«Nous déclarons l’état de catastrophe nationale pour répondre à la crise de l’électricité et ses conséquences», avec effet immédiat, a déclaré M. Ramaphosa. (Photo: Getty Images)
Le Cap — Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a déclaré jeudi soir l’état de catastrophe nationale pour tenter d’endiguer la profonde crise de l’électricité qui mine le quotidien et l’économie de la première puissance industrielle du continent.
Depuis des mois, 60 millions de Sud-Africains sont obligés de cuisiner, laver leur linge et recharger leur téléphone à certaines heures de la journée seulement. Le pays manque d’électricité et la rationne en imposant des coupures programmées. Ces délestages ont duré jusqu’à près de 12 heures certains jours, la pénurie s’étant aggravée depuis l’année dernière.
«Nous déclarons l’état de catastrophe nationale pour répondre à la crise de l’électricité et ses conséquences», avec effet immédiat, a déclaré M. Ramaphosa, 70 ans, depuis l’Hôtel de Ville du Cap où il a tenu son discours annuel sur l’état de la Nation.
«À circonstances extraordinaires, mesures extraordinaires», a-t-il poursuivi. «Dans l’immédiat, la tâche consiste à réduire significativement et dans les mois à venir l’intensité des délestages pour, à terme, y mettre fin».
L’état de catastrophe permet principalement de débloquer des fonds exceptionnels. Le parti au pouvoir (ANC, Congrès national africain) avait affirmé la semaine dernière avoir donné «des consignes claires» et sommé le gouvernement d’adopter cette disposition.
Des aides aux entreprises notamment du secteur alimentaire, particulièrement touché par la crise, seront débloquées, a annoncé le chef de l’État. Les hôpitaux et les stations d’épuration seront si possible épargnés par les coupures. Un ministre de l’Électricité rattaché à la présidence doit être nommé.
«Une menace»
L’état de catastrophe vise aussi à apaiser une colère grandissante qui a gagné la rue ces dernières semaines avec des manifestations contre les coupures d’électricité dans plusieurs villes, à l’appel de l’opposition et des syndicats.
Jeudi encore, plusieurs centaines de manifestants étaient rassemblés au Cap, dans un contexte économique et social difficile: le chômage culmine à 32,9%, les prévisions de croissance pour cette année sont quasi nulles (0,3%) et l’augmentation du coût de la vie se poursuit sous l’effet d’une inflation persistante.
«La crise a progressivement évolué pour venir toucher toutes les couches de la société» devenant «une menace pour notre économie et notre tissu social», a mis en garde M. Ramaphosa.
Cette crise de l’électricité s’ajoute en grande partie aux stigmates de l’ère de corruption sous la présidence de Jacob Zuma (2009-2018). Les caisses de la compagnie publique d’électricité Eskom ont été l’une des principales cibles du pillage organisé des ressources de l’État.
Aujourd’hui, l’entreprise qui produit 90% du courant consommé dans le pays est prise à la gorge par une dette de près de 21 milliards d’euros (400 milliards de rands), que le gouvernement tente d’éponger, et se débat avec des centrales au charbon vieillissantes régulièrement en proie aux pannes.
L’Afrique du Sud, encore largement dépendante des énergies fossiles, peine par ailleurs à se lancer dans une transition vers les énergies propres. Un plan d’investissement de 98 milliards de dollars a été approuvé par les pays riches l’an dernier à la COP27 dans le cadre d’un accord pour une «transition juste».
Sur le plan politique, Cyril Ramaphosa traverse aussi une période délicate. Jeudi soir au Cap, il a été interrompu à plusieurs reprises au début de son discours, dans une ambiance tendue.
Des membres du parti radical de gauche EFF (Combattants pour la liberté économique) se sont précipités vers la tribune où il se tenait, suspendant la cérémonie ; ils ont été exclus de la salle. Les responsables du mouvement avaient juré de ne pas laisser le président «délinquant» s’exprimer.
Embourbé dans une affaire au parfum d’argent sale pour laquelle une enquête de police est en cours, M. Ramaphosa, 70 ans, a échappé à une procédure de destitution en décembre, soutenu par l’ANC. Le parti historique l’a dans la foulée réélu à sa tête, lui assurant un second mandat de chef d’État en cas de victoire de l’ANC aux élections générales de 2024.