Pénurie de logements: urgence en la demeure

Publié le 09/11/2023 à 11:15

Pénurie de logements: urgence en la demeure

Publié le 09/11/2023 à 11:15

Par Charles Poulin

Au cœur du problème: une industrie de la construction qui tourne au ralenti, à tout le moins plus lentement que ce qui était initialement prévu. (Photo: 123RF)

Pénurie de logements : urgence en la demeure
Charles Poulin
Il n’est plus minuit moins une. Il est minuit et une. Le gouffre entre l’offre de logements et de propriétés ne cesse de grandir au Québec. Il y a urgence en la demeure, et il ne semble pas y avoir de solution rapide en vue pour résoudre la situation. Est-il possible de revenir à l’équilibre ?
Les chiffres faisaient déjà état d’un retard imposant, l’an dernier. La Société canadienne d’hypothèques et logement (SCHL) indiquait qu’il manquait 620 000 logements à construire d’ici 2030 pour revenir à un point d’équilibre sur le marché résidentiel.
La situation s’est dégradée grandement en une seule année. Le chiffre magique ? Il faudra désormais construire 860 000 logements et propriétés d’ici 2030, soit en seulement sept ans, pour « revenir à l’abordabilité » dans la province et juguler la hausse de prix fulgurante observée depuis l’été 2020.
Une industrie au ralenti
Au cœur du problème : une industrie de la construction qui tourne au ralenti, à tout le moins plus lentement que ce qui était initialement prévu.
« Si on regarde du côté du développement immobilier, il y a une série de facteurs qui sont comme une tempête parfaite dans le secteur résidentiel, estime le président sortant de Broccolini et co-président de la table de travail de Chantier Montréal, Roger Plamondon. L’incertitude des taux d’intérêt, les coûts de construction très instables, le côté législatif qui vient causer des problèmes… Ça rend la réalisation de projets très difficile à prédire. »
Le directeur du Service économique de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), Paul Cardinal, prévoit désormais seulement 32 000 mises en chantier pour l’ensemble de 2023 au Québec.
« Il s’agirait là d’une baisse de 44 % relativement à 2022, mais aussi une diminution record depuis 1955, première année de récolte de ces données, laisse-t-il tomber. C’est majeur. Nous en avions presque 68 000 en 2021. »
Il prédit une légère embellie permettant d’atteindre 35 000 mises en chantier l’an prochain. Mais comme le Québec a maintenant le besoin d’en afficher 122 858 par an pour atteindre l’objectif de la SCHL, on est loin du compte.
« Le record de tous les temps pour le Québec est de 75 000 en une année », prend-il le soin de préciser.
Possible ?
Est-il possible de rattraper le retard ? Les experts interrogés par « Les Affaires » s’entendent pour dire que si ça l’est, il ne faut plus perdre de temps et que ce sera ardu.
« Il est passé minuit, tranche le président de l’Association des propriétaires du Québec, Martin Messier. Si on veut construire plus et plus vite, il faut changer les choses parce qu’actuellement, ça ne fonctionne pas. En tout cas, pas assez. »
Pour Laurent Messier, chef de la direction et associé chez Devimco, l’élément qui saute aux yeux des récentes données de la SCHL est que les mises en chantier actuelles ne sont pas en ligne afin d’augmenter l’offre de logement de façon suffisante pour combler les besoins.
« Le rattrapage va dépendre des mesures qui seront éventuellement mises en place, estime-t-il. Chose certaine, c’est un important défi. »
Pour l’instant, les chiffres demeurent théoriques, rappelle Jean-Philippe Meloche, professeur à l’école d’urbanisme et d’architecture du paysage de l’Université de Montréal. Si le déficit est de 860 000 logements et propriétés au Québec, ça ne veut pas dire qu’il y a 860 000 ménages dans la rue. C’est plutôt le nombre requis pour absorber la création de ménages d’ici 2030 et conserver une certaine mobilité de la population grâce à un certain stock de logements vides.
« Est-ce que, de façon réaliste, nous sommes capables de les construire ? Je pense que non, surtout pas avec un taux de chômage à 4,3 % au Québec », soutient-il.
Chose certaine, si le Québec a une chance de réussir à rattraper le retard, ce sera grâce à une densification accrue, soutient Roger Plamondon. « Tout ça passe par la densification, répète-t-il. On ne peut pas faire abstraction de la densification, sinon il sera impossible de construire assez rapidement pour répondre à la demande. »
Conséquences
Si jamais le Québec est incapable de relever ce défi titanesque, la population devra faire certains ajustements dans ses mœurs, notamment dans la manière dont elle occupe l’espace, prévient Jean-Philippe Meloche.
« On a cumulé beaucoup de retard et, de l’autre côté, on n’est pas en train de changer les règles du jeu tant que ça, croit-il. Il va peut-être falloir apprendre à vivre comme les gens de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, en s’entassant de plus en plus dans nos logements et en ayant des occasions d’accès au logement de plus en plus complexes et difficiles. »

Il n’est plus minuit moins une. Il est minuit et une. Le gouffre entre l’offre de logements et de propriétés ne cesse de grandir au Québec. Il y a urgence en la demeure, et il ne semble pas y avoir de solution rapide en vue pour résoudre la situation. Est-il possible de revenir à l’équilibre?

