Manipuler pour la bonne cause


Édition du 10 Mai 2014

Manipuler pour la bonne cause


Édition du 10 Mai 2014

C'est l'histoire d'une firme de relations publiques qui met sur pied une campagne sophistiquée pour l'un de ses clients, un sportif multimillionnaire. Photo, t-shirts, message, mot-clic (hashtag), tout est fin prêt.

Le hic : la campagne est en réaction à un événement... qui n'a pas encore eu lieu !

Il surviendra plus d'un mois plus tard, le 27 avril, dans un stade de Valence, en Espagne : un partisan raciste lance une banane sur le joueur brésilien Dani Alves. Ce dernier a une réaction hors de l'ordinaire : il ramasse la banane et la mange. Sur le terrain.

À peine deux heures plus tard, apparaissait sur les médias sociaux une photo de son coéquipier et compatriote Neymar Jr., banane à la main et sourire coquin, avec le message #somostodosmacacos (nous sommes tous des singes).

Quelle rapidité d'esprit, ce jeune homme ! s'est-on dit. Aussitôt, des célébrités de tous les horizons et des politiciens lui ont emboîté le pas et se sont fait prendre en photo, banane à la main. Le mot-clic est devenu viral. Le lendemain, des t-shirts étaient mis en vente.

Sauf que toute cette campagne «spontanée» avait en fait été orchestrée par Neymar Jr. et sa firme de relations publiques, Locucca. «L'idée était que Neymar Jr. mange une banane qu'on lui aurait lancée, a dit Guga Ketzer, partenaire chez Loducca. Mais au bout du compte, ça a été Alves, et ça a marché autant.»

«C'est de l'exploitation de risques, plus que de la gestion de risques», dit Bernard Motulsky. Le professeur au Département de communication sociale et publique de l'UQAM s'émerveille devant une telle audace dans les relations publiques. «Chapeau !», dit-il.

Sur le coup, comme tout le monde, il a cru au geste spontané. «Bien sûr, on n'aime pas avoir l'impression de s'être fait manipuler. Mais dans ce cas, la provocation était réelle. Et la cause était bonne.»

Tout est là, en effet. La cause : Neymar Jr., un des sportifs les plus en vue du moment, avec ses 10,4 millions d'abonnés Twitter et 4,7 millions sur Instagram, avait un objectif noble.

Le racisme dans le sport est un véritable fléau, comme nous le rappellent les cas récents du propriétaire des Clippers de Los Angeles, Donald Sterling, et de P.K. Subban, le défenseur du Canadien de Montréal. En Europe, des joueurs de soccer noirs, dont Neymar Jr., sont régulièrement harcelés dans les stades.

Mais cet appui à une cause porteuse arrive à point nommé. Neymar Jr. vient de connaître une saison difficile. Son club a échoué dans toutes ses compétitions et son niveau de jeu a été en dents de scie. Son transfert, l'été dernier, d'un club brésilien au Barça a été entaché d'irrégularités. On reproche aussi à Neymar Jr. son appétit insatiable pour la publicité.

«Cette campagne profite à l'image de Neymar Jr., mais elle profite davantage à la cause défendue», dit néanmoins Bernard Motulsky. «Ça pose tout de même la question : jusqu'où peut-on aller dans la manipulation pour de nobles fins ?» Quoi qu'il en soit, M. Motulsky est convaincu que cette initiative osée «va donner des idées».

Et le lanceur de cette banane ? Il a été banni à vie du stade de son équipe favorite.

La véritable question que soulève la campagne orchestrée par le joueur de soccer Neymar Jr. est jusqu'où peut-on aller dans la manipulation pour de nobles fins, par exemple pour combattre le racisme ?

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