Le chef de la direction Charlie Bowman pense qu’il est possible pour Hexo de s’établir dans les domaines des soins personnels, des produits pharmaceutiques et des suppléments nutritionnels. (Photo: 123RF)
TORONTO — Trois mois après avoir accédé au poste le plus élevé chez Hexo, le chef de la direction Charlie Bowman a déjà accentué les coupes de son prédécesseur et commencé à abandonner certains produits, mais il insiste sur le fait que ces mesures sont prises pour une bonne raison: réinitialiser «radicalement» la structure de coûts de l’entreprise.
Avant que M. Bowman ne prenne sa barre à la fin avril, la société de cannabis établie à Gatineau accumulait des millions de dollars de pertes à tous ses trimestres, voyait son inscription à la Bourse du Nasdaq menacée et avait accueilli plusieurs chefs de la direction en peu de temps.
M. Bowman croit qu’il peut remettre l’entreprise sur la bonne voie, en commençant par mettre en place une toute nouvelle stratégie de revenus.
«L’administration précédente a estimé que tous les revenus étaient de bons revenus, et c’est une très, très mauvaise idée», a affirmé M. Bowman lors d’une entrevue téléphonique depuis le Colorado.
«Tous les revenus ne sont pas bons. Vous avez besoin de revenus rentables, vous avez besoin de revenus, qui […] ne rapporteront peut-être pas d’argent aujourd’hui, mais qui rapporteront de l’argent dans un deuxième temps.»
M. Bowman, qui était directeur de l’exploitation par intérim avant d’être nommé chef de la direction, a entrepris sa quête pour les «bons» revenus en réduisant les coûts — ce qui a caractérisé le mandat de moins d’un an de son prédécesseur, Scott Cooper.
M. Cooper dirigeait précédemment Truss Beverage, une coentreprise entre Molson Coors Canada et Hexo. L’année dernière, il a orchestré la mise à pied de 180 personnes, une mesure qui, selon lui, devait permettre d’économiser environ 15 millions de dollars (M$) sur une base annualisée.
M. Bowman ne mâche pas ses mots au sujet de cette décision.
«La réduction des coûts n’a pas été suffisante, a-t-il affirmé. Nous avons dû réduire les coûts encore davantage après ces licenciements initiaux […], car il faut trouver la bonne taille pour que l’organisation puisse connaître du succès.»
Dans ses derniers documents financiers, Hexo a indiqué qu’elle s’efforçait de supprimer 450 postes d’ici la fin de 2023 pour économiser environ 30,6M$ par an.
Des coupes au-delà du personnel
Certaines de ces décisions ont eu un impact sur la gestion, ce qui, selon M. Bowman, a été «difficile», mais «pour le faire efficacement, il fallait que tout le monde participe», a-t-il ajouté.
Les coupes sont allées au-delà du personnel, puisque M. Bowman a également abandonné les produits qui ne rapportaient pas d’argent pour les remplacer par des articles rentables.
Le grand patron s’est montré discret au sujet des produits ou des secteurs d’activité qu’il a ciblés, puisque la société prévoit de publier ses nouveaux objectifs au cours de son quatrième trimestre.
Cependant, «s’il y a des segments où il n’y a pas d’argent à gagner, je ne vais pas me mettre à la poursuite de fausses parts de marché ou de faux revenus, car cela n’ajoute rien d’autre que des coûts à notre infrastructure, et c’est probablement le plus grand changement», a-t-il précisé.
La société est actuellement connue pour ses marques récréatives UP Cannabis, Original Stash, 48North, Trail Mix, Bake Sale et Redecan, mais M. Bowman pense qu’il est possible pour Hexo de s’établir dans les domaines des soins personnels, des produits pharmaceutiques et des suppléments nutritionnels.
Alors que ses rivaux sur le marché très concurrentiel poussent fortement vers les produits à haute teneur en tétrahydrocannabinol (THC), le composant psychoactif du cannabis, M. Bowman, qui a occupé des postes de direction dans la société d’extraits BGG/Solix Algredients, voit un potentiel dans les cannabinoïdes mineurs qui pourraient éventuellement aider les personnes atteintes d’anxiété et de diverses maladies.
Des enjeux personnels et commerciaux
Les enjeux sont très élevés. Sur le plan personnel, M. Bowman s’est lancé dans l’entreprise pour aider les patients atteints de maladies comme le cancer, dont souffrait son père.
Reste que sur le plan commercial, plusieurs se demandent combien de temps Hexo saura encore résister.
Un examen de l’entreprise réalisé en 2021 par son auditeur, PricewaterhouseCoopers LLP, a montré qu’Hexo «n’[avait] pas maintenu, à tous égards importants, un contrôle interne efficace sur ses divulgations financières» et que plusieurs facteurs «[soulevaient] un doute substantiel sur sa capacité à poursuivre son exploitation».
À un certain point l’année dernière, Hexo a même été jugé non conforme aux exigences de prix d’offre minimum fixées par le Nasdaq, ce qui aurait pu entraîner la radiation de son titre.
«Le “train de la douleur” continue d’avancer sur les rails» chez Hexo, a estimé le directeur général de MKM Partners, Bill Kirk, en juin, environ un mois après le début du mandat de M. Bowman.
Dans une note aux investisseurs, il a souligné que les prix du cannabis récréatif d’Hexo au Canada étaient tombés en dessous des prix de gros de l’année dernière, et que sa part de marché s’évaporait.
Malgré la réduction des coûts et la conclusion d’un accord de 211M$ US qui pourrait voir son rival Tilray Brands décrocher une participation dans Hexo, les dépenses ont augmenté, a souligné M. Kirk.
«En d’autres termes, le meilleur produit d’Hexo n’atteint pas le prix que son pire produit pouvait atteindre il y a 15 mois ET sa structure de coûts reste gonflée», a écrit M. Kirk.
Rien de tout cela n’était une surprise pour M. Bowman lorsqu’il a accepté le poste de chef de la direction.
«J’avais les yeux bien ouverts. Je savais exactement ce qui se passait», a-t-il assuré.
C’est en partie pourquoi M. Bowman s’est engagé à être transparent avec le personnel à chaque étape de la transformation qu’il prépare.
Une partie de ce qu’ils ont dû entendre a été brutale.
«Il est possible que notre entreprise soit éventuellement acquise. Il est possible que notre entreprise puisse survivre [aux changements en cours], et il est aussi possible que notre entreprise ne puisse pas y survivre.»