Moins de 9% de femmes au sommet des sociétés boursières au Québec


Édition du 03 Juin 2017

Moins de 9% de femmes au sommet des sociétés boursières au Québec


Édition du 03 Juin 2017

Par Stéphane Rolland

Les femmes d'affaires sont encore très peu nombreuses dans les hautes directions. D'après notre recensement de la rémunération et du sexe des cinq plus hauts dirigeants de 65 sociétés québécoises cotées en Bourse, elles ne sont que 28 sur 311, soit une représentation de 8,7 %. Et elles gagnent, en moyenne, 71 % de la rémunération de leurs collègues masculins.

Des résultats «décourageants», selon Dana Ades-Landy, présidente de l'Association des femmes en finances du Québec (AFFQ). «C'est humiliant que ce soit si peu, commente-t-elle. Que ces femmes aient 71 % de la paie d'un homme, c'est incroyable en 2017 !»

L'échantillon est diversifié puisqu'il comporte des entreprises valant entre 22 millions et 74 milliards. Les entreprises sélectionnées comptaient parmi les 70 plus importantes sociétés québécoises cotées en Bourse. Cinq sociétés n'avaient pas publié leur circulaire au moment où nous écrivions ces lignes. Le lecteur averti aura remarqué que l'échantillon de 311 dirigeants n'est pas un multiple de cinq. Nous avons exclu quatre dirigeants de plus petites sociétés, soit parce qu'ils ne se versaient pas de salaire, soit parce qu'ils étaient en fait des administrateurs non exécutifs.

Parmi les 65 entreprises de notre échantillon, 45 n'avaient aucune femme au top 5. Seulement six entreprises s'approchent de la parité avec au moins deux femmes dans cette catégorie.

Le portrait ne s'est pas amélioré en 2016. Des 27 embauches qui ont eu lieu au sein des 65 entreprises de notre échantillon, 2 seulement concernaient des femmes. Cela représente une proportion de 7,41 %, un chiffre apparenté au 8,7 % de l'ensemble de l'échantillon.

«Pénalité à la maternité»

Pourquoi les femmes se font-elles si rares ? Louise Champoux-Paillé, administratrice et experte de la gouvernance, croit que la maternité explique nos résultats. «Lorsqu'elles ont des enfants, les professionnelles sont moins présentes pour un certain temps, dit-elle. Pendant ce temps, leurs collègues prennent le pas au cours d'une période cruciale pour l'avancement de la carrière, soit entre 30 et 40 ans. On considère donc moins les mères comme des candidates potentielles.»

La «pénalité à la maternité» est un phénomène documenté, et les professionnelles hautement qualifiées seraient relativement désavantagées par rapport aux autres salariées, selon une étude parue en décembre dans l'American Sociological Review. En fait, le potentiel de revenu des femmes dans les emplois les mieux rémunérés diminuerait de 10 % pour chaque enfant qu'elles mettent au monde. La baisse est de 4 % pour les travailleuses en général, toujours selon l'étude. La pénalité pour les emplois les mieux rémunérés serait plus lourde, car le rythme d'avancement est plus rapide pour ceux et celles qui ont une expertise pointue. Pendant ce temps, leurs collègues qualifiés empochent une «prime à la paternité» de 6 % pour chacun de leurs enfants. L'étude avance que la parentalité est perçue comme un gage de stabilité et de responsabilité pour le père, mais comme un facteur de désengagement professionnel pour la mère.

Les entreprises doivent repenser leurs modalités de fonctionnement sur les politiques de conciliation travail-famille, commente Mme Champoux-Paillé. «Il faut qu'elles révisent leurs critères de sélection pour s'assurer qu'il reste des femmes considérées comme des candidates potentielles.»

Explications ou quotas

Mme Ades-Landy croit pour sa part que, suivant nos résultats, il faudrait une réglementation plus stricte pour corriger le tir. Au Canada, les autorités provinciales des marchés ont adopté une réglementation du type «appliquez ou expliquez». Chaque année, les sociétés cotées en Bourse doivent dévoiler leurs politiques en ce qui touche la représentation féminine au conseil d'administration et à la haute direction ainsi que les cibles qu'elles se sont fixées à cet égard. Elles ont le loisir de n'avoir ni politique ni cible, mais elles ont l'obligation légale de dévoiler ce fait et de le justifier.

