Budget fédéral: Options d'achat - augmentation d'impôt pour les hauts dirigeants

Publié le 19/03/2019 à 16:15

Budget fédéral: Options d'achat - augmentation d'impôt pour les hauts dirigeants

Publié le 19/03/2019 à 16:15

Par Stéphane Rolland

(Photo: 123RF)

BUDGET FÉDÉRAL. Le gouvernement Trudeau revient à la charge avec sa promesse d’imposer davantage la rémunération versée sous forme d’options d’achat, qui permettaient aux hauts dirigeants des grandes entreprises de payer un taux d’imposition moins élevé. Par contre, les employés des entreprises en démarrage en seront exemptés dans le but de préserver cet outil de rétention.

Les options d’achat donnent le droit à un employé d’acquérir une action de son employeur à un prix déterminé dans le futur. Lorsque le prix de l’action sous-jacente monte au-delà du prix d’exercice, son détenteur réalise ainsi un gain en capital. Au fédéral, seulement 50% de ce gain était imposable.

Or, cette exemption profite à un nombre limité de Canadiens fortunés, selon les chiffres dévoilés par le ministère des Finances du Canada dans son budget 2019. En 2017, 36 630 contribuables se sont prévalus de cette mesure, qui leur a apporté 2,09 G$ en déductions. De ce nombre, 2 330 affichaient des revenus totaux de plus de 1 M$ et ont réussi à économiser 1,3 G$, ce qui représente 64% des déductions accordées. 

En campagne électorale en 2015, les libéraux avaient promis d’abolir l’exemption fiscale avant d’abandonner cette promesse dans le budget 2016. Bill Morneau, le ministre des Finances, s’était rangé aux arguments des entreprises en démarrage qui craignaient que cette mesure ne leur enlève un précieux outil de rétention des employés alors qu’elles sont à un stade de leur développement où elles ont moins de ressources financières.

Finalement, M. Morneau revient à la charge avec de nouvelles restrictions, dont les entreprises en démarrage seraient exemptées (peu importe l’ampleur de la rémunération), mais qui viseraient plus particulièrement les professionnels fortunés des grandes sociétés.

«La justification stratégique du traitement fiscal préférentiel des options d’achat d’actions des employés est d’appuyer des entreprises canadiennes jeunes et en croissance, peut-on lire dans le budget. Le gouvernement ne pense pas que les options d’achat d’action des employés devraient être utilisées en tant que méthode de rémunération bénéficiant d’un traitement fiscal préférentiel à l’égard des cadres de grandes entreprises bien établies.»

Le changement

Le montant des options d’achat pouvant faire l’objet d’une exemption sera limité à une juste valeur marchande de 200 000$. Les tranches excédantes seront imposées comme du revenu ordinaire. Les options d’achat allouées par le passé ne seront pas touchées. Les détails entourant la mesure seront publiés à cet effet d’ici l’été. Tant que ces détails ne seront pas diffusés, les nouvelles options seront imposées de la même manière qu’avant.

Pour illustrer plus concrètement le mécanique derrière la proposition, le Ministère donne l’exemple d’un cadre qui reçoit 100 000 options d’achat sur l’action d’une société qui s’échange à 50$. Cela représente un prix d’exercice de 5 M$. De ce montant, seul 200 000$ donnera droit à l’exemption, ce qui représente 4000 options sur les 100 000 options.

Supposons que le cadre en question exerce ses options au moment où l’action sous-jacente s’échange à 70$, ce qui lui permettrait d’obtenir un gain de 2 M$. De ce gain 80 000$ (tirés des 4 000 options) profiteront toujours de l’avantage fiscal et 1,92 M$ seront imposés comme du revenu ordinaire.

Dans cet exemple, le dirigeant paierait beaucoup plus d’impôt sur son gain après l’adoption de la mesure. Au Québec, le taux marginal d’imposition le plus élevé au fédéral est de 27,55%, en tenant compte de l’abattement de 16,5% pour le Québec. Le cadre paierait ainsi 539 984,00 $ au gouvernement fédéral, comparativement à 275 500,00 $ dans les conditions existantes.

Impact sur les finances publiques

Le ministère des Finances ne chiffre pas encore l’impact financier de cette mesure, car elle n’est pas encore entrée en vigueur. Si la mesure peut rendre la fiscalité plus «équitable», il est peu probable qu’elle débouche sur davantage de revenus pour le Trésor public, selon certains économistes.

En entrevue en 2016, Jack Mintz, économiste de l’École de politique publique de l’Université de Calgary, avait mis en doute que le gouvernement puisse obtenir plus de revenus en imposant davantage les options d’achat. L’économiste se disait favorable en principe à l’idée d’imposer tous les revenus sur un même pied d’égalité, mais il croit que l’effet sera «neutre» sur les finances publiques.

En fait, les entreprises sont imposées sur la rémunération qu’elles versent sous forme d’options, contrairement aux primes et aux salaires qui sont uniquement imposés entre les mains des particuliers, rappelle l’économiste. En changeant les règles du jeu, le gouvernement n’aura pas eu le choix de laisser les entreprises déduire le coût de l’octroi d’options. Au bout du compte, le gouvernement aurait perdu d’une main, ce qu’elle gagne de l’autre, selon lui. «S’ils n’accommodent pas les entreprises, il n’y aura plus aucune entreprise qui voudra choisir une rémunération qui est doublement imposée. Ils choisiront d’autres formes de rémunération. Dans tous les cas, les recettes espérées ne seront pas au rendez-vous. »

 

 

 

 

 

 

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