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Cannabis: l’âge minimal légal relevé à 21 ans au Québec

La Presse Canadienne|Publié le 02 janvier 2020

Depuis le 1er janvier, les Québécois âgés de moins de 21 ans ne peuvent plus acheter ou posséder de cannabis récréatif.

Depuis le 1er janvier, les Québécois âgés de moins de 21 ans ne peuvent plus acheter ou posséder de cannabis récréatif, avec l’entrée en vigueur de la limite d’âge la plus stricte au pays depuis la légalisation de cette drogue il y a 14 mois.

Le gouvernement de François Legault a adopté à l’automne une loi qui rehausse l’âge minimal pour obtenir du cannabis, auparavant établi à 18 ans. Québec a justifié sa décision en évoquant l’impact de cette substance sur les jeunes cerveaux. 

Mais les experts soutiennent que le fait de restreindre l’accès au cannabis légal pour le segment de la population le plus susceptible d’en consommer n’aura pas l’effet escompté. 

Daniel Weinstock, directeur de l’Institut de recherche sur les politiques sociales et de santé de l’Université McGill, estime que les motivations du gouvernement caquiste sont claires, citant des études sur les risques pour le développement cérébral.

«Le problème est la quantité de cannabis qui est déjà sur le marché noir. Nous devons réfléchir sérieusement à notre capacité à appliquer efficacement la prohibition, prévient M. Weinstock. Et si nous ne pouvons pas le faire — et je soupçonne fortement que nous ne le pourrons pas — (…) nous risquons de nous retrouver dans le pire des scénarios possibles.» 

Ainsi, des jeunes âgés de 18 à 21 ans s’approvisionneraient auprès de revendeurs et consommeraient des produits contaminés et non réglementés, sans être renseignés sur leur puissance.

Un chercheur en toxicomanie de l’Université de Montréal estime qu’une faible proportion de jeunes — ceux déjà jugés à faible risque — cesseront peut−être de consommer du cannabis en raison de cette nouvelle limite d’âge. 

Mais Jean−Sébastien Fallu rappelle que lorsque le cannabis récréatif était illégal, près de la moitié des Québécois de 17 ans en avaient déjà fait l’expérience au moins une fois.

«Alors je ne pense pas que cette nouvelle règle va avoir un impact important sur la consommation chez les mineurs ou les adolescents», avance−t−il.

 

L’interdiction n’est pas toujours la solution

Selon Daniel Weinstock, les décideurs doivent comprendre qu’une interdiction n’est pas toujours la solution, même si la plupart des acteurs concernés partagent l’objectif de modérer la consommation chez les jeunes. 

Le ministre délégué à la Santé, Lionel Carmant, a décliné une demande d’entrevue de La Presse canadienne par le biais de son porte−parole. Le ministre Carmant a déjà fait valoir par le passé que le relèvement de l’âge minimal avait pour but de protéger les cerveaux en développement des jeunes adultes. 

Mais M. Fallu craint que les jeunes consomment du cannabis illégal sans contrôle de la qualité pour les niveaux de THC — le principal composant psychoactif de la drogue.

L’Association québécoise de l’industrie du cannabis, qui représente plus de 25 producteurs autorisés de la province, a déjà soulevé ses préoccupations face à ces nouvelles règles qui vont à l’encontre du raisonnement du gouvernement fédéral, lui qui a légalisé le cannabis récréatif par souci de sécurité publique et pour éradiquer le marché noir. 

Bien que le gouvernement fédéral ait lui−même établi l’âge minimal à 18 ans, il a laissé la liberté aux provinces et territoires de se doter de leurs propres règles. L’âge minimal a été rehaussé à 19 ans dans toutes les autres provinces, sauf en Alberta, où il demeure fixé à 18 ans.

Puisque l’âge légal pour boire de l’alcool et fumer du tabac demeure à 18 ans au Québec, le Barreau soulève la possibilité de contestations constitutionnelles quant à la discrimination fondée sur l’âge.

L’avocat Julius Grey voit dans la loi une «forme de paternalisme totalement injustifiable dans notre société».

«Je pense que c’est absurde et que c’est contraire à la Charte canadienne des droits et libertés, je pense que c’est de la discrimination en fonction de l’âge, a−t−il lancé. Il me semble parfaitement absurde de dire que l’alcool — qui tue beaucoup plus de gens que le cannabis — est sécuritaire à 18 ans, mais que le cannabis l’est seulement à 21 ans.» 

Me Grey juge étrange qu’à partir de l’âge de la majorité, on puisse être considéré comme entièrement responsable de ses actes, mais sans avoir accès à un produit pourtant légal. 

La consommation de cannabis à des fins récréatives a été légalisée partout au Canada le 17 octobre 2018, mais le Québec a rapidement adopté des mesures plus strictes.

La province est l’une des deux seules où la culture à domicile est interdite, avec le Manitoba. Le Québec compte d’ailleurs porter en appel une décision de la Cour supérieure qui a invalidé cette interdiction, car elle empiète sur les compétences constitutionnelles du gouvernement fédéral. 

En rehaussant l’âge minimal, Québec a également interdit la consommation de cannabis dans les lieux publics, en plus d’introduire d’autres restrictions sur les produits comestibles, qui ont déjà fait leur arrivée sur le marché ailleurs au pays.

M. Weinstock croit que l’approche du gouvernement provincial pourrait toujours être appelée à changer, puisque le cannabis légal demeure relativement nouveau.

«J’espère qu’avec le temps, la drogue sera normalisée, et nous pourrons adopter une série de politiques fondées sur des preuves, plutôt que motivées par la peur et la panique», a−t−il fait valoir.