S’il est une arène où la concurrence est féroce, c’est bien celle de telles élections. (Photo: Getty Images)
BLOGUE INVITÉ. Quiconque veut réussir dans la vie doit, selon moi, avoir la fibre d’un vrai compétiteur. Aussi bien pour l’étudiant sur les bancs d’école, la joueuse de tennis qui participe à des tournois provinciaux, l’employé d’une entreprise qui vise à avancer dans sa carrière, le niveau de concurrence est sans cesse plus élevé. Je dirais même qu’il ne fera qu’augmenter au cours des prochaines années. Il est devenu cliché de le dire, mais la planète est un village et la concurrence est devenue globale dans presque tous les domaines d’activités.
Ainsi, peu d’entreprises peuvent se permettre de se comparer uniquement à leurs concurrents locaux. Tôt ou tard, si elles ne le font pas déjà, elles risquent de faire face à une concurrence internationale et de se casser les dents. Pour réussir à long terme, il faut viser le niveau national, voire international. Voilà la réalité d’aujourd’hui dans un nombre croissant de domaines.
Il reste que les entreprises qui réussissent à se hisser au niveau national ou international voient s’ouvrir un marché au potentiel énorme devant elles. Si la côte est dure à monter, le potentiel sera d’autant plus grand pour celles qui réussiront. C’est la même chose pour un étudiant ou pour une joueuse de tennis.
Mais si de nombreux dirigeants d’entreprises comprennent très bien le concept de concurrence, plusieurs d’entre eux ne savent pas nécessairement faire concurrence à l’intérieur des règles du «fair-play».
Comme tout le monde, j’ai suivi la campagne présidentielle américaine. S’il est une arène où la concurrence est féroce, c’est bien celle de telles élections. Il me semble toutefois que cette campagne, de même que les précédentes, montre l’aspect le moins reluisant d’une compétition – un match où les règles de la bienséance et du fair-play sont sans cesse bafouées. Les candidats présidentiels peuvent se permettre de dire à peu près n’importe quoi si ça peut les faire avancer dans les sondages et gagner l’élection. Personne ne se gêne pour lancer des attaques personnelles contre l’autre candidat ou son parti. Si de telles pratiques peuvent faire gagner une élection, je me demande franchement si elles servent bien la démocratie à long terme.
J’ai également l’impression qu’un trop grand nombre d’entreprises dépassent les bornes du fair-play au nom de la concurrence, des gains de parts de marché et de la croissance des bénéfices. Par exemple, les allégations de pratiques anti-concurrentielles de la part des grandes sociétés technologiques américaines par divers gouvernements occidentaux portent à me questionner quant au fair-play de ces organisations. Et que dire des entreprises qui profitent du fait que leur titre est boudé des investisseurs pour privatiser?
Pour ma part, les nombreux tournois de tennis auxquels j’ai participé au cours des quelque quarante dernières années ont fait de moi un féroce compétiteur. Je déteste perdre et je fais tout pour gagner chaque fois que je mets les pieds sur un court de tennis pour jouer un match. En même temps, j’ai développé un trop grand respect envers le sport du tennis pour me livrer à des pratiques malhonnêtes comme «voler» des balles ou déranger sciemment mon adversaire. Je vous assure qu’il y a pourtant bien des concurrents qui se livrent à de telles pratiques. Mon expérience m’a démontré à maintes reprises que des gestes peu éthiques peuvent faire gagner des matchs, mais qu’ils font plus de tort de que de bien à long terme. Dans le monde du tennis comme dans tous les domaines, les gens dépourvus d’éthique se bâtissent vite une mauvaise réputation qui les suivra très longtemps. Comme l’a souvent dit Warren Buffett, «il faut 20 ans pour bâtir une bonne réputation et cinq minutes pour la détruire.» J’ai tenté d’adopter cette façon de voir les choses, tant sur le court que dans le monde de l’investissement.
Je me permets de citer à nouveau Warren Buffett, un investisseur et dirigeant dotés d’une réputation sans tache qui a souvent répété que, en affaires, il était préférable d’emprunter la voie éthique («the high road») car elle est généralement moins achalandée! Il est l’une des rares personnes qui répètent que des agissements honnêtes et éthiques sont ceux qui payent le mieux à long terme car ils permettent de se distancier de la plupart de ses concurrents.
Il me semble que nos entreprises et les jeunes de la prochaine génération devraient suivre ce conseil. Évidemment, en tant qu’investisseur, je veux investir dans des entreprises dont les dirigeants sont très compétitifs et dont les objectifs à long terme sont très ambitieux. Mais en même temps, je veux m’assurer qu’ils prendront toujours la voie éthique. Pour moi, le dirigeant idéal est à la fois un grand compétiteur et une personne dotée d’une éthique à toute épreuve.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100