Immobilier résidentiel : un atterrissage en douceur


Édition du 09 Avril 2016

Immobilier résidentiel : un atterrissage en douceur


Édition du 09 Avril 2016

Par Matthieu Charest

[Photo : Shutterstock]

Loin de donner lieu à une bulle immobilière que certains craignaient, les années «folles» qui ont marqué la décennie 2000 dans le marché résidentiel au Québec ont plutôt laissé place à un marché de plus en plus calme. Les délais de vente ont augmenté, les prix stagnent et les mises en chantier ont reculé. Après des années d'instabilité, le secteur semble avoir avalé un calmant. Mais loin d'être mort, le marché est plutôt somnolent.

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«J'ai l'impression que le marché commence à se rééquilibrer, dit Joanie Fontaine, économiste chez JLR Solutions foncières et blogueuse sur lesaffaires.com. Ça fait quelques années qu'il n'y a pas eu beaucoup de mouvement. L'immobilier, c'est cyclique. Nous sommes, pour quelques années, dans une phase d'atterrissage en douceur.»

«La tendance est au retour à l'équilibre, croit aussi Sébastien Jean, évaluateur agréé et directeur, conseils et transactions, chez PwC. Évidemment, si l'on se penche sur des créneaux précis, comme les résidences de luxe, où l'on constate des baisses de prix, il y a des variations importantes. Certains secteurs avantagent les acheteurs, et d'autres, les vendeurs. Finalement, nous sommes en rééquilibrage. Nous ne sommes pas dans une bulle.»

Le nombre de transactions résidentielles a crû de 5 % en 2015, comparativement à 2014. Selon la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ), il s'agit d'une première hausse en trois ans dans la province. Les prix médians, eux, ont faiblement progressé. Au quatrième trimestre de 2015, les maisons individuelles se vendaient 230 000 $, et les copropriétés, 220 000 $, une hausse respectivement de 1 % et de 2 %.

Le nombre d'inscriptions en vigueur sur le système Centris a aussi augmenté de 5 % en 2015. Toutefois, note le dernier Baromètre FCIQ du marché résidentiel, «une certaine stabilisation s'est entamée à la fin de 2015».

En outre, les délais de vente se sont accrus en 2015. En 2014, une maison individuelle se vendait en 117 jours, une copropriété, en 135 jours, et un plex de 2 à 5 logements, en 104 jours. L'année dernière, on a observé des hausses respectives de six, cinq et cinq jours pour ces types de propriétés.

Le locatif sauve la mise

Les mises en chantier résidentielles au Québec ont reculé de 1 % au quatrième trimestre de 2015 comparativement au quatrième trimestre de 2014, selon la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL). Mais dans ce cas précis, le diable est dans les détails. Alors que la construction de maisons individuelles a reculé de - 12 %, celle de nouvelles copropriétés a dégringolé de - 32 %. En fin de compte, c'est la construction de logements locatifs qui a sauvé la mise, avec une hausse prononcée de 58 %.

«Nous avons été franchement surpris du nombre de logements locatifs en construction, notamment à Québec, indique Kevin Hughes, économiste principal, région du Québec, à la SCHL. Nous ne nous attendions pas à cette poussée de croissance, d'autant plus que le taux d'inoccupation est en hausse.»

Pour l'expert de la SCHL, c'est sans contredit le contexte économique actuel qui explique la mollesse relative du marché immobilier résidentiel au Québec. «Nous pensions que la faiblesse du dollar canadien favoriserait les exportations du Québec et de l'Ontario ; que le taux de change, couplé à la relance américaine, allait stimuler notre économie et créer des emplois. Nous n'avons pas constaté ce résultat jusqu'à présent. Pour la demande en habitation, l'emploi est un facteur clé. Comme le taux de chômage et la démographie.»

La SCHL prévoit que la construction devrait connaître une légère croissance en 2016 et 2017, mais toujours sous les niveaux observés de 2009 à 2014.

Le PIB canadien devrait croître de 1,1 % à 1,5 % en 2016 et de 1,3 % à 1,9 % en 2017, selon la SCHL. Cela «apportera une certaine stimulation à la demande [...], prévoit l'organisme. Le marché de la revente se resserrera quelque peu et les prix resteront soutenus».

Si l'accès à la propriété a encore la cote, estime Sébastien Jean, «le niveau d'endettement des ménages est peut-être trop élevé. La faiblesse des taux hypothécaires a sans doute encouragé les gens à dépenser [pour acheter des résidences]. Est-ce que, si le portefeuille des familles se resserre, les ventes, donc l'offre, augmenteront ? Nous sommes dans l'expectative. Mais une chose est sûre, ce n'est pas le moment de se lancer dans une nouvelle offre à outrance. Mais bon, la dynamique du marché immobilier est très complexe».

