COVID-19: le déficit fédéral bondit à 381 milliards de dollars
La Presse Canadienne|Publié le 30 novembre 2020Le déficit fédéral dépassera les 381 G$ cette année, pour retomber autour de 121 G$ l'an prochain.
Le déficit fédéral pourrait frôler les 400 milliards $ cette année, si la pandémie devait empirer au Canada. Mais le gouvernement se dit prêt à délier encore davantage les cordons de la bourse pour aider les Canadiens à traverser un hiver « difficile », en attendant l’arrivée d’un vaccin.
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La ministre des Finances, Chrystia Freeland, dévoilait son énoncé économique, lundi après−midi à la Chambre des communes, premier document sur la situation financière du pays depuis le portrait économique publié en juillet.
Selon ce document, le déficit fédéral sera de 381,6 milliards $ cette année. Ce calcul ne tient pas compte du plan de relance de Mme Freeland qui, selon l’évolution de la pandémie, se chiffrera entre 70 et 100 milliards $ et se déploiera sur trois ans.
Le déficit pourrait donc, selon les prévisions plus pessimistes du gouvernement, être de 398,7 milliards $.
En conférence de presse, Mme Freeland a expliqué que l’ampleur du plan de relance, qui sera détaillé au printemps, sera représentatif « du niveau de blessure » de l’économie.
« C’est logique de penser qu’on a aujourd’hui une crise plus forte qu’on a eue en 2008-2009 et ce sera nécessaire de dépenser plus pour la relance. (…) Quand on regarde ce que les pays européens ont fait, ce que l’Australie a fait, (…) on voit entre 3 % et 4 % du PIB. (…) C’est comment on a fait nos calculs », a-t-elle offert en guise d’explication.
Le gouvernement fédéral a tout de même profité de son énoncé économique pour annoncer une série de nouvelles mesures totalisant 25 milliards $.
Parmi ces mesures, l’augmentation de la Subvention salariale d’urgence du Canada qui passera de 65 % à 75 % pour les périodes allant du 20 décembre au 13 mars prochains, et le prolongement des taux actuels de la nouvelle Subvention d’urgence pour le loyer jusqu’au 13 mars prochain également. Les deux programmes seront disponibles jusqu’en juin 2021.
On annonce également une nouvelle aide temporaire pouvant atteindre 1200 $, non imposable, pour chaque enfant de moins de six ans pour les familles qui reçoivent l’Allocation canadienne pour enfants (ACE). Il est estimé qu’environ 2,1 millions d’enfants bénéficieront de cette aide, qui coûtera environ 2,4 milliards $ en 2021.
Ottawa crée, par ailleurs, un fonds pour la prévention et le contrôle des infections; 1 milliard $ à transférer aux provinces, la moitié cette année et l’autre moitié en 2021-2022, pour améliorer la situation dans les établissements de soins de longue durée. Cet argent vient avec des conditions, ce qui risque de froisser les gouvernements provinciaux qui ne trouveront dans le document aucune référence à leurs demandes d’augmentation des transferts en santé.
La ministre Freeland a balayé du revers de la main les questions au sujet d’une possible grogne des provinces, préférant souligner la « bonne collaboration » du gouvernement fédéral avec les provinces. Elle a aussi vanté la contribution fédérale à la lutte contre la pandémie.
« On a même trouvé un chiffre très important », a-t-elle dit en conférence de presse. « Huit des 10 $ qui ont été dépensés pour protéger les Canadiens, pour les aider, pendant notre lutte contre la COVID-19, ont été dépensés par le fédéral. Alors, je pense que c’est très important de souligner à quel niveau le fédéral est là maintenant », a-t-elle ajouté.
D’autres mesures visent à promouvoir une économie « verte ». Ottawa propose de verser 2,6 milliards $ sur sept ans afin de mettre sur pied un programme d’éco-rénovation de 5000 $ par propriétaire. Il est aussi prévu de verser plus de 3 milliards $ pour établir des partenariats en vue de planter les deux milliards d’arbres promis lors de la dernière campagne électorale.
La ministre prévoit également une aide ciblée pour les industries les plus touchées par la pandémie. Elles pourront bientôt compter sur un nouveau programme, le Programme de crédit pour les secteurs durement touchés (PCSDT), qui offre des prêts à faible taux d’intérêt. De plus, l’industrie de l’art aura droit à 181,5 millions $ en 2021-2022. Le transport aérien régional et les petits aéroports auront droit à 392 millions $ versés en deux ans.
Parmi toutes ces dépenses se trouve une nouvelle source de revenus. Le gouvernement fédéral propose que les géants du web perçoivent les taxes de vente d’ici le 1er juillet 2021. Il est estimé que cette mesure augmentera les recettes fédérales de 1,2 milliard $ sur cinq ans.
Les projections de l’énoncé économique de lundi laissent entrevoir un déficit considérablement réduit dans les années à venir.
Ainsi, le solde budgétaire du gouvernement fédéral serait dans le rouge de 121,2 milliards $ en 2021-2022, puis de 50,7 milliards $ en 2022-2023, de 43,3 milliards $ en 2023-2024, de 30,9 milliards $ en 2024-2025 avant de revenir à 24,9 milliards $ en 2025-2026. Ces chiffres ne tiennent pas compte du plan de relance.
L’énoncé économique de lundi a été accueilli favorablement par le monde des affaires, dans l’ensemble, même si on constate quelques omissions.
« On constate des oubliés dans les secteurs aériens et touristiques. En période de crise, les gouvernements ont la responsabilité d’intervenir dans leur économie pour atténuer les impacts et préparer le redémarrage », a déclaré Charles Milliard, président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ).
Goldy Hyder, du Conseil canadien des affaires, aurait quant à lui aimé voir un ancrage budgétaire qui va guider les décisions de la ministre des Finances.
Du côté des groupes environnementaux, on déplore l’absence de mesures urgentes et concrètes.
« Il est possible de lutter contre la pandémie et jeter les bases d’un avenir plus vert, plus équitable et plus solidaire, mais ce ne sera malheureusement pas grâce à cette mise à jour économique. Nous maintiendrons la pression pour que le prochain plan d’action climatique et le budget 2021 respectent enfin les promesses des libéraux », a déclaré Patrick Bonin, porte-parole chez Greenpeace Canada.