L'industrie minière a joué ses cartes avec des arguments chiffrés


Édition du 21 Décembre 2013

L'industrie minière a joué ses cartes avec des arguments chiffrés


Édition du 21 Décembre 2013

Par Suzanne Dansereau

Eric Tétrault, directeur des communications et des affaires gouvernementales chez ArcelorMittal.

Le débat minier aura été une véritable saga cette année. En septembre 2012, le Parti québécois, qui s'était fait élire sur la promesse de tirer plus de revenus de l'industrie minière, marquait le coup en donnant le portefeuille des Ressources naturelles non pas à François Gendron, qui connaît bien le monde des mines, mais à Martine Ouellet, perçue comme une «militante anti-mines» par l'industrie. Leur relation a été difficile, c'est le moins qu'on puisse dire.

Été 2012. Campagne électorale. La publicité du Parti québécois montrant un camion minier déversant des miettes et un travailleur disant «C'est juste ça qui nous reste ?» met l'industrie en état d'alerte. Clairement, le secteur minier sera un enjeu électoral majeur. À la direction de l'Association minière du Québec, on veut ménager la chèvre et le chou. Mais chez les minières en exploitation, on fait valoir qu'il faut intervenir rapidement. Au lieu d'être réactif, il faut prendre les devants, se dit-on. Comment ? En commandant à KPMG-Secor une étude technique sur les redevances minières dans le monde.

«Plus vite tu fais ta pédagogie, mieux tu pourras faire comprendre tes enjeux», explique Eric Tétrault, directeur des communications et des affaires gouvernementales chez ArcelorMittal.

Chiffres à l'appui, le lobby minier a ce qu'il faut pour faire passer son message : producteur marginal, le Québec n'occupe pas une position concurrentielle lui permettant d'exiger plus de redevances. Et ce message est livré non pas par les minières, mais par des experts jugés plus neutres. «Pour nous, il s'agissait de répondre à des voeux politiques pas toujours réalistes par des arguments pragmatiques, appuyés sur des faits», ajoute M. Tétrault.

À l'Assemblée nationale, le nouveau ministre des Finances, Nicolas Marceau, reçoit une autre étude, celle-là commandée à PwC par son prédécesseur, dans laquelle on démontre que le régime australien ne convient pas au Québec et qu'en plus, même le gouvernement australien a dû retraiter.

Mais au cabinet des Ressources naturelles, Martine Ouellet rejette l'étude qu'elle considère comme biaisée. Son sous-ministre Patrick Déry, un expert en finances, part, incapable de s'entendre avec elle. En moins d'un an, Martine Ouellet perdra un deuxième sous-ministre, un Abitibien qui connaît bien le monde minier, ainsi qu'un chef de cabinet et une attachée politique.

Nicolas Marceau commande plus tard une deuxième étude à PwC sur l'impôt minimum et un impôt sur les superprofits. Deux études de PWC dévoilées en mars au futur Forum sur les redevances minières.

Coalition arc-en-ciel

Dans l'attente de ce forum, les minières entament la phase deux de leur stratégie : elles vont chercher des appuis à l'extérieur. C'est ainsi que la Fédération des chambres de commerce du Québec, le plus important lobby d'affaires du Québec, entre en jeu. Elle place le dossier minier au coeur de ses préoccupations. Car ce secteur, plaide-t-elle, a des artères et des veines dans toute l'économie québécoise, touchant des milliers de fournisseurs autant à Montréal qu'en région. La Chambre de commerce du Montréal métropolitain entre elle aussi dans le débat, déjà investi par les firmes comptables et les cabinets d'avocats. Elle publie de son côté une étude qui démontre que le secteur de la transformation métallique est en santé à Montréal, contrairement à ce qu'on peut croire.

«Il était essentiel de créer une coalition arc-en-ciel, estime Eric Tétrault. De nos jours, les lobbys officiels ne peuvent plus faire le même chemin seuls. Il faut que l'ensemble des acteurs soient saisis du dossier. Et le but n'est pas tant de convaincre l'opinion publique que de déboulonner des mythes.»