Les chiffres faisaient déjà état d’un retard imposant, l’an dernier. La Société canadienne d’hypothèques et logement (SCHL) indiquait qu’il manquait 620 000 logements à construire d’ici 2030 pour revenir à un point d’équilibre sur le marché résidentiel.

La situation s’est dégradée grandement en une seule année. Le chiffre magique ? Il faudra désormais construire 860 000 logements et propriétés d’ici 2030, soit en seulement sept ans, pour « revenir à l’abordabilité » dans la province et juguler la hausse de prix fulgurante observée depuis l’été 2020.

 

Une industrie au ralenti

Au cœur du problème: une industrie de la construction qui tourne au ralenti, à tout le moins plus lentement que ce qui était initialement prévu.

«Si on regarde du côté du développement immobilier, il y a une série de facteurs qui sont comme une tempête parfaite dans le secteur résidentiel, estime le président sortant de Broccolini et co-président de la table de travail de Chantier Montréal, Roger Plamondon. L’incertitude des taux d’intérêt, les coûts de construction très instables, le côté législatif qui vient causer des problèmes… Ça rend la réalisation de projets très difficile à prédire.»

Le directeur du Service économique de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), Paul Cardinal, prévoit désormais seulement 32 000 mises en chantier pour l’ensemble de 2023 au Québec.

«Il s’agirait là d’une baisse de 44% relativement à 2022, mais aussi une diminution record depuis 1955, première année de récolte de ces données, laisse-t-il tomber. C’est majeur. Nous en avions presque 68 000 en 2021.»

Il prédit une légère embellie permettant d’atteindre 35 000 mises en chantier l’an prochain. Mais comme le Québec a maintenant le besoin d’en afficher 122 858 par an pour atteindre l’objectif de la SCHL, on est loin du compte.

«Le record de tous les temps pour le Québec est de 75 000 en une année», prend-il le soin de préciser.

 

Possible?

Est-il possible de rattraper le retard? Les experts interrogés par Les Affaires s’entendent pour dire que si ça l’est, il ne faut plus perdre de temps et que ce sera ardu.

«Il est passé minuit, tranche le président de l’Association des propriétaires du Québec, Martin Messier. Si on veut construire plus et plus vite, il faut changer les choses parce qu’actuellement, ça ne fonctionne pas. En tout cas, pas assez.»

Pour Laurent Messier, chef de la direction et associé chez Devimco, l’élément qui saute aux yeux des récentes données de la SCHL est que les mises en chantier actuelles ne sont pas en ligne afin d’augmenter l’offre de logement de façon suffisante pour combler les besoins.

«Le rattrapage va dépendre des mesures qui seront éventuellement mises en place, estime-t-il. Chose certaine, c’est un important défi.»

Pour l’instant, les chiffres demeurent théoriques, rappelle Jean-Philippe Meloche, professeur à l’école d’urbanisme et d’architecture du paysage de l’Université de Montréal. Si le déficit est de 860 000 logements et propriétés au Québec, ça ne veut pas dire qu’il y a 860 000 ménages dans la rue. C’est plutôt le nombre requis pour absorber la création de ménages d’ici 2030 et conserver une certaine mobilité de la population grâce à un certain stock de logements vides.

«Est-ce que, de façon réaliste, nous sommes capables de les construire? Je pense que non, surtout pas avec un taux de chômage à 4,3% au Québec», soutient-il.

Chose certaine, si le Québec a une chance de réussir à rattraper le retard, ce sera grâce à une densification accrue, soutient Roger Plamondon. «Tout ça passe par la densification, répète-t-il. On ne peut pas faire abstraction de la densification, sinon il sera impossible de construire assez rapidement pour répondre à la demande.»

 

Conséquences

Si jamais le Québec est incapable de relever ce défi titanesque, la population devra faire certains ajustements dans ses mœurs, notamment dans la manière dont elle occupe l’espace, prévient Jean-Philippe Meloche.

«On a cumulé beaucoup de retard et, de l’autre côté, on n’est pas en train de changer les règles du jeu tant que ça, croit-il. Il va peut-être falloir apprendre à vivre comme les gens de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, en s’entassant de plus en plus dans nos logements et en ayant des occasions d’accès au logement de plus en plus complexes et difficiles.»

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