Cette mise en garde survient à quelques semaines de l'intronisation de Donald Trump à la Maison-Blanche. (Photo: La Presse canadienne)
EXPERT INVITÉ. Le 5 novembre 2024, Donald Trump a remporté la présidence des États-Unis, quatre ans après sa défaite face à Joe Biden. Pour être honnête, j’ai encore énormément de mal à y croire.
Certains diront que c’était inévitable, d’autres (dont moi) pensaient que c’était de l’histoire ancienne. Mais voilà, Trump est de retour, et cela change la donne pour les affaires, notamment pour ceux d’entre vous qui, au Canada, ont des intérêts aux États-Unis.
Il est donc temps de réfléchir aux conséquences de ce revirement et aux occasions qui pourraient en découler.
Élections américaines: notre couverture
La réaction du marché: un ascenseur émotionnel
Les marchés ont réagi rapidement et, comme on pouvait s’y attendre, de façon contrastée.
Les actions des entreprises dans l’énergie fossile, la défense et les infrastructures ont bondi. Pour des entreprises canadiennes qui exportent du pétrole ou fournissent des pièces à l’industrie de la défense américaine, cela peut sembler une bonne nouvelle.
Un exemple? Pensez à une entreprise canadienne de l’Alberta qui produit des équipements pour les pipelines: le projet Keystone XL, mis de côté sous Biden, pourrait bien revenir sur la table.
Cela signifie potentiellement plus de contrats, mais aussi plus de défis sur le plan environnemental.
Cependant, je dois avouer un certain malaise.
Trump et son discours protectionniste sont aussi de retour. Les entreprises canadiennes pourraient faire face à de nouvelles barrières tarifaires et à des renégociations commerciales.
Imaginez une PME québécoise qui vend des meubles aux États-Unis.
Si l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACÉUM) est à nouveau révisé, cette PME pourrait voir ses coûts augmenter, ou pire, perdre son accès au marché américain. La meilleure chose à faire dans ce contexte est de diversifier ses marchés et de rester à l’affût des évolutions politiques.
Occasions et risques sectoriels: l’effet yo-yo
Certains secteurs verront des occasions, d’autres des obstacles. Dans le secteur manufacturier, par exemple, Trump insiste sur le rapatriement de la production américaine. Cela pourrait paraître comme une menace, mais cela peut aussi créer des occasions.
Si une entreprise ontarienne fabrique des composants utilisés par les usines américaines, elle pourrait devenir une partenaire de choix pour les fournisseurs américains cherchant des alternatives proches, mais fiables.
Le secteur de l’énergie est également à surveiller de près. Trump veut relancer les énergies fossiles, et cela pourrait signifier de gros investissements dans des infrastructures pétrolières et gazières.
Prenons par exemple les compagnies canadiennes qui transportent du gaz naturel vers les États-Unis.
L’assouplissement des règlements pourrait les aider à accroître leurs exportations, mais il faut aussi s’attendre à de la résistance des groupes écologistes et des communautés locales. Cela me rappelle les nombreux débats houleux sur le pipeline Trans Mountain au Canada, où chaque pas en avant semble accompagné de deux pas en arrière.
En revanche, pour les entreprises de technologie, l’ambiance est plus complexe.
Trump a déjà montré sa méfiance envers les entreprises étrangères, surtout celles qui ont des liens avec la Chine. Même les entreprises canadiennes, impliquées dans des domaines sensibles comme la cybersécurité, pourraient être vues avec un certain scepticisme.
Imaginez une start-up de Vancouver spécialisée en intelligence artificielle qui cherche à collaborer avec une entreprise américaine. Le défi sera de démontrer qu’elle respecte les normes de sécurité les plus strictes pour rassurer ses partenaires potentiels.
Réévaluer ses stratégies: l’agilité est la clé
Face à ce contexte politique mouvant, il est plus important que jamais pour les entreprises canadiennes de réévaluer leurs stratégies. Si vous dépendez beaucoup du marché américain, c’est le moment de penser à diversifier vos activités.
Par exemple, une entreprise québécoise de produits alimentaires qui exporte principalement aux États-Unis pourrait envisager de se tourner vers des marchés européens ou asiatiques pour équilibrer les risques.
Cette diversification n’est pas seulement un luxe, c’est une nécessité.
La gestion des risques politiques est également cruciale. Imaginez que les États-Unis décident soudainement de durcir les règles de l’ACÉUM. Sans plan d’urgence, une entreprise pourrait se retrouver en grande difficulté.
Investir dans des partenariats stratégiques aux États-Unis peut aider à atténuer ces risques.
Une entreprise de construction, par exemple, pourrait s’allier à un entrepreneur local pour sécuriser sa place, même dans un contexte politique incertain.
Enfin, la question des talents est essentielle.
On se souvient des politiques d’immigration strictes sous Trump, et cela pourrait revenir. Pour les entreprises canadiennes qui envoient du personnel aux États-Unis, cela pourrait signifier des délais ou même des refus de visa.
Une entreprise de logiciels de Toronto qui a besoin de ses meilleurs ingénieurs pour un projet à New York pourrait devoir trouver d’autres solutions, comme travailler à distance ou développer des compétences locales.
C’est un rappel que la flexibilité est un atout majeur dans ce type de situation.
Conclusion: s’adapter ou trébucher
Le retour de Trump à la présidence replonge les relations canado-américaines dans une ère d’incertitude.
Je ne vous cacherai pas que je ne suis pas particulièrement enthousiaste à l’idée de revivre certains débats politiques. Cependant, pour les gens d’affaires canadiens, il est clair que rester agile est la clé.
Suivre de près les changements politiques, ajuster ses stratégies et être prêt à faire preuve d’innovation seront les éléments déterminants pour tirer parti de cette nouvelle réalité économique.
Les obstacles, notamment les risques protectionnistes et la complexité réglementaire, sont bel et bien là. Mais les entreprises qui sauront s’adapter, diversifier leurs marchés et anticiper les défis auront une chance de prospérer, même dans cette période troublée.
Comme toujours, l’adaptabilité et la préparation resteront les clés du succès dans ce nouveau chapitre de l’histoire politique américaine. Et n’oublions pas: chaque défi est aussi une occasion d’affaires déguisée.
Il suffit de savoir où regarder pour la trouver.
Un autre point à ne pas oublier: le principe du Buy America reste fort aux États-Unis.
La meilleure façon de vendre aux Américains est de devenir Américain, du moins en apparence. Créer une société américaine, avec une adresse et un compte bancaire aux États-Unis, peut grandement faciliter les affaires.
Même si l’entreprise est détenue par des Canadiens, le fait d’avoir une entité américaine permet souvent de naviguer plus facilement dans les méandres des politiques et des préférences nationales.
C’est une stratégie qui mérite d’être sérieusement envisagée pour ceux qui veulent réussir sur ce marché.