Après le Forum, les minières font le va-et-vient entre les bureaux de Mme Ouellet et de M. Marceau.

Dans une entrevue à Les Affaires, le 20 avril, Christian Provencher, dirigeant d'Agnico Eagle, dit tout haut ce que plusieurs pensent tout bas : Martine Ouellet et Nicolas Marceau ne voient pas les choses du même oeil. Lorsque la nouvelle politique sur les redevances minières est finalement publiée, en mai, les minières constatent avec soulagement que ce sont les finances qui l'ont emporté. Au lieu de doubler les redevances, le nouveau régime les augmentera peut-être de 15 à 20 %. Le lobby social et environnemental qui a l'écoute de Martine Ouellet a perdu cette bataille, car c'est avec des chiffres qu'on gagne une bataille... de chiffres.

Ugo Lapointe, leader de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine

Réforme minière

Toutefois, malgré ses 145 lobbyistes, l'industrie minière n'a pas le même poids sur la réforme de la Loi sur les mines, qui dépasse les enjeux financiers et touche aux enjeux sociaux et environnementaux. Sur ces enjeux, la coalition arc-en-ciel (elle aussi) Pour que le Québec ait meilleure mine a acquis une grande crédibilité. Après deux tentatives de réforme sous les libéraux, la ministre des Ressources naturelles qui, cette fois, est à 100 % responsable du dossier (les redevances étaient de la responsabilité des Finances) arrive avec un troisième projet de loi. Ce dernier lui accorde plusieurs pouvoirs inégalés, notamment celui de refuser facilement un bail minier et d'apposer son veto sur une décision d'une municipalité concernant les zones compatibles ou incompatibles avec le développement minier. Les boucliers se lèvent dans l'industrie, ce qui pousse l'opposition (Parti libéral et Coalition avenir Québec) à bloquer le projet de loi 43.

Mais cette fois, la pression publique a raison de l'industrie : au lendemain du rejet du projet de loi, les voies se multiplient à gauche comme à droite pour en réclamer un nouvel essai. Après quatre ans de tentatives, il faut accoucher et moderniser l'industrie.

La coalition Pour que le Québec ait meilleure mine tient particulièrement aux mesures de consultation des populations, à la protection des propriétaires et locataires fonciers, à des garanties financières pour la réhabilitation de sites miniers , à un plus grand nombre d'examens par le BAPE des projets miniers, à l'accompagnement juridique des citoyens face à certains projets miniers, à une meilleure protection des lacs et des cours d'eau, à des mesures pénales plus sévères en cas d'infraction ainsi qu'à la transparence sur les quantités extraites et les redevances payées mine par mine. De leur côté, les représentants des municipalités veulent avoir la possibilité de définir des zones incompatibles à l'activité minière.

Cette fois, les minières calculent que leur réputation ferait les frais de l'échec d'une réforme et qu'il vaut peut-être mieux mettre fin à l'incertitude maintenant, plutôt que de la laisser planer jusqu'à une élection dont ne connaît pas les résultats.

C'est ainsi que l'industrie endosse la suggestion faite par la Coalition avenir Québec de dénouer l'impasse, quelques jours avant la fin de la session parlementaire, en décembre. Au final, le résultat «ne rompt pas l'équilibre qu'on observe sur le terrain», commente l'avocat Pascal de Guise, qui couvre le secteur minier chez Borden Ladner Gervais. Le pouvoir ministériel est balisé et, pour ce qui est des mesures sociales et environnementales, les minières en étaient rendues là, selon lui. «La population et la protection de l'environnement font des gains réels avec cette réforme», estime Ugo Lapointe, leader de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine.

Reste à voir la réglementation qui suivra en 2014. Mais pour l'instant, chaque camp peut fêter Noël en se disant que le pire - pas de réforme ou une réforme trop sévère, selon le camp - a été évité.

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