De fonctionnaires ont songé à alerter d’une possible ingérence
La Presse Canadienne|Publié le 05 avril 2024L’enquête fédérale, présidée par la juge Marie−Josée Hogue, de la Cour d’appel du Québec, vise notamment à identifier de possibles ingérences étrangères de la Chine, de l’Inde, de la Russie ou d’autres pays lors des deux dernières élections générales fédérales. (Photo: La Presse Canadienne)
Un responsable fédéral a déclaré qu’un groupe de hauts fonctionnaires avait envisagé d’avertir la population d’une possible ingérence étrangère lors des dernières élections générales, mais qu’après analyse, il avait décidé de ne pas le faire.
Cette décision a été prise, en partie, parce qu’une possible campagne de désinformation allait probablement atteindre uniquement la diaspora chinoise, a déclaré Allen Sutherland, qui travaille au Bureau du Conseil privé en tant que secrétaire adjoint du cabinet.
M. Sutherland a préparé l’ordre du jour et a participé aux réunions du soi−disant groupe des cinq, dont les membres étaient responsables de lancer un avertissement public s’ils croyaient qu’un incident — ou une accumulation d’incidents — compromettait la capacité du Canada à organiser des élections libres et équitables.
Il n’y a pas eu d’annonce de ce type en 2021 ni concernant les élections de 2019.
Le comité de hauts fonctionnaires a pris connaissance de préoccupations concernant des informations circulant sur l’application de médias sociaux WeChat en mandarin pendant la campagne de 2021.
Le Parti conservateur a signalé une possible campagne de désinformation concernant son programme et son attitude à l’égard de la Chine. L’ancien chef conservateur Erin O’Toole a déclaré à l’enquête plus tôt cette semaine qu’il estimait que cette campagne avait pu coûter au parti jusqu’à neuf sièges.
Les responsables ont discuté de la pertinence d’un avertissement public, a déclaré M. Sutherland, et il a comparé cette campagne à une situation antérieure qui avait impliqué un faux article contenant des informations incendiaires sur le premier ministre Justin Trudeau en 2019.
Le fait que les messages WeChat soient en mandarin signifiait que les informations n’atteindraient probablement que la diaspora chinoise, contrairement aux faux articles qui étaient en anglais et avaient le potentiel de «devenir viraux» à l’échelle nationale.
«Je ne veux pas vous laisser l’impression que cela a été traité avec moins de sérieux», a déclaré M. Sutherland à la commission.
En dernier recours
Ce n’est que l’un des facteurs qui ont conduit le comité à choisir de ne pas lancer d’avertissement public dans ce qui était finalement un jugement nuancé, a-t-il soutenu.
Le manque de preuves permettant de lier définitivement la campagne à la Chine et le fait que les messages faisaient référence à des «questions politiques substantielles» par opposition à des allégations clairement fausses ont également pesé dans la balance, a affirmé M. Sutherland dans un résumé d’un entretien qu’il a accordé à la commission avant son témoignage.
Vendredi, il a déclaré à l’enquête que des discussions avaient lieu sur le seuil à respecter pour faire une annonce publique, et il a indiqué que cela se produirait, par exemple, si la diffusion de fausses informations était persistante et pouvait affecter les décisions de vote des citoyens.
«Il était entendu que cela ne serait fait qu’en dernier recours lorsque l’écosystème démocratique ne se nettoierait pas tout seul — et que personne ne démystifierait l’information», a-t-il indiqué.
Le comité craignait que des interventions publiques trop fréquentes ne créent inutilement l’impression que les institutions démocratiques du Canada manquaient d’intégrité, a déclaré M. Sutherland.
Le comité a reçu des informations du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections, composé de représentants des principales agences de sécurité nationale, ainsi que d’autres sources.
Le groupe était composé du greffier du Conseil privé, du conseiller à la sécurité nationale, du sous−procureur général et des sous−ministres de la Sécurité publique et des Affaires étrangères.
Lors des élections générales de 2019 et de 2021, les libéraux ont été réélus au gouvernement avec des mandats minoritaires, tandis que les conservateurs formaient l’opposition officielle.
Malgré tout, les allégations d’ingérence étrangère dans ces élections — suggestions alimentées par des fuites anonymes dans les médias — ont donné lieu à un concert d’appels en faveur d’une enquête publique actuellement en cours.
La commission devrait publier ses conclusions provisoires d’ici le 3 mai et un rapport complet d’ici la fin de l’année.
L’enquête fédérale, présidée par la juge Marie−Josée Hogue, de la Cour d’appel du Québec, vise notamment à identifier de possibles ingérences étrangères de la Chine, de l’Inde, de la Russie ou d’autres pays lors des deux dernières élections générales fédérales.
Jim Bronskill et Laura Osman, La Presse Canadienne