(Photo: Getty images)
EXPERT INVITÉ. J’ai reçu cette question fort intéressante d’un lecteur au cours des derniers jours:
«Je me pose des questions sur l’avenir de notre croissance économique.
Depuis près de 100 ans, les rendements boursiers à long terme sont près de 10% malgré les crashs, etc, mais en sera-t-il ainsi pour le prochain siècle?
Il serait intéressant de faire une chronique sur les perperctives boursières sur un horizon à très long terme, compte tenu que la tendance à la croissance boursière pourrait être réservée aux entreprises qui vont valoriser le côté protection de notre système écologique plutôt que valoriser le système économique, peu importe le coût écologique.»
D’abord, merci pour la question. J’en profite pour réitérer mon offre de me faire parvenir vos questions par courriel. Elles sont régulièrement une source d’inspiration pour ce blogue et je tenterai de répondre à autant de questions que possible.
La question est pertinente, surtout à la lumière du blogue que j’ai écrit récemment concernant la futilité de faire des prévisions boursières ou annuelles (Le temps des prévisions). Dans ce blogue, j’ai écrit que les prévisions boursières à court terme n’avaient aucune valeur, mais que «si on doit absolument élaborer des prévisions pour les marchés, mieux vaut le faire sur un horizon de cinq à dix ans.» C’est peut-être encore plus vrai pour une période de 100 ans.
L’exercice revêt donc une certaine valeur, mais il est loin d’être simple. Évidemment, bien des événements pourront se produire au cours des 100 prochaines années. Certains pourraient par exemple prévoir une fin du monde tel qu’on le connaît. Une guerre nucléaire ou des catastrophes naturelles pourraient survenir, ce qui rendrait toute tentative de faire des prévisions boursières à long terme caduque. Toutefois, si l’on investit, c’est parce qu’on croit ou qu’on espère que de tels événements ne surviendront pas. À mon avis, mieux vaut ignorer de telles possibilités, même si on sait qu’elles sont possibles. Comme l’a déjà dit le gestionnaire de portefeuille et auteur Howard Marks, «la plupart du temps, la fin du monde ne se produit pas.»
Comme le lecteur le mentionne dans sa question, les rendements boursiers des quelque 100 dernières années ont été de près de 10% sur une base annuelle composée. Y a-t-il raison de croire qu’ils seront très différents dans les 100 prochaines années? Quels sont les facteurs clés susceptibles de changer au cours du prochain siècle par rapport au dernier?
Les rendements boursiers à long terme sont fonction de la croissance des profits des entreprises en Bourse. De leur côté, les profits des entreprises sont principalement tributaires de la croissance économique.
À son tour, la croissance économique à long terme dépend selon moi de deux facteurs clés: la croissance démographique et les gains de productivité.
Il est difficile de prévoir quels seront les gains de productivité à très long terme. Je crois toutefois qu’ils pourraient être similaires à ceux qu’on a connus au cours du dernier siècle. Pour faire montre de prudence, disons qu’ils seront un peu moins élevés. Quant à la croissance démographique, il est prévisible qu’elle diminuera sensiblement au cours des prochaines décennies. C’est d’ailleurs une tendance qui a débuté dans les prochaines décennies. C’est aussi un sujet dont je parle dans mon livre Avantage Bourse.
Ainsi, la croissance économique mondiale des prochaines décennies sera probablement moins élevée que celle des dernières décennies. J’ajouterais qu’elle se déplacera vers les pays en voie de développement.
Quant à la question du réchauffement climatique et des défis écologiques auxquels le monde fait fasse, je suis peut-être naïf, mais je crois que l’humanité saura relever ces défis. Je crois qu’il est dangereux de miser contre la capacité de l’humain et des économies (sans parler des entreprises) de s’adapter et de capitaliser sur les occasions de croissance qui se présentent. On peut voir les enjeux climatiques comme un risque énorme pour la croissance économique de notre planète ou on peut les voir comme un énorme problème qui n’attend qu’à être résolu. Je suis de ce dernier camp.
En somme, pour le prochain siècle, j’entrevois une croissance soutenue de l’économie mondiale, mais moins rapide que par le passé. Quant aux marchés boursiers, je crois aussi qu’on peut miser sur des rendements quelque peu moins élevés que dans le passé – je dirais de l’ordre de 8%. Moins élevés, mais toujours attrayants par rapport aux options disponibles. Plus important, je continue de croire que les actions permettront de surpasser le taux d’inflation mieux que la plupart des options de rechange.
Mark Twain a dit que «l’histoire ne se répète pas, elle rime.» Si c’est le cas, le prochain siècle sera probablement jonché d’événements imprévisibles qui auront des conséquences majeures sur l’économie et sur les marchés boursiers. Mais comme ce fut le cas au cours des 100 dernières années, les économies s’ajusteront et les marchés boursiers poursuivront leur marche ascendante.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100 et auteur du livre Avantage Bourse