Québec: une croissance plus rapide en gardant tous ses résidants
La Presse Canadienne|Publié le 26 novembre 2021Québec s’est donné l’objectif de rattraper son écart de richesse avec l’Ontario (PIB par habitant) d’ici 2036. (Photo: La Presse Canadienne)
Si le Québec ne perdait plus de résidants au profit des autres provinces, son économie pourrait croître à un rythme plus élevé de 1 point de pourcentage par année pour la prochaine décennie, estime Marc Desormeaux, économiste principal à la Banque Scotia.
Historiquement, le Québec affiche un flux migratoire négatif avec l’Ontario depuis au moins le début des années 1970, selon un rapport récent dévoilé par la Banque Scotia. Or, la tendance s’est inversée dernièrement. Au deuxième trimestre 2021, le flux migratoire positif de l’Ontario vers le Québec a atteint un record historique.
L’abordabilité relative du marché immobilier résidentiel au Québec par rapport à celui de l’Ontario pourrait expliquer ce changement. « Une maison à Montréal coûte environ la moitié d’une maison à Toronto, explique M. Desormeaux en entrevue. Le marché du logement est beaucoup plus abordable. »
Le télétravail facilite aussi la vie des professionnels qui voudraient travailler en Ontario, mais qui choisiraient de vivre au Québec. Il note que les Ontariens peuvent trouver des occasions d’emplois intéressantes au Québec dans le secteur des technologies, mais aussi des services financiers.
Il est encore trop tôt pour dire si les Ontariens vont continuer
à traverser la rivière des Outaouais, répond l’économiste. Il anticipe que le flux migratoire revienne aux alentours d’une perte de 9000 résidants annuellement pour le Québec au profit de l’Ontario.
Si la perte de 9000 résidants peut paraître comme une goûte dans l’océan pour le Québec par rapport à ses 8,5 millions d’habitants, cela peut faire une différence à long terme. En ayant un flux migratoire neutre entre les provinces, la croissance économique du Québec augmenterait de 1 point de pourcentage pour la prochaine décennie par rapport aux prévisions de base de l’économiste, croit-il.
Possible de rattraper l’Ontario?
Québec s’est donné l’objectif de rattraper son écart de richesse avec l’Ontario (PIB par habitant) d’ici 2036, a annoncé le gouvernement dans sa mise à jour économique dévoilée jeudi. L’obsession du premier ministre François Legault de rattraper l’économie ontarienne est bien connue, mais il s’agissait de la première fois que son gouvernement dévoilait un échéancier pour y parvenir.
L’objectif est de ramener l’écart du PIB réel par habitant à 10% en 2026 et de le faire disparaître complètement d’ici 2036. Depuis 2017, l’écart de richesse est passé de 16,4% à 12,9%, selon le ministère des Finances.
Le Québec aura fort à faire pour atteindre cet objectif, a reconnu Eric Girard, ministre des Finances, lors d’un point de presse jeudi. «Quinze ans pour fermer un écart de richesse qui est là depuis presque 100 ans, je pense que c’est réaliste. Ça peut paraître long, mais c’est extrêmement ambitieux.»
Questionné sur le sujet, M. Desormeaux juge qu’il est difficile de se prononcer sur la faisabilité de ce rattrapage. À long terme, une croissance plus forte devra passer par la main-d’œuvre, la technologie et les investissements, ajoute-t-il.
La reprise économique a été plus vigoureuse au Québec qu’en Ontario cette année. M. Desormeaux croit que la Belle Province aura la plus forte croissance au Canada en 2021. La reprise ontarienne, pour sa part, a été retardée par les restrictions sanitaires plus sévères au printemps dernier et par l’impact de la pénurie de semi-conducteurs sur l’industrie automobile. Indépendamment de ce qui se passe au Québec, ces problèmes devraient se tempérer, ce qui devrait renforcer la reprise économique en Ontario, croit l’économiste.
La pénurie de main-d’œuvre reste un défi structurel pour le Québec dans sa course contre son voisin, note l’économiste. Au Québec, il y avait 279 000 postes vacants en septembre, selon des données publiées jeudi par Statistique Canada.
Cela représente 7,3% des postes. Seule la Colombie-Britannique a un taux plus élevé à 7,4%, souligne M. Desormeaux. En Ontario, le taux de postes vacants est de 5,6%. «La pénurie de main-d’œuvre, c’est un défi partout, mais c’est un défi pour le Québec en particulier.»