La CAQ est embourbée depuis deux semaines dans une controverse sur ses méthodes de collectes de fonds et la participation de ministres à des activités de financement. (Photo: La Presse Canadienne)
Québec — Forcé de défendre ses méthodes controversées de collectes de fonds, François Legault a annoncé jeudi que la Coalition avenir Québec (CAQ) renoncera à recevoir des dons privés et demande aux autres partis de faire de même.
Tous les partis d’opposition ont rapidement fait savoir qu’ils refusaient l’offre caquiste en la qualifiant de «geste de panique» ou de «diversion», les libéraux allant même jusqu’à affirmer que les caquistes ont contrevenu à la loi électorale. La formation de M. Legault serait favorisée puisqu’elle touche déjà de l’État un financement plus élevé, calculé en fonction du nombre de votes reçus.
La CAQ est embourbée depuis deux semaines dans une controverse impliquant l’accès à des ministres lors d’activités de financement, à la suite de révélations de La Presse Canadienne.
«On en a discuté longuement en caucus hier (mercredi soir), il y a des députés qui n’ont pas trouvé drôle ce qu’ils ont vécu dans les derniers jours», a admis M. Legault en mêlée de presse à l’Assemblée nationale.
Coïncidence, la même journée, la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale, Ariane Mignolet, a invité les députés à la consulter concernant les situations de conflit d’intérêts et d’apparence de conflit d’intérêts.
Dans des messages obtenus par La Presse Canadienne, des élus caquistes ont invité des maires à des cocktails en laissant miroiter une rencontre avec des ministres en échange d’une contribution de 100$ à la caisse du parti. La commissaire à l’éthique enquête actuellement sur deux élus de la CAQ.
On a appris également que près de la moitié des maires ont contribué à la cagnotte de la CAQ depuis les élections municipales de 2021, pour presque 100 000$ au total. La loi électorale prévoit que chaque citoyen peut verser 100$ à une formation politique, mais il ne peut le faire pour obtenir une contrepartie.
«Ils (les caquistes) ne sont pas capables de respecter la loi», a lancé le chef intérimaire libéral, Marc Tanguay, à la période de questions.
Le premier ministre a dit qu’il ne pouvait accepter que son intégrité soit remise en question.
«Il y a une question de perception, il y a des doutes» sur le financement des partis, a-t-il déclaré pour justifier sa décision de renoncer aux dons des citoyens.
«Il peut y avoir des apparences qu’un parti politique qui reçoit des dons privés se sent obligé d’écouter davantage ces personnes.»
Le ministre responsable des Institutions démocratiques, Jean-François Roberge, entrera en contact avec les autres partis pour «trouver des solutions à ce problème qui est mauvais pour toute la classe politique», a expliqué M. Legault.
«On va renoncer à beaucoup d’argent, mais on va se débrouiller avec la partie du financement qui est publique» (qui vient de l’État), a-t-il poursuivi.
En renonçant au financement populaire, il met ainsi de la pression sur les autres formations qui comptent sur cette source de financement pour garnir leurs coffres, notamment son adversaire le Parti québécois (PQ), dont c’est l’une des forces.
«Le financement populaire est une composante importante de notre vie démocratique», a répondu le chef péquiste Paul St-Pierre-Plamondon sur le réseau X, anciennement Twitter.
«Les gens font des dons parce qu’ils veulent nous encourager, a expliqué le chef péquiste en mêlée de presse. Ce qu’on veut enrayer, ce sont des maires qui se sentent obligés de donner parce qu’ils se disent: peut-être que leur dossier n’avancera pas s’ils ne se pointent pas au cocktail de la CAQ.»
Le financement des partis politiques au Québec provient essentiellement du financement populaire, c’est-à-dire des contributions individuelles, et surtout de l’allocation annuelle versée par l’État, l’équivalent de 1,82$ par électeur, en fonction du vote obtenu par chacun des partis autorisés aux élections générales. L’État verse aussi un revenu d’appariement pour chaque dollar amassé par les partis, jusqu’à concurrence de 250 000$.
Le Parti québécois a reçu plus de 1,5 million de dollars (M$) en contributions individuelles en 2022, année électorale où les citoyens sont autorisés à verser 100$ supplémentaires en plus du don maximal autorisé par année de 100$, mais 2,8M$ en financement public versé par l’État.
À titre de comparaison, la CAQ a encaissé 1,35M$ en contributions individuelles en 2022, mais elle a reçu près de 6,4M$ de l’État.
«Est-ce que les citoyens devraient avoir le droit, à l’intérieur d’un cadre rigoureux, de faire un petit don pour encourager le projet de société qui leur ressemble plus? Je pense que oui, c’est sain pour la démocratie», a demandé le chef parlementaire de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois.
«Clairement, François Legault, avec ce changement, il avoue que ses ministres n’ont pas respecté la loi, a renchéri le leader parlementaire libéral, Monsef Derraji. Ce n’est pas parce que ses ministres (de M. Legault) ne respectent pas la loi qu’on doit interdire le financement populaire.»
Patrice Bergeron, La Presse Canadienne
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