L’immigration est «au point mort» dans les régions du Québec

Publié le 01/06/2022 à 07:00

L’immigration est «au point mort» dans les régions du Québec

Publié le 01/06/2022 à 07:00

Par François Normand

Entre 2015 et 2019, 11 des 17 régions administratives du Québec ont accueilli en moyenne moins de 1 000 immigrants permanents par année, alors que la région administrative de Montréal en a reçus 37 000. (Photo: 123RF)

Malgré tous les efforts des gouvernements et des intervenants locaux au fil des ans, les régions du Québec n’arrivent pas à attirer et à retenir des immigrants. Une problématique qui «freine indéniablement» le développement économique des régions, affirme une nouvelle étude de l’Institut du Québec (IDQ).

Intitulée «Portrait de l’immigration au Québec. L’intégration économique à la hausse… mais les besoins aussi», l’étude publiée ce mercredi publie des chiffres qui démontrant à quel point la régionalisation de l’immigration est au «point mort».

L’étude aborde plusieurs autres thèmes, comme la baisse du taux de chômage chez les immigrants depuis 10 ans (de 12,7% à 5,3% en avril 2022) ou la réduction de l’écart salarial entre les travailleurs étrangers et l’ensemble des travailleurs québécois (1,3% de la médiane québécoise en 2019 comparativement à près de 40% en 2010).

Des chiffres qui démontrent une meilleure intégration des immigrants, sauf en ce qui a trait à leur établisssement en région.

Ainsi, entre 2015 et 2019, 11 des 17 régions administratives du Québec ont accueilli en moyenne moins de 1 000 immigrants permanents par année. Or, pendant la même période, la région administrative de Montréal en a reçu quelque 37 000.

De sorte, que près de 85% des immigrants qui arrivent au Québec s’établissent dans la région métropolitaine, alors que celle-ci ne compte que pour 50% de la population de la province.

Ce tableau tiré de l’étude de l’IDQ témoigne bien de cette problématique, exposant le clivage important entre la région métropolitaine (et d’autres centres urbains comme Québec et Laval) et le reste de la province.

Sources: l'Institut du Québec, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, la Direction de la recherche, de la statistique et de la veille et la Banque de données sur la présence

«Force est d’admettre que les efforts et les sommes investies pour attirer et retenir les immigrants à l’extérieur de Montréal n’ont pas porté leurs fruits», peut-on lire noir sur blanc dans le document de 69 pages.

Il va sans dire que cette situation mine le potentiel de croissance économique des entreprises en région, qui pâtissent ainsi davantage de la pénurie de la main-d’œuvre qui affecte l’ensemble de l’économie québécoise.

En entrevue à Les Affaires, la PDG de l’Institut du Québec, Mia Homsy, estime que la situation québécoise est préoccupante (près de 85% des immigrants s’établissent dans la région métropolitaine), mais qu’elle n’était pas unique.

«L’établissement des immigrants dans les métropoles est un phénomène assez généralisé dans les pays occidentaux», dit-elle, en donnant les exemples de Toronto et de Vancouver. En Ontario et en Colombie-Britannique, de 78 à 80% des immigrants qui arrivent dans ces provinces s’établissent dans leur région métropolitaine.

 

Voie rapide pour la résidence permanente

L’Institut du Québec fait plusieurs recommandations afin d’accroître le nombre d’immigrants qui s’établissent dans les régions. À commencer par la création «d’une voie rapide», afin que les nouveaux venus s’installent aux quatre coins de la province dès leur arrivée au Québec.

«On ferait ainsi de la discrimination positive, afin d’accorder plus rapidement la résidence permanente à des immigrants», explique Mia Homsy.

Ainsi, le gouvernement pourrait accélérer l’obtention de la résidence permanente aux immigrants temporaires qui acceptent d’aller vivre en région pendant quelques années dès leur arrivée au Québec.

L’IDQ dit s’inspirer entre autres de l’Australie, où le gouvernement fédéral a lancé en 2019 un nouveau type de permis temporaire, le Skilled Work Regional (Provisionnal) Visa.

Ce document permet aux travailleurs qualifiés ou aux diplômés étrangers qui s’installent dans des régions situées à l’extérieur des grandes villes du pays d’avoir un emploi pendant cinq ans et de déposer une demande de résidence permanente après trois ans.

Pour y avoir droit, les travailleurs qualifiés ou les diplômés étrangers doivent toutefois demeurer dans une région de l’Australie et d’y avoir gagné un salaire annuel supérieur à 53 900 $.

L’Institut du Québec recommande aussi d’accroître les efforts de recrutement à l’international — de la part d’Investissement Québec et des établissements d’enseignement dans les régions — d’étudiants étrangers (de niveaux collégial et universitaire) ainsi que de travailleurs qualifiés temporaires.

 

Langue française, diplôme, chum, blonde

Dans le cas des étudiants, Daye Diallo, économiste principal de l’IDQ, fait remarquer que leur profil en fait des candidats très intéressants pour s’établir en région de manière permanente après leurs études.

«Ils parlent la langue française, ils ont un diplôme, et, souvent, ils y ont un chum ou une blonde», dit-il, en soulignant qu’il s’agit là de trois conditions gagnantes pour une intégration réussie.

Enfin, l’Institut du Québec propose aussi de bonifier le crédit d’impôt (non remboursable) pour les frais de scolarité ou d’examen pour les étudiants internationaux qui décident de s’installer de manière permanente en région après leurs études.

Actuellement, ce crédit représente 8% des frais encourus par les étudiants. Par exemple, si un étudiant étranger a déboursé 20 000 $ pour faire ses études postsecondaires dans le Bas-Saint-Laurent, Québec lui remboursera 1 600 $.

Mia Homsy estime que le gouvernement doit bonifier substantiellement ce crédit d’impôt pour espérer accroître le nombre d’immigrants qui s’établiront de manière permanente en région. «Il faudrait le porter à un minimum de 12%, voire le doubler», affirme-t-elle.

À un niveau de 16%, notre étudiant ayant fait ses études dans le Bas-Saint-Laurent obtiendrait un crédit d’impôt d’une valeur de 3 200 $ (20 000 $ x 16%) à la fin de ses études.

 


 

 

 

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