Lula va devoir réunir un Brésil malmené par quatre années de gestion tumultueuse de son prédécesseur. (Photo: Mauro Horita pour Getty Images)
Rio de Janeiro — Après une nuit de liesse au Brésil, les principaux dirigeants mondiaux ont salué la victoire de Lula, qui se prépare à un mandat compliqué, son adversaire Jair Bolsonaro n’ayant pas encore reconnu lundi sa défaite.
Le président sortant restait muré dans le silence lundi matin à l’aube d’une transition qui doit durer jusqu’au 1er janvier.
À Washington, le président Joe Biden a félicité Luiz Inacio Lula da Silva, avec lequel il dit avoir «hâte de travailler». Même réaction à Moscou pour le président russe Vladimir Poutine, qui espère une «coopération russo-brésilienne constructive».
Côté européen, le chef de la diplomatie Josep Borrell s’est dit «impatient» de travailler avec le gouvernement de Lula. Dans un tweet, le président français Emmanuel Macron a salué la victoire de Lula, souhaitant «renouer le lien d’amitié» entre Paris et Brasilia.
À Pékin, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a assuré que la Chine est prête à porter le partenariat entre les deux pays à «un niveau supérieur».
Mais le silence assourdissant de Jair Bolsonaro, défait d’une courte tête au second tour de dimanche (49,1% des voix contre 50,9%), et qui doit encore gouverner deux mois, est lourd de menaces.
«Pacifier le pays»
«Le pire qui puisse arriver serait que les Brésiliens aillent se coucher sans entendre la position de leur président [Bolsonaro], ce qui sèmerait le doute sur son acceptation du résultat» de l’élection, disait dimanche soir à l’AFP Leandro Consentino, politologue de l’Université privée Insper de Sao Paulo.
Or les lumières du Palais de l’Alvorada se sont éteintes tôt dimanche soir et selon Lauro Jardim, éditorialiste généralement bien informé du quotidien O Globo, le président défait aurait refusé toute visite après le résultat et serait allé se coucher.
Lors du second tour de la présidentielle dimanche, Luiz Inacio da Silva, anticipant apparemment déjà des difficultés, avait souhaité que «le gouvernement [sortant] soit civilisé au point de comprendre qu’il est nécessaire de faire une bonne passation de pouvoirs».
Lula va devoir réunir un Brésil malmené par quatre années de gestion tumultueuse de son prédécesseur, un pays coupé en deux par la campagne la plus polarisée et brutale de son histoire récente.
«La moitié de la population est mécontente» du résultat, note M. Consentino, avant d’ajouter: «il va être essentiel que Lula ait la capacité de tendre la main à ceux qui n’ont pas voté pour lui et leur dise qu’il est le président de tous». «Lula va devoir pacifier le pays», dit l’analyste.
Selon le président élu, il «n’existe pas deux Brésil». «Nous sommes un seul peuple, une seule nation», a-t-il assuré dimanche.
Parlement très à droite
«Je vais gouverner pour 215 millions de Brésiliens, et pas seulement ceux qui ont voté pour moi», a ajouté Lula. Or 58 millions de Brésiliens ont voté contre lui.
«Ce pays a besoin de paix et d’unité», a insisté l’icône de la gauche, car «personne n’a envie de vivre dans une famille où règne la discorde».
Lula va aussi devoir composer avec un Parlement que les élections législatives du 2 octobre ont fait pencher davantage vers la droite radicale, le Parti libéral (PL) de Jair Bolsonaro étant devenu la première formation à la Chambre des députés comme au Sénat.
En se présentant, Lula a réuni une coalition hétéroclite d’une dizaine de formations autour de son Parti des Travailleurs (PT).
Il a choisi aussi un vice-président au centre, Geraldo Alckmin, un ex-adversaire battu à la présidentielle de 2006, pour séduire l’électorat modéré et les milieux d’affaires.
«Une Amazonie en vie»
Dans les deux mois, le futur président doit faire des annonces concernant la composition de son gouvernement.
Lula pourrait accueillir davantage de diversité dans son équipe: des femmes — il n’en reste plus qu’une dans le dernier gouvernement Bolsonaro — des personnes de couleur, et des indigènes, dont l’un devrait prendre la tête d’un ministère nouvellement créé des Affaires autochtones.
«Voir Lula revenir au pouvoir nous donne un grand espoir», dit Vanda Witoto, aide-soignante indigène de 32 ans, rencontrée par l’AFP à Manaus, en Amazonie.
Le gouvernement de Lula devra par ailleurs redonner des moyens aux organismes de surveillance de la déforestation en Amazonie, très affaiblis par les coupes de crédit, les démembrements et l’impunité totale de toutes sortes de trafiquants.
«Le Brésil est prêt à reprendre son leadership dans la lutte contre la crise climatique […] Le Brésil et la planète ont besoin d’une Amazonie en vie», a lancé Lula.
En réaction à sa victoire, la Norvège a annoncé lundi son intention de reprendre son aide financière contre la déforestation de l’Amazonie, gelée sous la présidence de Jair Bolsonaro.
Autre défi de taille pour Lula, qui devra financer les politiques sociales promises sans la croissance de ses précédents mandats: les finances de l’État brésilien ont été plombées après la distribution, à des fins électorales, de dizaines de milliards de réals d’aides par le président sortant.