Le gouvernement Trudeau a déposé l'automne dernier le projet de loi C-25, qui reprend dans ses grandes lignes les principes «appliquez ou expliquez» adoptés par les autorités provinciales des marchés. Si la pression morale ne porte pas ses fruits, Navdeep Bains, ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, a dit qu'il pourrait imposer des quotas. Un amendement adopté en comité prévoit d'ailleurs que l'impact du projet de loi soit réévalué tous les cinq ans. «Cette approche a été efficace par le passé dans d'autres juridictions, notamment au Royaume-Uni et en Australie, explique Karl Sasseville, l'attaché du ministre, dans un courriel. Cela dit, la volonté de M. Bains est très ferme quant à la nécessité absolue de faire une plus grande place aux femmes et aux minorités dans le monde des affaires.»

Mme Ades-Landy pense qu'il faut aller plus loin que les explications et imposer des quotas pour s'assurer que les femmes aient leur place. «C'est le temps de pousser pour avoir des quotas, sinon on ne va aller nulle part, plaide-t-elle. Il faudrait que ça ait des conséquences tangibles si les entreprises n'atteignent pas des cibles mesurables. Ça a fonctionné dans les pays qui l'ont fait.»

Les femmes qui obtiendraient un poste faisant l'objet de quotas ne risqueraient-elles pas de devoir composer avec une perception négative ? «Non, répond Mme Ades-Landy, avant que nous ayons eu le temps de terminer notre question. Les femmes s'en foutent qu'on pense qu'elles ont été embauchées juste parce qu'elles sont des femmes. On sait que ce n'est pas vrai. Il y a un réseau énorme de femmes qui ont la compétence pour siéger sur un conseil. Il n'en manque pas.»

Dans tous les cas, les entreprises auraient intérêt à embaucher plus de femmes ou de personnes issues des communautés culturelles, croit Michel Magnan, professeur et titulaire de la Chaire de gouvernance d'entreprise Stephen A. Jarislowsky à l'École de gestion John-Molson de l'Université Concordia. «On choisit d'abord et avant tout une personne parce qu'elle apporte quelque chose à l'entreprise. Par contre, s'il s'agit d'une femme ou d'un membre d'une minorité, cette personne aura possiblement un parcours différent ou des expertises différentes. C'est intéressant d'avoir cette diversité à la table d'un conseil.»

Salaire égal ?

Dans notre échantillon, les femmes gagnent 71 % de la rémunération des hommes. Elles empochent en moyenne 1,5 million de dollars (M$), contre 2,1 millions pour leurs collègues masculins. La proportion est curieusement semblable aux inégalités dans l'ensemble de la population québécoise. En 2016, la rémunération hebdomadaire moyenne des Québécoises équivalait à 79 % de celle des Québécois, selon les données de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ).

L'écart est attribuable au faible nombre de femmes PDG et présidentes de direction. Sur 65 PDG, seulement 2 femmes occupent les plus hautes fonctions. Parmi 11 présidents de direction, il n'y a qu'une femme. Lorsqu'on exclut les PDG et les présidents de direction de notre échantillon, les femmes et les hommes gagnent une rémunération équivalente, soit 1,5 M$ pour les femmes et 1,4 M$ pour les hommes.

Mieux au CA, mais...

Les femmes sont mieux représentées dans les conseils d'administration qu'au sein de la haute direction, selon notre échantillon. En moyenne, on compte 22,5 % de femmes dans les conseils des entreprises. Leur présence varie cependant d'une société à une autre.

Parmi les 65 entreprises de notre échantillon, 8, ou 12,3 %, ont atteint la parité, soit plus de 40 % de femmes au conseil. La majorité des CA (33, ou 50,7 %) comptent entre 1 % et 25 % de femmes. Par contre, celles-ci sont complètement absentes du conseil de six entreprises, soit 9,23 % de notre échantillon.

Même si on est encore loin de la parité, ces données illustrent les progrès réalisés depuis quelques années, note Mme Champoux-Paillé. Elle s'inquiète toutefois de la rareté du nombre de femmes au top 5, qui fragilise les avancées des dernières années. «Ça m'inquiète pour la relève, poursuit-elle. Lorsqu'on cherche un administrateur, les hauts dirigeants constituent une grande partie des candidats. S'il n'y a pas une masse critique de femmes, il va y avoir une pénurie.»

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