représentent pas l’ensemble du corps médical».

En entrevue avec La Presse Canadienne, Mme Trudeau a ajouté qu’Énergir «n’est pas au courant de preuves avérées que chez les gens en santé, si c’est bien ventilé, d’un risque pour la santé» relié à l’utilisation d’une cuisinière au gaz.

Énergir souhaite augmenter la distribution de GNR

Dans un communiqué diffusé mardi matin, l’entreprise Énergir s’est engagée «à ce que tout nouveau raccordement à son réseau» de clients du secteur résidentiel, commercial et institutionnel provienne «d’une énergie 100% renouvelable».

Énergir a expliqué que «cette initiative était nécessaire pour freiner la croissance des nouveaux branchements au gaz naturel fossile» de ce secteur.

«Nous sommes confiants que notre stratégie est la bonne autant pour la décarbonation du Québec que pour stimuler des solutions telles que la biénergie et le gaz naturel renouvelable», a indiqué Stéphanie Trudeau.

Le réseau de l’entreprise Énergir distribue 97% du gaz naturel consommé au Québec et fournit en énergie un peu plus de 205 000 clients.

Selon le site internet de l’entreprise, 80% de son gaz naturel vient de l’Alberta et de la Colombie-Britannique et 20% des États-Unis.

Le gaz naturel renouvelable (GNR) ne représente actuellement que 1% des volumes dans le réseau d’Énergir.

L’entreprise compte atteindre 5% de GNR en 2025 et 10% en 2030.

Le GNR peut être produit par exemple à partir de déchets organiques comme les résidus agricoles.

Énergir fait valoir que les nouveaux clients pourront «opter pour le mode biénergie-GNR (70% électricité et 30% GNR) ou une consommation à 100% de GNR, deux solutions accessibles, et ce, à prix compétitif».

Mais selon Éric Pineault, professeur à l’institut des sciences de l’environnement de l’UQAM, le gaz naturel, qu’il soit renouvelable ou d’origine fossile, n’a pas sa place dans les secteurs résidentiel, commercial et institutionnel.

«Le problème, c’est la distribution du GNR. Si on l’utilise pour chauffer, il ne sera pas disponible là où on en a besoin de manière critique et non substituable, c’est-à-dire dans les procédés industriels, et c’est vraiment ça l’enjeu. Les volumes actuels sont très limités et dans l’avenir, on ne voit pas vraiment de croissance importante de ces volumes», a expliqué le professeur.

Celui qui fait également partie de la coalition «Sortons le gaz!» a ajouté que le GNR est «une bonne énergie, mais elle est utilisée au mauvais endroit».

Pour augmenter, dans l’avenir, sa capacité à produire du gaz naturel renouvelable, Énergir compte sur ce qu’on appelle le gaz naturel de deuxième et troisième génération provenant par exemple de la biomasse résiduelle forestière.

«On pense qu’au fur et à mesure que les industriels seront prêts à consommer des énergies renouvelables, que ce soit le GNR ou éventuellement l’hydrogène, on va être au rendez-vous, mais présentement la demande, elle est dans le chauffage», a fait valoir la vice-présidente exécutive chez Énergir.

Stéphanie Trudeau est d’avis qu’il n’est pas souhaitable «collectivement» d’électrifier toutes les résidences du Québec.

«Électrifier tout ce qui est électrifiable au Québec équivaudrait à cinq Romaine (barrage hydroélectrique) à construire pour quelques centaines d’heures par année, ce qui voudrait dire de mettre à niveau pour des centaines de millions, voir des milliards de dollars le réseau de transmission et de distribution d’Hydro-Québec», a indiqué Mme Trudeau.

La coalition «Sortons le gaz!» ne souhaite pas «l’abandon du gaz dans les bâtiments en un jour», car la conversion des bâtiments à l’électricité «ne pourrait pas être achevée avant 2046 en suivant le cours naturel de remplacement des équipements».

Mais «le Québec peut dès maintenant entamer la conversion complète des systèmes de chauffage, de cuisson et de séchage au gaz vers le tout électrique», selon la coalition.

Des municipalités limitent le gaz naturel

Des municipalités ont déjà commencé à limiter ou interdire le gaz naturel.

Par exemple, il y a un an, la Ville de Montréal a annoncé qu’à partir de 2025, toutes les nouvelles constructions devront être «zéro émission». Celles-ci ne devront donc pas utiliser le gaz naturel distribué par Énergir.

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