­Abigail ­Noble : augmenter les impacts sociaux des investissements


Édition du 23 Septembre 2017

­Abigail ­Noble : augmenter les impacts sociaux des investissements


Édition du 23 Septembre 2017

Par Diane Bérard

Abigail Noble, PDG, The ImPact

The ImPact se compose de familles d'entrepreneurs qui sont investisseurs d'impact. Elles arriment leurs valeurs et leurs investissements, puis emploient l'argent à résoudre des enjeux sociaux et environnementaux. J'ai rencontré Abigail Noble à Montréal, au Canada Summit, organisé par The Economist.

L'entrevue n° 332

Diane Bérard - Quel est le mandat de The ImPact ?

Abigail Noble - Nous sommes un réseau, une communauté et un mouvement de familles désireuses de faire de l'investissement d'impact et de partager leurs connaissances entre elles. Le réseau a été lancé en 2013 par Justin Rockeller, l'arrière-arrière-petit-fils de John Rockfeller, et Josh Cohen. Nous comptons 14 familles cofondatrices, dont celles à l'origine de eBay, des hôtels Hyatt, de Ford et d'AOL. Près de 850 familles de partout dans le monde profitent de notre contenu éducatif.

D.B. - Qu'est-ce que l'investissement d'impact ?

A.N. - C'est une stratégie qui concerne toutes les classes d'actifs. L'intention compte : l'investisseur doit viser à la fois un rendement financier et un rendement social. Le résultat importe aussi : l'impact doit être mesurable et mesuré. On peut dire que l'investissement d'impact se situe à l'intersection du capitalisme et de la philanthropie. Jadis, les entrepreneurs commençaient par faire de l'argent, puis ils utilisaient cet argent pour faire le bien. Aujourd'hui, on constate qu'il est possible d'accomplir les deux en même temps.

D.B. - En octobre 2010, un rapport de la firme JP Morgan a marqué un point de bascule pour l'investissement d'impact. Pourquoi ?

A.N. - Ce rapport indique que l'investissement d'impact a le potentiel de devenir une industrie de 1 000 milliards de dollars américains. Ça a été le catalyseur de mon exploration de cet univers. À l'époque, je travaillais à la Fondation Schwab. Nous avons créé un groupe de travail pour évaluer comment l'investissement d'impact et ses outils pouvaient financer les projets d'entrepreneuriat social. En juin 2011, nous avons dévoilé notre rapport, «The Social Investment Manual», à SOCAP Europe. Il a été téléchargé 8 000 fois en deux semaines. Nous tenions quelque chose. La conversation s'est déplacée vers le Forum économique mondial (WEF).

D.B. - Vous avez démarré le service d'investissement d'impact au Wef...

A.N. - Je travaillais encore à la Fondation Schwab - qui est membre du Forum - lorsque j'ai suggéré au WEF de se pencher sur l'investissement d'impact. Le WEF est une organisation entrepreneuriale qui encourage l'initiative. On m'a proposé d'explorer les tendances en investissement, en consacrant 10 % de mon temps à l'investissement d'impact. Je m'y suis plutôt consacrée à 150 %, incluant mon temps personnel ! En 2013, nous avons publié le rapport «De la marge à la tendance» («From Margin to Mainstream»), qui répond au document de JP Morgan. Ce dernier s'adressait aux entrepreneurs, afin qu'ils se préparent à accueillir l'investissement d'impact. Le nôtre était destiné aux investisseurs. Il présentait les défis et les occasions d'affaires de ce marché. Parmi la centaine de rapports publiés par le WEF cette année-là, le nôtre a été l'un des plus téléchargés.

D.B. - Vous avez misé sur le jeu pour initier le secteur financier à l'investissement d'impact. Cela s'est passé à Davos. Racontez-nous.

