Rémi Marcoux, beauceron pur sang

Publié le 16/02/2012 à 00:00, mis à jour le 16/02/2012 à 09:13

Rémi Marcoux, beauceron pur sang

Publié le 16/02/2012 à 00:00, mis à jour le 16/02/2012 à 09:13

Commerce n'avait jamais fait le portrait de son propriétaire, Rémi Marcoux, sans doute le patron de presse le moins connu du pays. Il avait toujours refusé nos invitations: le centième anniversaire de Commerce et les succès de Transcontinental, qui devrait atteindre les 2 milliards de dollars de revenus d'ici 2001, l'ont convaincu de jouer le jeu.

"Pour expliquer son succès, Wayne Gretzky dit qu'il patine dans la direction où il pense que la rondelle ira", dit Rémi Marcoux. Le président du conseil et chef de la direction de Transcontinental explique ainsi ce qui, selon lui, fait un bon entrepreneur: l'intuition.

De l'intuition, ce Beauceron de 58 ans en a eu en 1976 quand, avec deux associés, il a racheté une imprimerie de Saint-Laurent pour la spécialiser dans la circulaire, un marché à ses premiers balbutiements. Vingt-deux ans plus tard, l'actionnaire de contrôle de Transcontinental fait partie du petit cercle d'entrepreneurs d'ici qui ont bâti solide et grand. Son entreprise, engagée dans l'impression, la distribution, l'édition et les nouvelles technologies de l'information, atteint des ventes annuelles de 1,3 milliard de dollars et s'est fixé le 2e milliard comme objectif pour 2001. Le Groupe, dont le siège social est situé à Montréal, emploie plus de 9 000 personnes et possède une quarantaine d'usines et d'ateliers au Canada, aux États-Unis et au Mexique.

Transcontinental est le premier imprimeur au Canada dans les marchés de la circulaire, du livre et du marketing direct, et un excellent deuxième dans le commercial, soit les magazines, les catalogues, les annuaires, les brochures et les rapports annuels. Au total, il est le dixième imprimeur en Amérique du Nord.

L'an dernier, l'imprimeur a réussi deux grands coups. Il a d'abord effectué la plus importante transaction de son histoire, l'achat d'Imprimerie Interweb, une entreprise très convoitée qui imprime notamment The Globe and Mail à ses usines de Boucherville et de Mississauga, en banlieue de Toronto, et dont les revenus annuels dépassent les 120 millions de dollars. Le mois suivant, Rémi Marcoux annonçait l'acquisition de Refosa, l'un des principaux imprimeurs de circulaires au Mexique, une première incursion hors du Canada et des États-Unis.

Transcontinental, c'est plus que des imprimeries. Le Publi-Sac accroché chaque semaine à 5,2 millions de portes au Québec et en Ontario, les 90 000 exemplaires du journal LES AFFAIRES, les 52 hebdos dont 33 dans la région de Montréal, les 915 000 exemplaires à chaque tirage d'une vingtaine de magazines différents, les nouveaux annuaires téléphoniques en quadrichromie, des millions de disques compacts audio et de cédéroms sont autant de produits qui portent la signature "Transcontinental".

"En cette époque des mécaniciens de la gestion, Rémi Marcoux est probablement l'un des derniers grands entrepreneurs de Québec inc., confie Claude Dubois, son associé de la première heure. Il cherche toujours la bonne affaire pour faire grandir son entreprise et augmenter l'offre de service à ses clients."

De Saint-Elzéar à Transcontinental

L'histoire commence à Saint-Elzéar-de-Beauce. Les origines de Rémi Marcoux sont à la fois terriennes et commerçantes. Son père vend sa ferme en 1945 pour ouvrir un magasin général dans le village. Toute la famille vit du commerce, 24 heures sur 24. Très jeune, Rémi Marcoux retient de son père qu'en affaires, l'important c'est le client. Chez ce dernier, cela prenait la forme d'un service hors du commun. "Quand un client appelait à la maison pour savoir à quelle heure le magasin ouvrait, on devait répondre: "À quelle heure pouvez-vous passer?""

