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Taxe sur le carbone: Québec s’oppose en Cour suprême

La Presse Canadienne|Publié le 09 juillet 2019

«On pense que ça devrait être le choix des provinces et ça devrait être aux provinces de décider.»

La taxe carbone du gouvernement fédéral est un empiétement dans les champs de compétence des provinces, juge le premier ministre François Legault. C’est pourquoi Québec a décidé d’aller défendre «son autonomie» devant la Cour suprême, en intervenant dans la bataille judiciaire qui oppose la Saskatchewan à Ottawa.

Et cela, même si cette taxe carbone ne s’applique pas au Québec.

«On pense que ça devrait être le choix des provinces et ça devrait être aux provinces de décider», a déclaré M. Legault lundi, en mêlée de presse.

La Saskatchewan conteste depuis le début la loi qui impose la taxe carbone _ la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre (GES) _ soutenant qu’elle est inconstitutionnelle. Cette taxe _ en vigueur depuis avril _ doit augmenter progressivement pour atteindre 50 $ la tonne en 2022. Le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, juge que cette taxe nuit à l’économie de sa province.

Ottawa avait notamment plaidé que les changements climatiques et les gaz à effets de serre constituent un enjeu national, relevant donc de sa compétence. Les cours d’appel de la Saskatchewan et de l’Ontario lui ont toutes deux récemment donné raison, confirmant qu’il a ce pouvoir en vertu de la Constitution. C’est pourquoi la bataille se rend maintenant devant la Cour suprême.

Québec a fait part lundi de son intention d’intervenir dans ce litige, même si elle n’est pas touchée par cette loi.

Seules les provinces qui n’ont pas mis en place un système de tarification du carbone se voient imposer une taxe, sous la forme d’une redevance sur l’essence et autres combustibles. Il s’agit de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick, du Manitoba et de la Saskatchewan.

Or, Québec avait instauré une bourse du carbone bien avant.

«On était content que la décision d’avoir une bourse du carbone, ça a évité au Québec une taxe sur le carbone, mais on pense que ça devrait être le choix des provinces et ça devrait être aux provinces de décider», a déclaré M. Legault lundi, en mêlée de presse. «On a souvent vu le gouvernement fédéral empiéter dans les champs de compétences de provinces. Il faut être prudents en santé, en éducation. (…) Il faut garder jalousement les pouvoirs des provinces», a déclaré le premier ministre pour justifier son intervention devant le plus haut tribunal du pays.

Plus précise, sa ministre de la Justice, Sonia LeBel, estime qu’il «faut saisir l’occasion pour venir réaffirmer la compétence provinciale en matière de lutte aux changements climatiques. C’est important», a-t-elle dit en mêlée de presse.

La Cour d’appel de la Saskatchewan et la Cour d’appel de l’Ontario «ont affirmé qu’il s’agissait d’une compétence exclusive du fédéral, ce que nous contestons. Alors ce n’est pas se ranger ni pour, ni contre, la Saskatchewan», a dit la ministre. «Nos motivations ne sont pas les mêmes», a-t-elle ajouté, et «nos arguments seront différents». Elle n’a toutefois pas voulu les partager, disant les réserver pour la Cour suprême.

Mais cette intervention ne vient-elle pas aider la Saskatchewan, qui veut invalider une loi sans avoir mis en place un régime de tarification de la pollution des GES?

Non, répond la ministre LeBel, qui refuse toutefois de commenter ce que les autres provinces font _ ou pas.

Et puis, elle fait valoir un autre argument: Québec n’apprécie pas que son système de bourse du carbone soit sujet à un contrôle de la part d’Ottawa, une forme de supervision qui durera jusqu’en 2030. «On considère qu’on est maître d’oeuvre en matière de lutte contre les changements climatiques».

Il semble s’agir d’un revirement de situation pour le gouvernement de François Legault. Le premier ministre avait déclaré en décembre 2018 qu’il n’avait pas l’intention d’intervenir «ni d’un côté ni de l’autre» dans ce litige en Cour qui était alors entre Ottawa et les provinces de l’Ontario et de la Saskatchewan.

Les plaidoiries risquent d’être longues devant les juges de la Cour suprême: l’Île-du-Prince-Édouard a aussi fait savoir lundi qu’elle va intervenir dans ce litige Saskatchewan-Ottawa.

La Cour suprême du Canada prévoit entendre la cause en décembre.