A.N. - Entre 2012 et 2105, nous avons organisé des ateliers au WEF. Les participants étaient divisés en équipes. En 2012, ils devaient produire un pitch combinant rendement financier et social. En 2013, il fallait imaginer des outils financiers pour des projets s'attaquant à l'obésité infantile. L'atelier 2014 consistait à bâtir un portefeuille d'investissement d'impact. En 2015, il fallait démarrer un projet d'impact répondant aux besoins d'un marché fictif. Nos ateliers ont attiré une salle mixte d'investisseurs, d'assureurs, de gestionnaires de portefeuille et d'entrepreneurs. Chaque jeu a exigé une centaine d'heures de préparation.

D.B. - Où en est le secteur de l'investissement d'impact ?

A.N. - L'intérêt des acteurs traditionnels augmente. Imprint Capital, un pionnier de ce secteur, a été acquis par Goldman Sachs, qui développe ce créneau. Forcément, les autres institutions financières suivent.

D.B. - Le Québec compte de nombreuses familles d'entrepreneurs. Comment peuvent-elles amorcer leur initiation à l'investissement d'impact ?

A.N. - Elles peuvent se joindre à The ImPact. Nos membres viennent de plus de 50 pays. Nous possédons des données par pays sur les projets dans lesquels nos membres investissent. Et nous connaissons les classes d'actifs qu'ils ont choisies.

D.B. - Comment une famille d'entrepreneurs intéressée par l'investissement d'impact peut-elle se lancer ?

A.N. - Elle peut passer son portefeuille au cible pour repérer ce qui pourrait se qualifier comme un investissement d'impact. Vos lecteurs se rendront peut-être compte qu'ils sont des investisseurs d'impact «accidentels». Supposons que vous avez investi dans des habitations à loyer modique certifiés LEED pour des raisons d'affaires. Vous pourriez constater l'importance des retombées extrafinancières et faire d'autres investissements similaires. De nombreux investissements motivés par des raisons financières ont un impact social ou environnemental. En les repérant dans votre portefeuille, vous pouvez en augmenter la proportion ou faire des ajustements qui injectent de l'impact. Une famille présente dans l'immobilier, par exemple, peut installer des panneaux solaires sur ses immeubles ou un système de récupération de l'eau de pluie.

D.B. - Le Québec est une terre de ressources naturelles. L'investissement d'impact peut-il cohabiter avec ce secteur ?

A.N. - Nous n'éliminerons pas les ressources naturelles demain matin, mais nous pouvons viser un impact plus positif de leur exploitation. Soyons pragmatiques. Cherchons comment exploiter nos ressources naturelles de façon plus responsable, une décision à la fois. Un de nos membres a hérité d'un mine fondée par son grand-père. S'il la vend, l'acheteur ne partagera probablement pas son souci de l'impact social et environnemental. De plus, les employés de cette mine dépendent des décisions de ce membre, qui a l'occasion de gérer la mine de façon responsable. Nous lui recommandons d'en conserver la propriété et d'en faire évoluer la gestion.

D.B. - Existe-t-il une intersection entre l'investissement d'impact et la finance traditionnelle ?

A.N. - Oui. Elle se trouve dans la création de valeur. Ce sont les investissements à long terme qui créent vraiment de la valeur. Si vous investissez dans vos employés, ils seront plus loyaux. Si vous investissez dans la qualité de vos produits, vos clients seront plus loyaux. En vous concentrant uniquement sur les rendements financiers à court terme, vous versez dans l'ingénierie financière. Ce n'est pas la réalité, c'est un jeu. Combien de réorganisations, de restructurations et de licenciements pouvez-vous faire avant que les actionnaires se rendent compte que vous ne créez aucune valeur ? Les sociétés qui considèrent la création de valeur pour toutes les parties prenantes et sur le long terme font mieux que celles qui pratiquent l'ingénierie financière. Telle est l'intersection entre l'investissement d'impact et la finance traditionnelle.

Consultez le blogue de Diane Bérard : www.lesaffaires.com/blogues/diane-berard

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