Quels sont les impacts économiques de la grève à Hollywood?
La Presse Canadienne|Publié le 29 août 2023Pour Shon LeBlanc, copropriétaire, Valentino’s n’a plus les moyens de payer son loyer. (Photo: La Presse Canadienne)
Los Angeles — L’année dernière, les affaires du magasin Valentino’s Costume Group avaient finalement repris, après des difficultés liées aux années de pandémie.
Dans l’espoir de tirer profit de cette bonne période, le magasin a déménagé en janvier dans un espace au nord d’Hollywood deux fois plus grand que son ancien bâtiment.
Puis, les scénaristes et acteurs d’Hollywood se sont mis en grève. Aujourd’hui, explique Shon LeBlanc, copropriétaire, Valentino’s n’a plus les moyens de payer son loyer.
«Ma poitrine se serre parce que l’argent est si serré», a témoigné M. LeBlanc, déplorant le manque apparent d’urgence de l’Alliance des producteurs de cinéma et de télévision pour tenter de parvenir à une entente avec les syndicats.
«Quand le maire va-t-il intervenir et dire: “Je vous ordonne de trouver une solution parce que vous êtes sur le point de faire s’effondrer l’économie de Los Angeles.”»
Il s’est écoulé plus de 100 jours depuis que les membres de la Writers Guild of America ont cessé de travailler, et plus d’un mois depuis que le syndicat des acteurs les a rejoints. L’histoire de M. LeBlanc n’est qu’une parmi tant d’autres détaillant les effets d’entraînement de la grève.
Peu de secteurs de l’industrie du divertissement ont été épargnés.
De la location de studios à la construction de décors, en passant par le nettoyage à sec des costumes et le transport des décors, il est difficile de trouver une partie de l’économie de Los Angeles qui a entièrement échappé aux répercussions.
«Un film se déroulant en une seule journée peut générer des dizaines de milliers de dollars», explique Kevin Klowden, stratège en chef du Milken Institute, un groupe de réflexion qui étudie les questions sociales et économiques. «Selon le niveau d’activité, cela peut représenter des centaines de milliers de dollars.»
Difficile d’évaluer l’ensemble des impacts
La dernière grève des scénaristes, il y a plus de 15 ans, a mis trois mois à se résoudre et on estime qu’elle a coûté 2,1 milliards de dollars US en perte de production. Cette fois-ci, ce chiffre sera plus difficile à mesurer étant donné l’ampleur des changements intervenus ces dernières années dans les coûts de production, les lieux et les échéanciers en raison des progrès technologiques et de la mondialisation accrue.
«Nous avons tendance à considérer les productions comme une sorte d’entité autonome», a souligné M. Klowden.
En réalité, une production s’étend souvent à plusieurs entreprises, voire à plusieurs pays. Les projets sont souvent «expédiés» en Nouvelle-Zélande pour y ajouter des effets visuels, cite-t-il en exemple.
«Plus une production est importante, plus vous avez de chances de voir à la fin toute une série de mentions de crédits d’impôt différents.»
Les deux guildes cherchent à résoudre les problèmes provoqués par la domination des services d’écoute en ligne, qui ont modifié tous les aspects de la production, depuis la façon dont les projets sont écrits jusqu’à leur sortie.
Pour les scénaristes, la guilde a déclaré que l’utilisation de petites équipes pour des périodes plus courtes rendait difficile l’obtention d’un revenu suffisant. Les préoccupations des acteurs incluent les protections sur l’utilisation de l’intelligence artificielle.
Bien que les négociations entre le syndicat et les producteurs aient repris, il n’est pas prévu que les acteurs et les studios reviennent à la table des négociations.
Lors d’une conférence téléphonique début août, les dirigeants d’Hudson Pacific ont tenté d’apaiser leurs inquiétudes quant à l’impact financier des grèves sur leurs entreprises, tout en admettant la réalité derrière ces craintes. La société possède à la fois Quixote et Sunset Studios, deux importantes sociétés de location d’équipements et de studios dans l’industrie du divertissement.
«Nous sommes tous extrêmement conscients des “éclats d’obus” qui entourent l’industrie en général et de toutes les entreprises résiduelles qui sont touchées. Cela va commencer à être assez douloureux», a prévenu son président-directeur général Victor Coleman en réponse aux questions sur la durée des grèves.
«Ce sera dommageable. Et je pense que tout le monde en est très conscient.»
Tous les coins touchés
Les retombées vont au-delà du divertissement et touchent tous les coins de Los Angeles. Les restaurants, les cafés et même les salons de manucure voisins des grands studios souhaitent tous désespérément une solution rapide.
Le restaurant Patys, un incontournable du quartier Toluca Lake qui compte des habitués, dont Steve Carell et Adam Sandler, a connu une baisse importante de son activité en termes de clients et de commandes de restauration, selon le propriétaire George Metsos. Ils perdent des clients évidents — acteurs, scénaristes, membres d’équipe — mais aussi d’autres habitués qui ne viennent plus: les électriciens, les menuisiers de décors et les chauffeurs qui s’arrêtent pour le déjeuner en se rendant au travail dans les studios à proximité.
Emmanuel Pelargos, propriétaire d’Astro Burger en face des studios Paramount à Hollywood, affirme que la présence régulière de scénaristes et d’acteurs sur les piquets de grève n’a pas compensé le déclin de l’activité dû à l’arrêt des productions.
«Ils viennent parfois, a-t-il dit à propos des membres en grève. Mais c’est surtout pour aller aux toilettes.»
Aucune aide distribuée
Corrie Sommers, vice-présidente de la Chambre de commerce de Toluca Lake, affirme que le moment choisi pour les grèves — dans la foulée de la reprise financière après la pandémie — frappe particulièrement durement les petites entreprises.
«La grève […] a encore une fois fait reculer tout le monde. Mais cette fois, il n’y a pas l’aide nécessaire, déplore Mme Sommers. Personne ne dit: “Voici de l’argent pour vous renflouer. Voici de l’argent pour vous aider.” Ce n’est plus là. Et cela affecte tout le monde.»
Mme Sommers, également agente immobilière dans la région, mentionne plusieurs clients qui souhaitaient acheter une maison, mais qui ont changé d’avis.
«Personnellement, environ cinq acheteurs au cours des trois derniers mois m’ont dit: “Je vais devoir attendre l’année prochaine parce que je ne sais pas ce qui se passe”», a-t-elle relaté.
– Par Krysta Fauria