Le Parti n’affichait pas d’autre programme dans ces élections européennes que la sortie de l’UE.
Le Parti du Brexit du populiste Nigel Farage, partisan d’une rupture nette avec l’UE, est arrivé nettement en tête des européennes au Royaume-Uni, accentuant la pression sur les conservateurs au pouvoir, relegués à la cinquième place, et renforçant l’hypothèse d’une sortie sans accord.
Les électeurs ont durement sanctionné le Parti conservateur de la première ministre Theresa May, qui a déploré des résultats « très décevants », les Tories ayant obtenu environ 9 % des voix selon des résultats portant sur la quasi-totalité des votes.
« Cela montre l’importance de trouver un accord de Brexit », a déclaré lundi Theresa May sur Twitter. « J’espère sincèrement que ces résultats seront au cœur des débats au Parlement », a-t-elle poursuivi alors que son plan de sortie de l’UE conclu avec Bruxelles a été rejeté trois fois par les députés britanniques, la contraignant à repousser la date butoir du divorce, initialement prévu le 29 mars, au 31 octobre au plus tard.
Ces échecs successifs l’ont aussi obligée à organiser le scrutin européen en catastrophe, avant d’annoncer vendredi sa démission le 7 juin prochain, près de trois ans après le référendum qui a décidé de la sortie du Royaume-Uni de l’UE.
Plusieurs des candidats à son poste ont vite réagi à cette défaite cuisante, estimant que le rebond du parti conservateur passerait par la mise en œuvre du Brexit, avec ou sans accord.
« Nous pouvons et devons mettre en œuvre le Brexit », a écrit lundi Boris Johnson dans le Daily Telegraph. « Une personne raisonnable ne peut uniquement chercher à obtenir une sortie sans accord, mais toute personne raisonnable doit garder cette éventualité sur la table » pour renégocier avec Bruxelles, a estimé celui qui est donné favori parmi les neuf prétendants à la succession de Theresa May.
« Nous sommes confrontés à la perspective d’un extrémiste brexiter comme chef conservateur et à la menace d’une sortie sans accord », a jugé lundi John Mcdonnell, ministre des Finances du cabinet fantôme de l’opposition travailliste.
Alors que son parti est sorti meurtri du scrutin (14 % des voix), payant son ambiguïté sur le Brexit, et notamment sur la question d’un second référendum, le député a annoncé lundi sur Twitter soutenir l’organisation d’une telle consultation.
Lot de consolation pour les europhiles, ces élections ont donné un nouveau souffle au parti libéral-démocrate, qui obtient près de 20 % des voix et seize sièges (contre un seulement en 2014).
Ces « très bons résultats » montrent « que nous sommes une majorité dans ce pays à vouloir rester et arrêter le Brexit », a déclaré à l’AFP le chef de file Lib-Dem, Vince Cable.
Regrettant toutefois que « le vote en faveur du maintien dans l’UE ait été dispersé » entre plusieurs formations europhiles, il s’est dit prêt à « travailler avec d’autres » : « ce n’est pas le moment pour les grands égos et le tribalisme ».
Quant aux Verts, ils ont doublé leur score par rapport à 2014, à 12 %, devançant les conservateurs.
« Ce n’est que le début »
« C’est un moment historique », a réagi sur Twitter lundi Nigel Farage, dont le parti remporte 29 sièges au Parlement européen. « Et ce n’est que le début », a-t-il prédit, soulignant que son parti pourrait tout aussi bien peser lors de futures législatives.
« Si nous n’avons pas quitté l’UE le 31 octobre, le Parti du Brexit participera aux élections législatives et neutralisera encore tout le monde », a-t-il affirmé à des journalistes.
Il a aussi demandé dès dimanche soir à « faire partie de l’équipe de négociations (avec l’Union Européenne, ndlr) afin que ce pays soit prêt à partir, quelles que soient les circonstances ».
Créé il y a à peine quatre mois en réaction aux atermoiements au Parlement sur la mise en œuvre du Brexit, le Parti du même nom n’affichait pas d’autre programme dans ces élections européennes que la sortie de l’UE. Il a capitalisé sur la colère des électeurs face à l’interminable feuilleton du Brexit.
Nigel Farage, 55 ans, ancien courtier à la City, avait déjà en 2014 remporté les élections européennes, à l’époque à la tête du parti europhobe et anti-immigration Ukip. Il est pour un départ à tout prix de l’UE, même sans accord pour absorber le choc.
« Pour honorer le vote démocratique du peuple et les promesses qui ont été faites, la seule chose que nous puissions faire est de sortir (de l’UE) avec les termes de l’OMC », a-t-il déclaré pendant la campagne. C’est-à-dire en quittant l’union douanière et le marché unique pour des relations commerciales régies par l’Organisation mondiale du Commerce.
Ce scénario est la hantise des milieux d’affaires et les Européens n’y sont pas non plus favorables. Le Parlement britannique avait voté contre. Et l’actuel ministre conservateur des Finances Philip Hammond a averti dimanche qu’il serait prêt à voter contre son propre camp si une telle situation se présentait avec les Tories au pouvoir.