Le département américain de l’Énergie s’apprête à annoncer une «avancée scientifique majeure» dans le domaine de la fusion nucléaire. (Photo: 123RF)
Washington — Le département américain de l’Énergie s’apprête à annoncer mardi une «avancée scientifique majeure» dans le domaine de la fusion nucléaire. Depuis des décennies, les scientifiques cherchent à faire de cette manière de produire de l’énergie une réalité.
Ses avantages sont nombreux: elle ne génère pas de CO2, moins de déchets radioactifs, et ne présente pas de risque d’accidents nucléaires. Le point sur son fonctionnement, les projets en cours et quand ils pourraient aboutir.
L’énergie des étoiles
La fusion nucléaire diffère de la fission, technique utilisée actuellement dans les centrales nucléaires, et qui consiste à casser les liaisons de noyaux atomiques lourds.
La fusion est le processus inverse: on fait fusionner deux noyaux atomiques légers (de l’hydrogène) pour en créer un lourd (hélium), ce qui libère de l’énergie.
C’est ce processus qui est à l’œuvre dans les étoiles, dont notre Soleil.
«Contrôler la source d’énergie des étoiles est le plus grand défi technologique jamais entrepris par l’humanité», a écrit sur Twitter le physicien Arthur Turrell, auteur du livre The Star Builders.
Deux méthodes distinctes
La fusion n’est possible qu’en chauffant de la matière à des températures extrêmement élevées (de l’ordre de plus de 100 millions de degrés).
«Donc il faut trouver des moyens pour isoler cette matière extrêmement chaude de tout ce qui serait susceptible de la refroidir. C’est la problématique du confinement», a expliqué à l’AFP Erik Lefebvre, chef de projet au Commissariat à l’Énergie atomique (CEA).
La première méthode est la fusion par confinement magnétique. Dans un immense réacteur, des atomes légers d’hydrogène (deutérium et tritium) sont chauffés. La matière est alors à l’état de plasma, un gaz à très basse densité. Elle est contrôlée à l’aide d’un champ magnétique, obtenu à l’aide d’aimants.
C’est la méthode qui sera utilisée pour le projet international ITER, actuellement en construction en France, et celle employée par le JET (Joint European Torus) près d’Oxford.
Une deuxième méthode est le confinement inertiel. Là, des lasers de très forte énergie sont envoyés à l’intérieur d’un cylindre de la taille d’un dé à coudre, contenant l’hydrogène.
C’est la technique utilisée par le Laser Megajoule (LMJ) français, ou le projet le plus avancé en la matière, le National Ignition Facility (NIF) américain.
Le but de ces derniers est davantage de démontrer le principe physique, quand la première méthode cherche à reproduire une configuration proche d’un futur réacteur à fusion.
Où en est-on?
Depuis des décennies, les scientifiques cherchent à faire en sorte que l’énergie produite par la fusion nucléaire dépasse celle utilisée pour provoquer la réaction.
Selon le Financial Times, c’est cette percée qui doit être annoncée mardi par le NIF américain.
Démontrer qu’obtenir un «gain net d’énergie» est effectivement possible est une étape majeure, qui a enthousiasmé de nombreux scientifiques dans le monde avant même sa confirmation.
Mais «le chemin est encore très long» avant «une démonstration à une échelle industrielle et qui soit commercialement viable», avertit Érik Lefebvre. Selon lui, de tels projets prendront encore 20 ou 30 ans à aboutir.
Parmi les défis: augmenter l’efficacité des sources laser, et reproduire l’expérience à de beaucoup plus fortes cadences.
Pourquoi tant d’engouement?
Contrairement à la fission, la fusion ne comporte aucun risque d’accident nucléaire. «Si jamais il manque quelques lasers qui ne se déclenchent pas au bon moment, ou si jamais le confinement du plasma par le champ magnétique (…) n’est pas parfait» la réaction va tout simplement s’arrêter, explique Érik Lefebvre.
De plus, la fusion nucléaire produit moins de déchets radioactifs que les actuelles centrales.
Surtout, elle ne génère pas de gaz à effet de serre.
«C’est une source d’énergie qui est totalement décarbonnée, qui génère très peu de déchets, et qui est intrinsèquement extrêmement sûre», résume M. Lefebvre. Ce qui en fait «une solution d’avenir pour les problèmes d’énergie à l’échelle du globe».
Toutefois, en raison de son stade de développement encore précoce, elle ne représente pas une solution immédiate à la crise climatique et au besoin de transition rapide des énergies fossiles.