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Georgetown — Réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, appel au calme des pays sud-américains… La communauté internationale s’inquiète de la tension grandissante entre le Venezuela et le Guyana au sujet de l’Essequibo, territoire riche en pétrole en dispute entre les deux pays.
Sur le terrain, les États-Unis ont annoncé réaliser des exercices militaires aériens qualifiés de «provocation» par le Venezuela.
La tension autour de cette zone de 160 000 km2 sous administration guyanienne et revendiquée depuis des décennies par le Venezuela ne cesse de monter depuis la découverte d’importantes réserves de pétrole par la compagnie américaine ExxonMobil en 2015 et des appels d’offres du Guyana pour l’exploitation dans la zone.
Sollicité par le Guyana, le Conseil de sécurité de l’ONU se penchera sur le sujet vendredi à huis clos.
Les membres du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay) ainsi que le Chili, la Colombie, l’Équateur et le Pérou, ont exhorté dans un communiqué commun jeudi soir «les deux parties au dialogue et à la recherche d’une solution pacifique (…) afin d’éviter des initiatives unilatérales qui pourraient aggraver» la situation.
Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva avait plus tôt dit ne pas vouloir de «guerre en Amérique du Sud».
Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Cameron, a lui appelé Caracas à «cesser» ses actions, ne «voyant aucun argument» qui pourrait justifier «une action unilatérale».
Les États-Unis ont annoncé jeudi réaliser des exercices militaires aériens «de routine» au Guyana, petit pays appelé à devenir un eldorado de l’or noir avec les plus grandes réserves per capita de la planète.
«Je me garderais bien d’établir un lien trop étroit entre les opérations militaires de routine dans la région et cette question particulière» de la crise entre les deux pays, a affirmé jeudi le porte-parole du Conseil national de sécurité américain, John Kirby. «Nous reconnaissons le territoire souverain du Guyana et, comme nous le faisons avec de nombreuses nations, nous mènerons des opérations et des exercices selon les besoins», a-t-il précisé.
Il a refusé de se prononcer sur une éventuelle intervention militaire américaine.
Un peu plus tôt, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a affirmé son «soutien inébranlable à la souveraineté du Guyana».
Pour le Venezuela, ces exercices militaires sont une «provocation malheureuse des États-Unis en faveur des prétoriens d’ExxonMobil», principal opérateur pétrolier au Guyana. «Ils ne nous feront pas nous détourner de nos actions futures pour la récupération de l’Essequibo», a martelé le ministre de la Défense vénézuélien Vladimir Padrino Lopez.
Ajoutant à la tension, cinq des sept militaires d’un hélicoptère guyanien porté disparu depuis mercredi sont décédés dans un crash à une cinquantaine de kilomètres de la frontière vénézuélienne, a annoncé l’armée, qui a fait part de «deux survivants».
L’armée, qui la veille avait indiqué n’avoir «aucune information suggérant» une intervention vénézuélienne, a ouvert une «enquête». Elle avait cependant précisé que les conditions météorologiques étaient «mauvaises».
«Menace»
Le référendum sur l’Essequibo organisé dimanche au Venezuela a été un accélérateur de tension. Selon les chiffres officiels — contestés par de nombreux observateurs —, quelque 10,4 millions d’électeurs vénézuéliens ont participé à la consultation et 95% d’entre eux se sont dits favorables à l’intégration de l’Essequibo au pays.
Le président Irfaan Ali a réagi en parlant «d’une menace directe pour l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance politique du Guyana». Il a souligné que son armée était en «alerte totale» et accusé le Venezuela d’être une «nation hors-la-loi» et «un risque important pour la paix et la sécurité».
Caracas en retour a accusé le président guyanien Irfaan Ali d’avoir donné «d’une manière irresponsable» le «feu vert» à l’installation de bases militaires américaines dans l’Essequibo.
En même temps, le président vénézuélien Nicolas Maduro a préconisé la création d’une zone militaire spéciale près de la frontière et ordonné au géant public PDVSA d’accorder des licences d’exploitation de pétrole dans l’Essequibo. Il a aussi proposé d’interdire au Venezuela les compagnies pétrolières opérant dans l’Essequibo avec des concessions octroyées par le Guyana.
Les deux pays ont toutefois renoué le contact mercredi entre leurs ministres des Affaires étrangères et «ont convenu de garder les canaux de communication ouverts», selon un communiqué vénézuélien.
Toutefois, les échanges continuent d’être acerbes. Jeudi, le vice-président guyanien Bharrat Jagdeo a confié que son pays ne «faisait pas confiance» à Nicolas Maduro, à la tête selon lui d’un «gouvernement imprévisible». Il a aussi balayé «l’ultimatum» de Maduro aux compagnies opérant au Guyana: «Elles ne doivent pas tenir compte de Maduro ni de son ultimatum. Elles opèrent légalement, en toute légalité».
Quelque 125 000 personnes soit un cinquième de la population du pays vivent dans la région qui représente les deux tiers de la superficie du Guyana.
Le Venezuela soutient que le fleuve Essequibo doit être la frontière naturelle, comme en 1777 à l’époque de l’empire espagnol. Le Guyana argue de son côté que la frontière date de l’époque coloniale anglaise et a été entérinée en 1899 par une cour d’arbitrage créée ex nihilo pour l’affaire à Paris.