Relations de travail : l'ancienneté, un concept dépassé ?


Édition du 04 Juin 2016

Relations de travail : l'ancienneté, un concept dépassé ?


Édition du 04 Juin 2016

[Photo : Shutterstock]

Les générations qui entrent sur le marché du travail sont peu séduites par des emplois où les perspectives d'avancement professionnel sont faibles et basées sur l'ancienneté. Les employeurs devront rivaliser d'imagination pour les attirer, et surtout pour les garder.

C'est ce qui ressort d'une conférence prononcée récemment par André Sasseville, avocat associé au cabinet Langlois, devant plus de 325 personnes réunies au Hyatt Regency de Montréal à l'occasion d'un colloque sur le droit du travail. M. Sasseville a présenté une perspective intéressante des innovations récentes dans les conditions de travail négociées entre employeurs et employés.

«L'ancienneté reste au coeur de la plupart des conventions collectives au Québec, reconnaît l'avocat en entrevue. Mais on constate une évolution vers d'autres solutions, dans le but d'attirer les jeunes travailleurs que le règne tous azimuts de cette norme tend à défavoriser.»

L'octroi des postes vacants, les mises à pied et l'attribution des vacances dépendent encore de l'ancienneté dans près des trois quarts des conventions collectives québécoises. Même la réorganisation des tâches et la réduction des heures de travail des employés âgés reposent sur l'ancienneté dans environ 38 % des accords négociés.

Cela pourrait changer. M. Sasseville constate déjà l'émergence d'autres normes. Par exemple, l'attribution des postes se fait aussi plus régulièrement en fonction des exigences, et non par ancienneté, dit-il.

Marc-Antonin Hennebert-Faulkner, professeur à HEC Montréal, fait un constat semblable à la suite d'une récente étude sur l'évolution des négociations de conventions collectives au Québec. «L'ancienneté pure a cédé beaucoup de terrain à une version modulée, explique- t-il. Elle reste très présente lorsque vient le moment de faire des mises à pied, mais elle l'est moins dans d'autres aspects comme les promotions.»

Cette ancienneté modulée prend surtout deux formes. Dans les clauses dites «à compétences normales», l'ancienneté prime et la compétence tranche en cas d'égalité. À l'inverse, dans les clauses dites «à compétences égales», les compétences priment, l'ancienneté servant de bris d'égalité.

« L’ancienneté pure a cédé beaucoup de terrain à une version modulée. Elle reste très présente lorsque vient le moment de faire des mises à pied, mais elle l’est moins dans d’autres aspects comme les promotions. » – Marc-Antonin Hennebert- Faulkner, professeur à HEC Montréal

Du plaisir au travail

Qu'est-ce qui explique cette évolution ? Selon M. Sasseville, il faut regarder du côté des difficultés de recrutement et de fidélisation des jeunes travailleurs. En 2015, 17,6 % de la population était âgée de 65 ans et plus, un pourcentage qui atteindra 25 % en 2031, selon l'Institut de la statistique du Québec. Plusieurs employeurs éprouvent d'ores et déjà des défis de recrutement liés au vieillissement démographique.

Or, dans un contexte où les conditions de travail sont régies par l'ancienneté, il peut s'avérer difficile d'attirer de jeunes employés.

«Les jeunes recherchent plutôt la reconnaissance de leurs compétences et la flexibilité, notamment en matière d'horaires et d'organisation du travail, soutient Stéphane Simard, conférencier et conseiller en ressources humaines agréé. La sécurité d'emploi reste attrayante, mais les jeunes ne s'attendent pas à travailler 25 ans au même endroit.»

Ce n'est donc pas qu'en matière de conditions salariales ou de travail que les employeurs doivent rivaliser d'audace pour attirer les jeunes générations. «Il n'est pas rare que je rencontre de jeunes travailleurs pour qui l'ambiance de travail compte plus que le salaire, note M. Simard. Ils veulent un travail qui a un sens, et y trouver du plaisir.»

Garderie en milieu de travail, gymnase, clubs sociaux... Les entreprises doivent devenir des milieux de vie stimulants et utiliser ces activités pour accorder des responsabilités aux nouveaux travailleurs afin de bien les intégrer.

Une mesure encore utile

Même la capacité de performer exige de nouvelles normes pour régir les conditions de travail, dit M. Sasseville. «Nous sommes passés d'une société industrielle à une société où les emplois sont dans les secteurs des services et du partage des savoirs, dit-il. La spécialisation et les connaissances prennent beaucoup de place. L'attribution des postes et l'avancement doivent donc de plus en plus s'aligner sur l'expertise et sur les exigences de la tâche plutôt que de reposer sur un simple calcul d'ancienneté.»

Il ne s'agit toutefois pas de jeter le bébé avec l'eau du bain, dit Marc-Antonin Hennebert-Faulkner. «L'ancienneté reste utile, et même les jeunes peuvent l'apprécier si elle agit comme une reconnaissance de leur engagement à long terme envers une entreprise et qu'elle leur donne une sécurité d'emploi, dit-il. Mais il faut repenser la manière de l'appliquer afin de réduire certains impacts sur l'organisation du travail.»

 

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