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Projet de loi 19: le patronat veut des assouplissements

La Presse Canadienne|Publié le 18 avril 2023

Projet de loi 19: le patronat veut des assouplissements

«Je demeure avec le sentiment qu’il y a quand même une tentative de faire indirectement ce qu’on ne peut pas faire directement», a lâché le ministre du Travail, Jean Boulet.

Québec — Le ministre du Travail, Jean Boulet, soupçonne le patronat de vouloir dénaturer le projet de loi 19 qui vise à limiter la présence d’enfants sur le marché du travail.

C’est ce qu’il a laissé entendre mardi, au premier jour des consultations particulières, alors que plusieurs regroupements d’employeurs réclamaient des exceptions.

Le projet de loi 19 fixerait à 14 ans l’âge minimal pour travailler au Québec, et interdirait aux jeunes de 14 à 16 ans de travailler plus de 17 heures par semaine pendant l’année scolaire hormis les congés.

«Je demeure avec le sentiment qu’il y a quand même une tentative de faire indirectement ce qu’on ne peut pas faire directement», a lâché le ministre.

La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) venait de lui demander de permettre aux moins de 14 ans d’obtenir des dérogations à la pièce.

Elle demandait aussi que tous les propriétaires et administrateurs d’entreprises familiales, incluant celles qui comptent plus de dix salariés, puissent employer leurs enfants.

Cette proposition a également été reprise par le Conseil du patronat du Québec (CPQ) et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).

Ils ont souligné que les entreprises familiales comme les épiceries ou les entreprises agricoles emploient souvent plus de dix salariés à certains moments de l’année.

«Il nous semble peu probable qu’un jeune soit plus à risque dans une entreprise familiale de 20 employés que dans une entreprise de 10», a soutenu le président-directeur général de la FCCQ, Charles Milliard.

Par ailleurs, le CPQ a réclamé plus de flexibilité de la part du législateur pour que les jeunes de moins de 14 ans puissent continuer de travailler cet été.

«Pourquoi ne pas donner la chance à ces jeunes et aux entreprises de pouvoir passer à travers la saison estivale (…) et d’avoir le temps de s’adapter?» a demandé le président du CPQ, Karl Blackburn.

Le vice-président de la FCEI, François Vincent, est allé plus loin en affirmant que les quelque 90 000 jeunes de moins de 14 ans qui travaillent actuellement devraient conserver leurs emplois.

«Ces milliers de jeunes qui vont se faire montrer la porte, ce sont les mêmes qui n’ont pas pu pratiquer leur sport ou voir leurs amis pendant près de deux ans», a plaidé M. Vincent.

Un jeune de 13 ans et des poussières pourrait vivre la situation difficilement, selon lui. «Tous ses amis vont faire du travail d’été, mais lui, il va être pris à jouer au Nintendo dans le sous-sol», a-t-il illustré.

À toutes ces demandes, le ministre Boulet a répondu qu’il fallait éviter de risquer la santé et la sécurité des plus jeunes, et qu’un seul accident cet été en serait un de trop.

«Il faut se rappeler qu’on est ici pour mieux protéger nos enfants et assurer leur réussite éducative», a-t-il déclaré dans ses remarques préliminaires.

Les syndicats se prononcent

Contrairement au patronat, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) a dit s’inquiéter de l’exception accordée aux entreprises familiales de moins de 10 salariés, qu’elle qualifie de «brèche dangereuse».

«Nous sommes inquiets que cette exception ne serve de tremplin à des revendications visant à élargir les domaines où les enfants de moins de 14 ans pourraient travailler», écrit le syndicat dans son mémoire.

La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) souhaite qu’elle ne s’applique qu’aux entreprises familiales d’exploitation agricole ou aux «travaux exempts de risques pour la santé et la sécurité des enfants».

De son côté, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) propose un ajout: rendre obligatoire une formation destinée aux jeunes travailleurs de moins de 16 ans, donnant droit à une certification pour travailler.

«Il faut s’assurer que ces jeunes disposent des ressources et des informations nécessaires au moment où ils intègrent le marché du travail», a insisté le président de la CSQ, Éric Gingras.

La Centrale des syndicats démocratiques (CSD) souligne quant à elle le manque de données fiables et précises concernant la situation de travail des enfants.

«Il est nécessaire que la Commission de l’équité salariale, des normes, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) ait accès à des informations de qualité pour mieux cibler ses interventions. C’est pour cette raison que nous proposons que les employeurs soient obligés de transmettre plus d’informations à la CNESST sur les enfants et adolescents qu’ils emploient ainsi que sur les enfants œuvrant dans les entreprises familiales», a affirmé le président de la CSD, Luc Vachon.

Les consultations particulières sur le projet de loi 19 se poursuivent jusqu’à jeudi. Une quinzaine de groupes ont été invités à présenter leur mémoire devant la Commission de l’économie et du travail.