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Comment l’Autriche a réussi son déconfinement

François Normand|Publié le 13 mai 2020

Depuis un mois, le nombre de personnes infectées diminue, notamment en raison du port obligatoire du masque.

Alors que le déconfinement dans certaines régions du Québec suscite de l’inquiétude, l’Autriche démontre qu’il est possible de rouvrir graduellement son économie sans assister à une reprise incontrôlée des infections à la COVID-19, du moins pour l’instant.

Ce petit pays d’Europe centrale de 8,9 millions d’habitants fait partie des premiers États du vieux continent qui ont déconfiné et rouvert graduellement leur économie, en l’occurrence le 14 avril, dans le cas de l’Autriche.

En avril, le taux de chômage s’y est établi à 12,8%, selon le site Trading Economics. Un groupe de chercheurs autrichiens estiment que la reprise économique pourrait prendre jusqu’à trois ans avant d’assister à un retour à la normale.

Depuis un mois, l’Autriche a donc réussi à maintenir un indicateur RO (qui mesure le taux de reproduction d’un virus) inférieur à 1, ce qui signifie que l’épidémie est sous contrôle, voire légèrement en déclin.

«Depuis avril, la valeur RO est inférieure à 1; elle est actuellement de 0,81», indique à Les Affaires un porte-parole du ministère fédéral des Affaires sociales, de la Santé, des Soins et de la Protection des consommateurs.

Concrètement, un RO de 0,81 signifie que 100 personnes infectées vont transmettre le virus à 81 autres personnes. Et que ces 81 individus vont le transmettre à 66 et ainsi de suite.

Cette situation permet d’afficher une tendance à la baisse dans le nombre des nouveaux cas et des décès.

 

 

Au Québec, le RO «varie autour de 1», affirme Madalina Burtan, porte-parole de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), qui affirme ne pas détenir «de taux de reproduction précis». Ce taux approximatif tient compte de la région de Montréal, qui est toujours confinée actuellement.

Pour mesurer l’évolution de la pandémie en Autriche, les autorités sanitaires effectuent de 3 000 à 10 000 tests par jour, selon le ministère fédéral des Affaires sociales, de la Santé, des Soins et de la Protection des consommateurs.

À ce jour, les autorités ont effectué 300 000 tests.

Depuis le début de la pandémie, l’Autriche a eu 15 997 cas confirmés d’infection à la COVID-19, qui ont causé la mort de 624 personnes, selon le site du John Hopkins Coronavirus Resources Center, une référence mondiale en la matière.

Au Québec, on dénombre 39 225 personnes cas confirmés, dont 3 131 décès.

Une approche structurée et rigoureuse

L’Autriche a rouvert son économie en bloc, et ce, dans l’ensemble du pays. Pour autant, les commerces devaient avoir le feu vert pour ouvrir en vertu du règlement d’assouplissement des autorités sanitaires.

Le gouvernement a d’abord autorisé le redémarrage des magasins dotés d’une surface de vente inférieure de 400 mètres carrés, incluant les commerces de détail tels que les quincailleries et les fleuristes.

Comme dans plusieurs pays qui ont rouvert leur économie, le port du masque figure parmi les mesures phares mises en place par les autorités autrichiennes.

«Un masque facial doit être porté par les clients et les employés. Le nombre de clients est limité (il doit y avoir 10 m2 disponibles par client) et une distance minimale d’un mètre doit être maintenue», souligne un porte-parole du ministère fédéral des Affaires sociales, de la Santé, des Soins et de la Protection des consommateurs.

Fait à noter, les propriétaires des commerces sont responsables de faire respecter ces mesures.

Patrick Déry, analyste en politiques publiques, s’étonne d’ailleurs que le gouvernement Legault n’impose pas le port du masque comme en Autriche (il ne fait que le recommander), alors que le Québec a commencé à rouvrir son économie à l’extérieur de la région de Montréal.

«Une étude de l’Université Yale montre pourtant que la propagation du virus était 44% plus élevée dans les pays sans masque comparativement aux pays avec masques», dit-il.

Autre signe que le déconfinement se passe relativement bien en Autriche, les autorités sanitaires ont permis, depuis le 1er mai, aux coiffeurs et aux cabinets de dentistes de recevoir à nouveau des clients.

De leur côté, les restaurants pourront rouvrir à compter de ce vendredi 15 mai.

En revanche, les cinémas et les théâtres demeureront fermés jusqu’à nouvel ordre, selon le ministère. «La situation est constamment évaluée et les mesures futures seront adaptées en conséquence.»

Une application de traçage, mais sur une base volontaire

Pour gérer son déconfinement, l’Autriche mise aussi sur des technologies pour retracer les personnes malades ou risquant de l’être afin de limiter le risque de propagation du virus dans le pays.

Cette application développée par la Croix-Rouge n’est toutefois pas obligatoire; son utilisation est volontaire, mais recommandée par le gouvernement.

Quant aux écoles, les autorités autrichiennes les ouvriront à compter du lundi 18 mai, mais d’une manière très encadrée.

Ainsi, les classes seront enseignées par équipes, et elles seront principalement divisées en deux groupes. Alors qu’un groupe aura des cours à l’école, l’autre groupe travaillera à partir de la maison.

De plus, les groupes alterneront à tous les deux à trois jours.

Si la situation semble sous contrôle en Autriche, le cas de l’Allemagne démontre que le déconfinement et la réouverture de l’économie sont des opérations complexes qui requièrent beaucoup de préparation et de planification.

L’Allemagne -un pays relativement peu touché par la COVID-19- a amorcé graduellement son déconfinement depuis le 20 avril, soit une semaine après son voisin autrichien.

Or, les choses se passent moins bien que prévues, car les infections sont reparties à la hausse.

Ce lundi 11 mai, le RO en Allemagne s’élevait à 1,07, selon l’Institut Robert Koch pour la santé publique et le contrôle des maladies (RKI). Cela signifie que 100 personnes infectées vont transmettre le virus à 107 autres personnes. Et que ces 107 individus vont le transmettre à 114 et ainsi de suite.

Les autorités doivent donc ramener, mais surtout garder le RO à un niveau inférieur à 1 afin de pouvoir rouvrir de manière relativement sécuritaire l’économie allemande en attendant la découverte d’un éventuel vaccin, sans doute d’ici 12 à 18 mois, selon les scientifiques.