«Les conclusions infirment les allégations d’actes répréhensibles véhiculées publiquement», fait valoir l’expert.
Visée par des allégations de conflit d’intérêts pour sa gestion du « projet Faucon », qui se penchait sur SNC-Lavalin, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a été exonérée par l’expert indépendant mandaté afin de faire la lumière sur cette affaire.
Mario Bilodeau, un avocat de formation ayant œuvré au sein de l’appareil gouvernemental pendant sa carrière, avait été nommé le 16 avril dans la foulée d’articles publiés par le « Journal de Montréal ». Citant, de façon anonyme, deux ex-employés de l’Autorité, le quotidien écrivait notamment que le gendarme boursier avait « fermé les yeux » à plusieurs égards tout en faisant preuve de complaisance jusqu’à la fermeture de l’enquête, en 2015. Aucune accusation n’avait été déposée.
« Au terme de l’examen, le contexte, les preuves documentaires, les témoignages recueillis et les conclusions infirment les allégations d’actes répréhensibles véhiculées publiquement », fait valoir l’expert indépendant, dans le sommaire de son rapport publié lundi par le ministère des Finances.
Celui-ci a toutefois prévenu que son mandat, qui s’est échelonné sur trois mois, ne visait pas à se pencher sur les « éléments de l’enquête », mais sur la conduite de l’AMF.
Déclenché en 2011-2012, le projet Faucon s’intéressait entre autres aux documents financiers de la firme d’ingénierie et de construction et à des transactions effectuées par certains cadres, dont Michael Novak, le conjoint de l’ex-ministre de la Justice et députée libérale Kathleen Weil, en 2011 et 2012.
Frédéric Pérodeau, directeur principal des enquêtes à l’Autorité, était également au cœur des allégations de conflit d’intérêts, étant donné que cet avocat de formation a déjà été conseiller juridique au sein de la multinationale québécoise de juin 2010 à avril 2012. Il était donc aux commandes d’une devait enquêter sur son ancien employeur.
« L’Autorité a couvert tous les angles possibles de poursuite et n’a pas subi d’influence extérieure sur la façon de traiter le dossier ou pour le fermer, ni exercé de pression à l’interne auprès des enquêteurs pour les empêcher de bien accomplir leur travail ou leur nuire subtilement » », peut-on lire.
De plus, les allégations de délit d’initié visant M. Novak ne sont pas justifiées, selon l’expert indépendant. Selon un rapport de la firme Veritas publié en 2012, l’ex-président exécutif de la société avait empoché près de 13 millions $ en grâce à une vente d’actions de SNC-Lavalin en 2011, avant l’éclatement de scandales ayant entaché la réputation de la compagnie.
Québec n’a toutefois pas dévoilé l’intégralité du rapport d’enquête en affirmant que le document contient des « renseignements consignés aux dossiers de l’AMF » et évoque certaines « méthodes d’enquête » du gendarme boursier.
Mandat large
M. Bilodeau affirme avoir eu accès à l’ensemble du dossier « Faucon » ainsi qu’à « tous les employés présents et passés et véritablement concernés ». Trente-deux personnes ont été rencontrées, dont le président-directeur général de l’AMF Louis Morisset.
L’expert indépendant a également pu consulter 42 000 courriels « concernant 24 personnes travaillant ou ayant travaillé » pour le gendarme boursier.
« Les allégations parues dans les journaux ne s’inscrivent dans aucune entrevue réalisée avec les véritables acteurs du projet Faucon, ni dans les documents identifiés », soulignent les conclusions du sommaire de l’enquête, qui avancent également que l’enquête de l’Autorité n’a pas été menée de « façon superficielle ».
De son côté, le ministre des Finances, Éric Girard, qui avait demandé au Conseil consultatif de régie administrative de l’AMF d’agir au printemps, a indiqué accueillir « favorablement » le rapport. À son avis, les « allégations à l’origine de l’examen sont donc injustifiées ».
Pour sa part, l’AMF, qui n’a pas voulu accorder d’entrevues, a souligné, par voie de communiqué, qu’elle accueillait avec « grande satisfaction » les conclusions de l’enquête.
« L’expert est catégorique : malgré les graves allégations parues en avril dernier dans certains médias, l’enquête n’a jamais été abandonnée, n’a pas été menée de façon superficielle et a été conduite de manière adéquate », fait-elle valoir.
Dans le cadre de son enquête, M. Bilodeau a été épaulé par la firme juricomptable Quantum, deux officiers retraités de la Sûreté du Québec, une adjointe exécutive et un professeur de droit de l’Université Laval.
Québec ignore encore précisément la facture totale qui accompagne cette enquête indépendante, mais « l’engagement financier maximal » est de 660 000 $, a indiqué Fanny Beaudry-Campeau, l’attachée de presse du ministre Girard.