Le Québec risque d’importer un jour des minéraux critiques et stratégiques
François Normand|Mis à jour le 26 novembre 2024«On va finir par importer les minéraux des autres pays afin de pouvoir faire la transition énergétique», dit le directeur général de l’AEMQ, Alain Poirier.(Photo: 123RF)
Dans sa forme actuelle, la réforme du régime minier québécois découragera l’exploration minière et réduira les découvertes de nouveaux gisements de minéraux critiques et stratégiques (MCS). À terme, le Québec risque même de devoir importer des MCS afin de poursuivre sa transition énergétique, affirme l’Association de l’exploration minière du Québec (AEMQ).
En entrevue avec Les Affaires, le directeur général de l’association, Alain Poirier, explique que les travaux actuels d’exploration afin d’exploiter à terme des mines de MSC — lithium, graphite, nickel, etc.) — se poursuivront.
En revanche, l’incertitude provoquée par la réforme minière incitera des sociétés d’exploration à exercer leurs activités pour de futurs travaux dans d’autres juridictions regorgeant de MCS, comme l’Ontario, estime-t-il.
«Sur une période de 10 à 15 ans, il va y avoir un trou au niveau des découvertes. Les entreprises vont préférer explorer pour de l’or dans des secteurs connus comme l’Abitibi et la Baie-James, et pas nécessairement pour d’autres types de minéraux. Donc, à la fin de la journée, on va finir par importer les minéraux des autres pays afin de pouvoir faire la transition énergétique», dit-il.
Les MCS sont très demandés dans le monde. Des entreprises manufacturières utilisent par exemple du lithium, du nickel et du graphite pour produire des batteries de voitures électriques et du stockage d’énergie. Des industriels se servent aussi des éléments du groupe du platine afin de fabriquer les disques durs d’ordinateurs.
Au Québec, le gouvernement a relevé 28 MCS. En Ontario, le gouvernement en a identifié 33.
Pour l’essentiel, le projet de loi 63 «modifiant la Loi sur les mines et d’autres dispositions» modifie le régime pour remplacer le terme «claim» par «droit exclusif d’exploration», et ce, en ajustant son attribution et son renouvellement, notamment les coûts des travaux requis.
Le projet de loi permet aussi à Québec de collaborer avec les Autochtones pour réserver ou soustraire certains terrains à l’exploitation minière. Le gouvernement pourra aussi restreindre l’accès à des terrains ou chemins miniers présentant des risques pour la sécurité.
Le projet harmonise également les droits miniers avec les autorisations environnementales et impose une évaluation des effets environnementaux à tous les nouveaux projets miniers.
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Les politiques «sapent» les bases de la transition énergétique
Dans une lettre d’opinion publiée sur le site de Les Affaires, Alain Poirier souligne que les politiques «restrictives et contraignantes» imposées à l’exploration minière «sapent les bases mêmes de cette transition», qui reposent sur une exploitation des minéraux critiques et stratégiques.
En entrevue à Les Affaires, le directeur général de l’AEMQ explique que le projet de loi, dans sa forme actuelle, comprend trois grands «irritants» qui vont nuire à l’exploration:
- les nouveaux pouvoirs discrétionnaires de la ministre des Mines (générateur d’imprévisibilité) ;
- la soustraction de nouveaux territoires aux travaux d’exploration;
- l’ajout de conditions et contraintes à des activités déjà encadrées.
L’AEMQ salue la lutte à la spéculation minière
L’AEMQ salue la volonté du gouvernement de faire le ménage dans les «claims» miniers afin de réduire la spéculation. «La spéculation existe depuis très longtemps, et ç’a toujours été une nuisance», insiste Alain Poirier.
Sur les 350 000 claims en circulation, 100 000 seraient détenus par des spéculateurs (29%), selon les estimations de l’AEMQ.
En revanche, l’association souligne que le gouvernement peut s’attaquer à cette problématique, mais sans imposer un cadre trop rigide et incertain pour les sociétés d’exploration minière.
«Pourquoi surcharger l’encadrement réglementaire sur le dos des entreprises qui vont faire en sorte que les entreprises n’auront pas vraiment le goût d’investir au Québec?», souligne le directeur de l’AEMQ.
L’AEMQ regroupe 1100 membres individuels et 180 membres corporatifs.