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Aluminium: les États-Unis font marche arrière

La Presse Canadienne|Publié le 15 septembre 2020

Les États−Unis font marche arrière dans leur différend avec le Canada et retirent les tarifs de 10% sur l’aluminium.

Les États−Unis ont subitement décrété une trêve tarifaire avec le Canada en levant mardi leur taxe de 10% sur l’aluminium canadien, quelques heures seulement avant qu’Ottawa ne mette en application des mesures de représailles.

Le bureau du représentant américain au Commerce a déclaré qu’il lèverait les droits de douane rétroactivement au 1er septembre, car il s’attend à ce que les exportations canadiennes «se normalisent» durant le reste de l’année. 

Washington a fait cette volte−face alors que la vice−première ministre Chrystia Freeland et la ministre du Commerce international Mary Ng se préparaient à dévoiler, mardi après−midi, une liste de produits d’aluminium et de produits fabriqués américains qui seraient visés par des tarifs équivalents à ceux imposés par les États−Unis. 

Le bureau du représentant américain au Commerce estime que les importations mensuelles moyennes en provenance du Canada devraient baisser de 50% par rapport aux niveaux atteints au cours des six premiers mois de l’année. 

Dans un communiqué, le bureau indique que les importations d’aluminium seront étroitement surveillées au cours des quatre prochains mois. «Si les expéditions réelles dépassaient 105% du volume prévu pour un mois quelconque au cours de la période de quatre mois, les États−Unis imposeront rétroactivement le tarif de 10% sur toutes les expéditions effectuées au cours de ce mois», prévient le représentant américain au Commerce.

Les négociateurs du Canada et des États−Unis tentaient de s’entendre depuis des mois et des rumeurs laissaient penser qu’il pourrait y avoir un accord entre les deux parties, selon Dan Ujczo, avocat spécialisé dans le commerce canado−américain au sein du cabinet Dickinson Wright en Ohio. 

La reprise progressive de la production manufacturière aux États−Unis, qui s’est brusquement arrêtée au début de la pandémie de COVID−19, a probablement contribué à faire baisser la pression, croit−il.

«Je pense que c’est une combinaison de la menace de contre−mesures et des faits sur le terrain, alors que la prétendue hausse (des importations d’aluminium canadien) diminuait, en fonction de la reprise économique», a indiqué M. Ujczo.

Les producteurs canadiens d’aluminium, qui sont principalement concentrés au Québec, affirmaient depuis des semaines que ce que les États−Unis considéraient comme une «hausse» était en fait une conséquence inévitable des mesures d’urgence liées à la crise sanitaire. 

Les constructeurs automobiles ayant été contraints de ralentir leur production, la demande de produits d’aluminium spécialisés en provenance du nord de la frontière a commencé à se tarir en mars. Les alumineries canadiennes se sont alors tournées vers la production du même aluminium générique et brut que les producteurs américains, déclenchant les protestations des producteurs américains et les nouveaux tarifs douaniers.

Le Syndicat des Métallos, qui représente des milliers de travailleurs de l’aluminium au Québec, s’est évidemment réjoui de l’annonce.

«Le bon sens finit enfin par être entendu: les tarifs nuisaient à nos deux économies. Cette volte−face est une très bonne nouvelle», a déclaré le directeur québécois des Métallos, Dominic Lemieux, dans un communiqué. «Nous espérons qu’Ottawa continuera de tenir la barre droite, de refuser toute forme de quotas et qu’il se préparera à déployer des contre−mesures si jamais Washington changeait à nouveau son fusil d’épaule.» 

Le syndicat Unifor se dit quant à lui «soulagé» de la décision américaine. «Nul doute que la position ferme du gouvernement canadien aura joué un rôle», a commenté le directeur québécois d’Unifor, Renaud Gagné, dans un communiqué.

 

La question des quotas

Le Syndicat des Métallos souligne toutefois que les «tergiversations sur les quotas» depuis quelques années ont laissé des traces dans l’industrie. «Les aluminiers ont systématiquement mis sur la glace leurs projets d’investissements au Québec, ce qui affaiblit à moyen terme l’industrie», déplore M. Lemieux. Il croit que la solution réside notamment dans la modernisation des usines et le développement d’un aluminium «plus vert». 

Le Bloc québécois, qui a réaffirmé mardi son soutien à «une industrie essentielle pour le Québec», a estimé qu’il fallait maintenant travailler à la diversification de l’industrie. «J’espère que cet épisode aura montré au gouvernement fédéral que l’on doit absolument investir dans la deuxième et la troisième transformation», a plaidé le porte−parole du Bloc québécois en matière d’innovation, Mario Simard.

Les négociateurs américains tentent depuis longtemps d’imposer des quotas aux exportateurs canadiens d’aluminium, ce à quoi les représentants du côté canadien de la table s’opposent vigoureusement.

«Le Canada n’accepte pas les quotas. Ce que le Canada accepte, c’est la levée des tarifs», a affirmé la vice−première ministre, Chrystia Freeland, mardi. «Concernant ce que les États−Unis vont faire dans l’avenir, on verra. Et s’ils vont décider de réimposer les tarifs, on va imposer nos tarifs de représailles.»

La Maison−Blanche a récemment fait l’objet de pressions pour repenser ses tarifs douaniers sur l’aluminium canadien. Les gouverneurs du New Hampshire, du Maine et du Vermont ont écrit au président Donald Trump la semaine dernière dans l’espoir de le convaincre de mettre fin à ce qu’ils ont appelé des mesures «inutiles et inappropriées» qui auraient des «conséquences négatives» pour les consommateurs et les fournisseurs aux États−Unis.

Les États−Unis ont imposé les tarifs le mois dernier à la demande de deux fabricants américains, ce qui a suscité un tollé non seulement des producteurs canadiens, mais également de la plupart des producteurs d’aluminium aux États−Unis.

Le gouvernement canadien avait déjà publié une liste de produits qu’il aurait pu cibler à des fins de représailles, notamment des appareils électroménagers, des canettes de boisson et des bâtons de golf.

La vice−première ministre a laissé entendre mardi que l’accord avec les Américains restait tout de même fragile. 

«Concernant les garanties, je pense que pendant maintenant quatre années de travail avec cette administration américaine, on a compris qu’on doit être prêts pour toutes les possibilités, pour toutes les éventualités.»