Salaires en voie de distinction


Édition du 09 Septembre 2017

Salaires en voie de distinction


Édition du 09 Septembre 2017

[Certaines entreprises commencent à offrir une rémunération à la carte pour satisfaire à des aspirations qui diffèrent entre les générations et entre les individus.]

Au revoir le one-size-fits-all, bienvenue la rémunération à la carte. Pour attirer et retenir les talents, les employeurs doivent offrir de plus en plus de flexibilité dans la rémunération. Et non, ce n'est pas que la faute des milléniaux !

En Amérique du Nord, quatre générations de travailleurs se côtoient dans les entreprises : les vétérans, les baby-boomers, la génération X et la génération Y. Il est courant d'entendre que cette dernière est très différente des autres et exige une attention spéciale, notamment en matière de rémunération et de conditions de travail.

Cette théorie ne se vérifie pas tout à fait, nuance Tania Saba, professeure à l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal et auteure de plusieurs articles scientifiques sur le sujet. «Il y a des différences entre les générations, bien sûr, mais pas tant que ça, et aucune ne se distingue radicalement des autres», affirme-t-elle. De plus, les générations ne sont pas homogènes, poursuit la chercheuse. Il y a des différences entre individus à l'intérieur d'une même génération, en fonction de la situation familiale, du poste occupé, de l'industrie, etc.

Par exemple, on entend souvent dire que les milléniaux ne veulent pas passer leur vie au travail, qu'ils recherchent un bon équilibre travail-famille-vie sociale et plus de flexibilité. Or, les travailleurs plus âgés, notamment ceux qui ont des adolescents à la maison et des parents vieillissants, sont aussi à la recherche de ce type d'avantages. Et certains préretraités souhaitent aménager leur temps de travail de manière plus flexible ou le réduire. Cela tient donc plus à la situation personnelle du travailleur et à ses besoins qu'à une valeur liée spécifiquement à une génération.

Quatre générations, une situation

Tania Saba rappelle que les quatre générations au travail affrontent en fait les mêmes perturbations. «Pour que des différences majeures apparaissent entre les générations, il faut qu'un événement très marquant les sépare, explique-t-elle. Par exemple, on pouvait dire à une certaine époque que ceux qui avaient connu la crise des années 1930 et la Seconde Guerre mondiale étaient différents des baby-boomers, qui ne les avaient pas vécues. En ce moment, cependant, tous les travailleurs affrontent ensemble une économie qui connaît des difficultés depuis plusieurs années, un marché du travail en mutation ou encore les changements climatiques.»

Marc Chartrand, fellow de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA), oeuvre pour le cabinet de consultants PCI Perrault Conseil, spécialisé dans la rémunération et la performance. Lui aussi croit que les générations ne sont pas si différentes quant à leurs attentes de rémunération globale.

«Peu importe l'âge, tous les employés veulent trois choses : contribuer, se développer et être reconnus, avance-t-il. Les milléniaux aussi souhaitent qu'on réponde à ces besoins. Là où ils sont peut-être un peu différents, c'est sur le point suivant : comme ils sont habitués à ce qu'on réponde à leurs besoins et comme ils vivent à une époque où les services sont de plus en plus personnalisés, ils s'attendent à la même chose de leurs conditions de travail.»

Pour satisfaire à des aspirations qui diffèrent donc à la fois entre les générations et entre les individus d'une même génération, certaines entreprises commencent à offrir une rémunération à la carte. Elles seraient plus de 15 % à le faire au Québec, selon PCI Perreault Conseil.

Connaître ses employés

La rémunération à la carte ne signifie pas que tous les employés peuvent construire leur programme de rémunération de A à Z, selon leurs préférences. Il s'agit plutôt de leur offrir des choix.

«Les gens n'aiment pas les programmes de rémunération uniques et rigides, ils veulent du choix et de la flexibilité, explique Mélissa Pilon, CRHA, consultante en gestion de la rémunération. Certains préféreront avoir plus de jours de congé, bonifier leur assurance collective, épargner une partie de leur augmentation salariale, etc.»

Aux dirigeants qui craignent la complexité associée à la gestion d'une telle flexibilité, Mme Pilon suggère de commencer lentement, en offrant, par exemple, trois choix simples. Ainsi, l'employeur peut proposer à ses travailleurs de choisir entre des jours de congé, un montant supplémentaire versé au régime de retraite ou un montant forfaitaire. La consultante cite le cas de la Coop fédérée, qui offre à ses employés d'opter pour des jours de congé, une bonification de l'assurance collective ou un compte de soins de santé.

Pour savoir quels choix proposer, toutefois, il faut bien connaître ses employés. Ce qui n'est pas si fréquent. «Beaucoup d'entreprises décrivent très clairement leur client type, mais ne peuvent faire la même chose avec leur employé type, déplore Mélissa Pilon. Il faut connaître ses employés, leurs attentes, leurs besoins et leurs valeurs pour élaborer un programme de rémunération globale efficace, surtout lorsqu'on offre des options à la carte.»

Respecter les valeurs de l'entreprise

Denis Morin, professeur en gestion des ressources humaines à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, constate que les entreprises québécoises restent un peu frileuses devant ce type d'innovations. «Elles sont encore nombreuses à standardiser la rémunération, avance-t-il, mais je crois que cela pourrait changer. On observe une tendance vers la rémunération à la carte, notamment chez les entreprises souhaitant bonifier leur image de marque auprès du marché du travail.»

Le plus souvent, la rémunération à la carte comprend des composantes liées aux assurances collectives, aux horaires, aux vacances et au régime de retraite. Mais attention, on ne la trouve pas partout. «C'est plus rare dans des secteurs comme la restauration, où il y a relativement peu de spécialisation et beaucoup de roulement, souligne le professeur. C'est plus populaire pour des emplois de professionnels et de gestionnaires ou encore dans des secteurs comme les nouvelles technologies, où l'innovation quant aux conditions de travail est omniprésente et où la concurrence pour recruter et garder les talents est très forte.»

Pour les employeurs, il s'agit de répondre aux attentes des travailleurs tout en respectant les valeurs, le positionnement sur le marché et les objectifs de performance de l'entreprise. «Les formules doivent être équitables pour tous et respecter la stratégie organisationnelle de l'entreprise», conclut M. Morin.

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