Les espoirs déçus du boom minier sur la Côte-Nord


Édition du 23 Août 2014

Les espoirs déçus du boom minier sur la Côte-Nord


Édition du 23 Août 2014

Par Suzanne Dansereau

Un sentiment partagé par plusieurs intervenants économiques que Les Affaires a rencontrés. Et par les ouvriers. En effet, si l'arrivée d'entrepreneurs généraux de l'extérieur se justifiait par le nombre et la taille des projets, les travailleurs de la construction ont plus de mal à comprendre pourquoi ils ont si peu travaillé en période de boom.

«Les travailleurs de la construction sur la Côte-Nord n'ont pas eu leur juste part des emplois, clame Bertrand Méthot, représentant de la FTQ sur la Côte-Nord. Des 11 000 travailleurs actifs durant le boom, seulement 3 800 venaient de la Côte-Nord, et ces derniers ne travaillaient en moyenne que la moitié du temps», relate-t-il.

C'est pourquoi, le 25 juin dernier, plus de 700 personnes ont manifesté dans les rues de Sept-Îles leur solidarité avec les travailleurs locaux qui dénoncent les difficultés à obtenir un emploi. D'autres manifs ont été tenues simultanément à Baie-Comeau, Havre-Saint-Pierre et Forestville.

Dans la région, le célèbre chef syndical Bernard Gauthier - mieux connu sous le nom de Rambo - est vu comme un héros. Même les gens d'affaires, tout en déplorant ses mauvaises manières, considèrent que son combat pour la sauvegarde des emplois locaux est juste.

En entrevue à Les Affaires, le principal intéressé sert cet avertissement : «le même effet pervers va se produire en Gaspésie, si on n'y change rien». (Un important projet de cimenterie est prévu en Gaspésie, sans parler d'un éventuel boom gazier.)

Comment lutter contre cet «effet pervers» ? À moins que les donneurs d'ordres n'acceptent de payer plus cher, la solution n'est pas simple.

De son côté, la Conférence régionale des élus de la Côte-Nord tente de savoir pourquoi le recours aux sous-traitants et aux travailleurs locaux coûte plus cher. Son hypothèse de départ est que l'écart entre les coûts de construction sur la Côte-Nord et ceux dans les grands centres peut aller jusqu'à 30 %.

Pourquoi ? Est-ce seulement en raison de l'éloignement ou y a-t-il d'autres facteurs ? Les employés locaux sont-ils moins productifs ? C'est ce que l'étude, qui devrait être terminée cet automne, cherchera à savoir.

Pour sa part, Bernard Gauthier accuse les grandes firmes de l'extérieur de ne pas respecter les conditions de travail de leurs employés - ce qui leur permet de soumissionner plus bas. Il déplore aussi que les travailleurs ne reçoivent pas suffisamment de formation, ce qui alimente un cercle vicieux de sous-emploi. De leur côté, plusieurs entrepreneurs locaux allèguent que les firmes de l'extérieur utilisent des stratagèmes pour réduire les factures de leurs sous-traitants, lesquels pressent ensuite le citron à leurs employés.

Faut-il toujours choisir le plus bas soumissionnaire pour un contrat, même si cela pénalise l'économie locale ? Tel est le dilemme qui se pose, et qui se posera au prochain boom, s'il y en a un.

Steeve Chapados, directeur général de la Caisse d'économie de Sept-Îles, propose le fractionnement des contrats et la possibilité d'imposer des quotas d'emplois locaux, comme le fait Hydro-Québec. Il n'est pas le seul. Mais il se heurte aux grands constructeurs et à la loi sur la mobilité des travailleurs. Jusqu'à présent, le gouvernement du Québec n'a pas voulu trancher : il additionne les tables de travail sur le sujet.

Les administrations municipales subissent en tout cas le paradoxe économique du boom : «Un boom occasionne des coûts plus élevés pour la ville. Il faut ouvrir de nouvelles rues, bâtir des infrastructures, explique le maire de Sept-Îles, Réjean Porlier. Mais si une bonne partie de ma population est sous-employée et a du mal à payer son loyer - qui a fortement augmenté à cause du boom -, comment voulez-vous que je hausse les impôts pour financer ces nouvelles infrastructures ?» Sept-Îles vient d'ailleurs de commander une étude sur les taux d'endettement acceptables pour son administration.

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