(Photo: 123RF)
La réforme de la santé et de la sécurité du travail du gouvernement Legault, même avec ses nouveaux amendements, constitue un « recul historique » pour les femmes.
C’est ce que soutient un groupe de signataires d’une lettre ouverte obtenue par La Presse canadienne.
Ces syndicats, associations, chercheurs, avocats, professeurs, médecins — ils sont une soixantaine — interpellent le ministre du Travail, Jean Boulet, qui pilote cette réforme, le projet de loi 59.
Leur sortie s’ajoute aux nombreuses critiques visant la Coalition avenir Québec sur l’enjeu de la condition féminine: le gouvernement est déjà accusé de ne pas se soucier assez du sort des femmes actuellement, dans le contexte des sept féminicides survenus récemment.
« Effets discriminatoires »
Le groupe de signataires plaide qu’« en plus de nuire à une prévention efficace, les amendements proposés ne répondent toujours pas à tous les besoins des travailleuses et continuent de perpétuer des effets discriminatoires à l’endroit des femmes », peut-on lire.
Entre autres, les dispositions sur le nombre minimal d’heures consacrées à la prévention ont été retirées, de même que des règles encadrant le fonctionnement des comités de santé et sécurité du travail.
Or, 82,5 % des femmes œuvrant en entreprise privée ne sont pas syndiquées et donc elles ne disposent pas d’un rapport de forces équitable avec leur employeur pour convenir de règles appropriées, font valoir les signataires.
« Sans un temps adéquat garanti, on peut se demander comment les représentants des travailleurs pourront identifier et prévenir les risques, y compris les risques psychosociaux auxquels les femmes sont davantage exposées », explique-t-on.
En outre, les signataires déplorent que le programme de prévention n’inclue toujours pas un plan de réaffectation pour les travailleuses enceintes.
Ils soulignent aussi que « rien n’est prévu pour protéger adéquatement les travailleuses d’agence ainsi que les travailleuses domestiques, qui demeurent partiellement exclues de la couverture automatique de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles », lit−on.
« Recul historique »
« Devant la possibilité d’un recul historique en matière de droit des femmes au travail, il est urgent que le ministre entende réellement la voix de toutes les travailleuses et révise en profondeur son projet de loi », concluent−ils.
Parmi les signataires, on retrouve pratiquement, tous les syndicats, la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ), le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), ainsi l’Association des juristes progressistes, etc.
Le ministre Jean Boulet avait déjà refusé que son projet de loi soit assujetti à une « analyse différenciée selon les sexes » (ADS) avant son adoption.
Il s’agit d’un type d’analyse précis et reconnu dans l’administration publique, qui permet de prendre en compte les différences homme-femme, lors de la planification et de la prestation des soins et des services.
Paradoxalement, dans son tout dernier budget déposé jeudi, le gouvernement a décidé d’encourager financièrement le recours à ce type d’analyse.
Le projet de loi 59 vise à réformer le système actuel pour en réduire les coûts, qui sont assumés à 100 % par les employeurs.
La CNESST a versé des prestations totalisant 2,22 milliards $ en 2018. Elle avait alors accepté 103 406 lésions professionnelles et enregistré 226 décès. Chaque jour, 251 travailleurs subissent un accident.