Un crédit d’impôt pour les alumineries aurait été trop complexe
La Presse Canadienne|Publié le 24 mars 2023Le ministère n’aurait pas eu le temps de trouver une solution de rechange pour inclure l’industrie de l’aluminium, précise le ministre lors d’une mêlée de presse. (Photo: La Presse Canadienne)
Le ministre des Finances, Eric Girard, se défend d’abandonner le secteur de l’aluminium, qui n’a pas accès au nouveau crédit d’impôt pour les grands projets d’investissement.
Le ministre affirme qu’il aurait été trop complexe d’estimer le coût fiscal du crédit d’impôt, s’il avait été offert aux alumineries. «C’était impossible pour le ministère des Finances de bien quantifier le coût du congé fiscal pour grands projets d’investissement dans le secteur de l’aluminium, explique-t-il lors d’un passage devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Donc, si on n’est pas capable de le calculer, on l’exclut.»
Le fait que les tarifs d’électricité des alumineries varient en fonction du prix de l’aluminium aurait complexifié cette estimation, selon lui. «Avec l’aluminium, le problème, c’est que les tarifs d’électricité sont fonction du prix de l’aluminium. Moi, j’essaie de calculer le coût d’un congé fiscal qui est fonction des tarifs d’électricité, qui lui−même est fonction des tarifs d’aluminium. C’est très difficile à estimer.»
Le ministère n’aurait pas eu le temps de trouver une solution de rechange pour inclure l’industrie de l’aluminium, précise le ministre lors d’une mêlée de presse en marge de la conférence. «Un budget, ça a une date de tombée. Il y a des moments où l’on ferme les prévisions économiques. Ensuite, on ferme le cadre financier. Ensuite, on prend les décisions. Au moment où nous devions prendre cette décision pour le congé fiscal pour grands projets d’investissement, on n’arrivait pas à bien quantifier le nombre de projets qui seraient impliqués, leur coût.»
La décision du gouvernement Legault a «déçu» les acteurs de l’industrie de l’aluminium. «Le Québec n’est plus seul dans le peloton de tête avec son aluminium à faible empreinte carbone, et nous devons assurer notre avenir en demeurant compétitifs», réagissait le président et chef de la direction de l’Association de l’aluminium du Canada (AAC), Jean Simard, plus tôt cette semaine après le dévoilement du budget.
M. Girard se défend d’abandonner cette industrie, un important employeur dans la région du Saguenay−Lac−Saint Jean. «Comme on adore le secteur de l’aluminium et que c’est stratégique, on met une note de bas de page qui dit: “lorsqu’on sera mieux apte à le calculer, bien probablement qu’ils seront éligibles”.»
Le ministre a reconnu que l’État avait un rôle à jouer pour appuyer les secteurs «stratégiques», comme l’aluminium, qui sont «intensifs en capital», mais qui ont des retombées à long terme. En mêlée de presse, il répond qu’il ne donnerait «pas de jugement» sur l’intervention la plus appropriée. «Chaque projet est analysé cas par cas.»
Le crédit d’impôt pour les grands projets d’investissement est l’une des mesures économiques phares du budget provincial, dévoilé mardi. Le crédit de 15 % à 25 %, selon la région, est destiné aux projets d’investissement d’au moins 100 millions $.
D’autres baisses d’impôt
M. Girard a aussi ouvert la porte à d’autres baisses d’impôt en marge de son allocution, mais celles−ci ne pourraient pas survenir avant l’atteinte de l’équilibre budgétaire après versement au Fonds des générations, prévu pour l’exercice 2027−2028.
«Une fois que ça aura été fait, on verra où nous en sommes. (…) Le Québec demeure l’endroit le plus taxé en Amérique du Nord, malgré cette baisse d’impôt. Il y aurait d’autres gestes qui pourraient être faits, certainement.»
La promesse de baisser les impôts ne fait pas l’unanimité et ses détracteurs ont fait plusieurs sorties publiques avant le dévoilement du budget provincial.
Pour des raisons parfois différentes, des économistes, des groupes de la société civile et des syndicats ont demandé au gouvernement Legault de renoncer à la promesse électorale de la Coalition avenir Québec (CAQ). Certains plaident en faveur d’un investissement supplémentaire dans les services publics ou la lutte au changement climatique, d’autres aimeraient qu’on maintienne les versements au Fonds des générations pour accélérer la réduction de la dette publique.
Au cours de son allocution devant un auditoire composé de membres de la communauté des affaires montréalaise, M. Girard s’est porté à la défense des baisses d’impôt adoptées par son gouvernement qui auraient l’appui de «la majorité silencieuse».
«Tous les éditorialistes sont contre moi. Soyons sérieux, la majorité silencieuse… Je vais au marché public. Je vais prendre un café. Tout le monde me félicite: “merci pour la baisse d’impôt”. J’ouvre le journal. “Oh boy”, quelle mauvaise idée de baisser les impôts!»