L’idée de tenir la grand−messe annuelle dans l’immense salle du Centre des congrès de Québec à l’occasion du huis clos budgétaire est totalement exclue cette année. (Photo: La Presse Canadienne)
Le budget 2021−2022 du gouvernement du Québec sera déposé plus tard que prévu cette année, et sera rendu public, exceptionnellement, sans la présence de hordes d’experts et d’observateurs chargés de l’analyser sous toutes ses coutures.
La tradition veut que le budget soit présenté en mars, l’année financière se terminant le 31 mars. Mais dans les circonstances il n’est pas impossible que le dépôt soit reporté en avril, cette année.
C’est du moins ce qui se trame présentement au ministère des Finances, selon ce qu’a appris La Presse Canadienne, lundi, de diverses sources gouvernementales.
Contrairement à ce qui se passe habituellement à ce moment−ci de l’année, aucune décision n’a encore été prise quant à la date du dépôt du budget, encore moins sur le meilleur moyen de le rendre public de façon sécuritaire dans un contexte de pandémie.
L’an dernier, le ministre des Finances, Eric Girard, avait annoncé le 6 février qu’il déposerait son budget 2020−2021 le 10 mars, quelques jours à peine avant le décret d’urgence sanitaire.
Ce lundi, 15 février 2021, le contexte a complètement changé avec l’incertitude ambiante causée par la crise sanitaire et aucune date ne circule encore pour la présentation du budget 2021−2022, soit le troisième du ministre Girard, qui se réserve le privilège de changer d’idée à la dernière minute.
Chose certaine, l’idée de tenir la grand−messe annuelle dans l’immense salle du Centre des congrès de Québec à l’occasion du huis clos budgétaire est totalement exclue cette année.
Normalement, plusieurs centaines de personnes (journalistes, fonctionnaires, élus, personnel politique, experts et analystes) s’y entassent comme des sardines durant toute la durée du huis clos, soit de 9 h à 16 h.
À l’approche du grand jour, plusieurs scénarios de rechange sont actuellement envisagés.
Le scénario le plus probable cette année serait de réunir exclusivement à huis clos les journalistes membres de la Tribune de la presse de l’Assemblée nationale dans une grande salle du parlement.
Seraient donc exclus des lieux tous les autres journalistes, de même que les experts et autres observateurs de la scène politique (syndicats, groupes de pression, organismes), qui débarquent à Québec pour l’occasion, et qui devraient donc se contenter de suivre l’événement à distance en mode virtuel, en consultant les documents en ligne.
Il n’est pas impossible non plus que même la présence des correspondants parlementaires soit prohibée. Québec opterait alors pour un événement totalement virtuel, comme l’a fait l’Ontario en novembre dernier pour présenter son budget, apparemment sans problème.
Les documents produits à cette occasion par le ministère des Finances et le Conseil du trésor (pour le volet des dépenses des ministères), sont des briques de plusieurs centaines de pages chacun. L’accès numérique pourrait poser un défi, puisqu’il s’agit de fichiers très lourds.
De déficit en déficit
Avec la pandémie qui perdure et gruge toujours plus le trésor public (13 milliards $ depuis mars, disait−on en novembre), le jour de la présentation du budget il ne faut pas anticiper une série de bonnes nouvelles en provenance du ministre des Finances.
En novembre, M. Girard prévoyait que le déficit atteindrait 8,3 milliards $ en 2021−2122.
Cette année, le trou dans les finances publiques atteint le record historique de 15 milliards $. En 2022−2023, le déficit atteindrait 7 milliards $. C’est donc dire que de 2020 à 2023, on obtient un total de 30 milliards $ écrits à l’encre rouge dans le budget du Québec.
Le retour à l’équilibre budgétaire n’est pas prévu avant 2025−2026, l’échéance ultime pour se conformer à la loi. Le ministre Girard pourrait−il profiter de la présentation du budget pour annoncer son intention de modifier la loi? Pourrait−il reporter les versements au Fonds des générations? Les réponses viendront plus tard.
M. Girard a dit qu’il ferait le point sur son plan de match de retour à l’équilibre budgétaire quand il présenterait son prochain budget.
À maintes reprises, malgré le contexte financier difficile causé par la crise sanitaire, le gouvernement s’est engagé à ne pas alourdir le fardeau fiscal des Québécois, donc à renoncer à hausser les taxes et les impôts, tout en évitant de réduire les services publics.
Pour y arriver, il n’y aura pas de recette magique. Le Québec devra jouer sur deux tableaux: trouver le moyen de provoquer une forte croissance économique, pour accroître les revenus dans les coffres de l’État, tout en réussissant à convaincre le gouvernement fédéral de hausser substantiellement les transferts en santé.
Québec réclame que la part d’Ottawa dans les dépenses de santé passe de 22% à 35%. Un tel scénario ajouterait 6 milliards $ annuellement dans les poches du gouvernement du Québec.
Pendant ce temps, les partis d’opposition commencent à se positionner pour formuler leurs recommandations au ministre des Finances sur ce qu’ils comptent trouver dans le budget 2021−2022.
Lundi, le porte−parole de Québec solidaire, le député Vincent Marissal, est revenu à la charge pour réclamer un «impôt pandémie» pour les entreprises «qui ont très très bien tiré leur épingle du jeu» depuis le début de la crise sanitaire. Il en a fait une question d’équilibre fiscal à instaurer.
«Il y a des entreprises, on va se le dire, des supermarchés, par exemple, Metro, Dollarama, mais aussi des multinationales, comme Walmart, qui ont fait beaucoup d’argent, qui ont profité, en quelque sorte, de la conjoncture, ils sont restés ouverts», a−t−il observé en point de presse, en exhortant le ministre des Finances à «récupérer une partie de l’argent que ces entreprises ont pu engranger».