Son père meurt jeune, à 39 ans. Rémi Marcoux abandonne ses études classiques pour se spécialiser en électronique. Il travaille ensuite comme technicien tout en poursuivant ses études le soir à l'École des Hautes Études Commerciales. Il obtient son diplôme de comptable agréé en 1969. Entre-temps, il commence à travailler chez Quebecor, comme contrôleur général, et devient par la suite directeur général des Messageries Dynamiques.

En juin 1975, Rémi Marcoux, alors vice-président à l'exploitation de Quebecor, décide de fonder sa propre entreprise. En décembre, avec Claude Dubois et André Kingsley, deux diplômés des Arts graphiques ayant surtout fait leurs classes chez Abitibi Price, il reprend Trans-Continental en offrant aux propriétaires "30 cents dans la piastre". L'offre est acceptée. L'imprimerie de Saint-Laurent donnera son nom, moins le trait d'union, au futur Groupe Transcontinental.

"Rémi a toujours voulu fonder une entreprise. Il l'a calquée sur ses propres valeurs comme le respect des employés et des partenaires, un service aux clients au-delà des attentes, et le travail bien fait", raconte Claude Dubois.

Toujours plus vite

"Rémi, c'est plus, plus et toujours plus", ajoute Alain Guilbert, qui a été président de Publications Transcontinental pendant cinq ans. "Cet homme-là travaille comme il skie: il choisit toujours la pente la plus difficile, aime le hors-piste, et se donne jusqu'à l'épuisement. Un jour, dans le Colorado, on a dû le forcer à s'asseoir, il allait trop loin!"

André Kingsley trace le même portrait du pêcheur: "Le premier sur la rivière le matin, le dernier à en revenir le soir! Entier et persistant."

Au siège social de la Place Ville-Marie, il réunit les employés tous les mois, à l'occasion d'un petit-déjeuner, pour leur parler des derniers événements ou projets de leur entreprise. On se souvient des fois où il s'est présenté en sheik arabe ou en monseigneur, Halloween oblige. L'homme adore parcourir le plancher des usines, discuter avec la réceptionniste, un pressier, un journaliste. Bref, pratiquer ce qu'il appelle le "managing by walking around". Il en a moins le temps aujourd'hui mais ne rate jamais une occasion.

"Quand il est au siège social, on est tous en stand-by, avoue un collaborateur. C'est un véritable tourbillon, qui gère par contact direct. Il entre dans ton bureau, s'informe de ton travail, demande ton opinion. Il peut être aussi très exigeant et perfectionniste. Pour lui, tout est possible. Il y a un peu de pensée magique dans ces grands entrepreneurs!"

S'il aime consulter, Rémi Marcoux fait aussi partie des gens que l'on consulte. "Je ne connais personne qui possède aussi bien que lui son secteur d'activité", assure Guy Bisaillon, premier vice-président au Québec de la Banque Scotia. "Il entretient des relations personnelles très fortes", dit André Lesage, président de Samson Bélair Deloitte & Touche.

"Un habile négociateur mais honnête sur toute la ligne", assure Pierre Bossé, fondateur, président et chef de la direction d'Uniprix, qui n'oubliera pas comment le fondateur de Transcontinental a accepté de reporter de six mois des paiements pour aider Uniprix à traverser une période difficile en 1986.

Fidèle à ses amis et à ses clients, Rémi Marcoux a de la difficulté à se séparer de ses collaborateurs. "Il aime prendre les gens sous son aile et cela peut devenir intimidant, dit un ami de longue date. Il est parfois ambivalent parce qu'il aime également donner de l'autorité à ses collaborateurs. Au fond, il agit en père de famille, au bureau comme à la maison."

Les valeurs du fondateur se répercutent sur toute l'entreprise. En 1997, The Financial Post a classé Transcontinental parmi les 50 premières entreprises au pays au chapitre de la performance sociale qui inclut, entre autres, les dons et commandites, les réalisations environnementales, ainsi que la santé et sécurité au travail.

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