Rebond à Montréal, Gatineau et Sherbrooke

Toutefois, une reprise de la croissance des ventes a bel et bien eu lieu au début de 2016, selon les données colligées par JLR Solutions foncières. Ainsi, les ventes de maisons individuelles ont progressé de 4 %, et celles de copropriétés, de 20 % en février 2016, comparativement à février 2015.

Mais il faut faire bien attention avant de parler de hausse ou de reprise. «C'est tout nouveau, cette "reprise", explique Mme Fontaine. C'est vraiment lorsque nous aurons obtenu les données au printemps prochain que nous pourrons confirmer, ou infirmer, cette hypothèse. De plus, si le nombre de ventes à Montréal s'élève, la situation est très différente dans le reste du Québec.»

Le clivage entre Montréal et le reste du Québec - et Gatineau, dans une moindre mesure - se creuse. Pour l'heure, en règle générale, les acheteurs ont encore l'avantage sur les vendeurs.

«Le rebond du marché [du début de 2016] est beaucoup plus marqué du côté de Montréal, souligne Paul Cardinal, directeur du service analyse du marché pour la FCIQ. Gatineau a bien performé aussi : là-bas, ça faisait cinq ans qu'on observait une baisse d'activité, probablement à cause des suppressions de postes dans la fonction publique fédérale. Mais cette époque semble révolue. Cela dit, ailleurs au Québec, on reste beaucoup plus dans des marchés "d'acheteurs", dans la stabilité, notamment sur le plan des prix.»

Dans la région métropolitaine de Montréal, de Saint-Jérôme à Saint-Bruno-de-Montarville, le marché de la copropriété paraît enfin se stabiliser. Si le délai de vente est assez long - il fallait en moyenne 130 jours au dernier trimestre de 2015 pour trouver preneur -, les prix ont quant à eux augmenté de 3 % au quatrième trimestre de 2015 par rapport à 2014. Par ailleurs, les mises en chantier ont nettement diminué, «un repli significatif», constate M. Cardinal, de 25 % pour les copropriétés à Montréal.

Enfin, la frénésie à l'égard des copropriétés semble s'estomper peu à peu.

Quant aux maisons individuelles, «les prix vont bien et les ventes aussi», remarque Paul Cardinal. qui ajoute, au sujet des plex, que les gens se les arrachent toujours autant. «C'est bien simple, il ne s'en construit plus, ils sont situés dans les quartiers centraux, et certains disparaissent au profit de nouvelles copropriétés. Ça crée un effet de rareté.»

Sherbrooke performe également bien au chapitre des ventes, avec une augmentation de 5 % des transactions au quatrième trimestre de 2015, comparativement à la période correspondante de 2014. Par contre, le stock y est en hausse, avec 6 % de nouvelles inscriptions.

Suroffre et surévaluation à Québec

Fait intéressant, le problème dans la surenchère de nouvelles copropriétés s'est déplacé vers l'est, s'atténuant à Montréal pour s'installer à Québec. Dans son ensemble, le marché immobilier de la Capitale-Nationale est plutôt maussade. Au dernier trimestre de 2015, les ventes des maisons individuelles ont reculé de 1 %, et celles des copropriétés, de 12 %.

«Alors que tout le monde parle du nombre de copropriétés à Montréal, [le problème] est beaucoup plus intense à Québec, soutient Paul Cardinal. Là-bas, c'est clairement à l'avantage des acheteurs, et les promoteurs vont loin dans leurs mises en marché : "Achetez cette unité et courrez la chance de gagner un voyage !" ou "Nous payons les frais de notaire", etc. Ce n'est pas un problème de demande, c'est qu'il y a eu trop d'offre.»

Québec est aussi la seule grande municipalité canadienne à afficher des signes élevés de surévaluation, en octobre 2015 aussi bien qu'en janvier 2016, selon un rapport de la SCHL.

«C'est à surveiller, affirme Kevin Hughes. Mais ça s'explique aussi par les changements structurels de l'emploi dans la capitale québécoise. Ce sont des emplois bien rémunérés, dit-il, se faisant rassurant. Peut-être que les prix sont en phase avec les fondamentaux de l'économie.»

Deux autres marchés importants affichent des signes de morosité au Québec. En premier lieu, Saguenay, où l'immobilier résidentiel était en chute libre au dernier trimestre de 2015, avec une diminution de 9 % du nombre de transactions par rapport à la période correspondante de 2014. Trois-Rivières a quant à elle subi une baisse des ventes de 4 % pendant la même période.

«Le Grand Montréal et le reste du Québec, ce sont deux marchés différents. Ils ne sont pas touchés par les mêmes facteurs. Les marchés hors Montréal ont des difficultés démographiques : peu de jeunes ménages s'y installent et beaucoup partent», dit Mme Fontaine.

Si la situation des marchés immobiliers régionaux diffère, l'ensemble du Québec est pourtant entré dans une phase de quiétude, d'atterrissage en douceur, s'entendent pour dire les experts. Les prix augmenteront doucement, les délais de vente aussi. Peu à peu, le stock se résorbera.

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