Ottawa éliminera la TPS sur la construction de logements locatifs
La Presse Canadienne|Publié le 14 septembre 2023La mesure sera dévoilée parmi plusieurs autres au cours du discours que prononcera M. Trudeau pour clôturer la retraite de son caucus à London, en Ontario. (Photo: La Presse Canadienne)
London — Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé jeudi qu’Ottawa élimine la TPS sur la construction de nouveaux immeubles destinés à la location, donnant ainsi suite à une promesse électorale de 2015 que son gouvernement avait abandonnée.
La mesure fait partie d’un bouquet d’autres éléments dévoilés par M. Trudeau en clôture de la retraite de son caucus, à London, en Ontario.
«J’encourage toutes les provinces à faire de même», a-t-il lancé en faisant référence à la taxe de vente provinciale que celles-ci appliquent ou leur portion de la taxe de vente harmonisée (TVH).
Le ministre du Logement, Sean Fraser, a indiqué que, dans les heures précédant l’annonce, des membres des gouvernements de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et de Terre-Neuve-et-Labrador lui ont fait savoir qu’ils répondraient «présent».
M. Trudeau a martelé tout au long de son point de presse que d’autres s’ajouteront au cours des prochaines semaines, souhaitant vraisemblablement montrer qu’il a entendu le mécontentement de la population face aux enjeux d’abordabilité et qu’il est prêt à agir.
Un peu avant l’annonce, une source gouvernementale de haut niveau avait précisé que l’élimination de la TPS entrera en vigueur à compter de jeudi, soit le jour même de l’annonce.
Celle-ci a requis l’anonymat puisqu’elle n’était pas autorisée à parler publiquement de ces questions.
La mesure vise à réduire les coûts en matériaux et en main-d’oeuvre des entreprises de construction. Les libéraux souhaitent ainsi engendrer une baisse des coûts des loyers.
«Nous allons changer l’équation et ça va augmenter immensément l’offre à travers le pays. Mais ça va aussi changer le type de maisons [qui sont construites]. Nous allons voir plus d’appartements […] plutôt que des condominiums», a prédit M. Fraser.
Le gouvernement Trudeau a aussi annoncé jeudi qu’il convoque les dirigeants des principales chaînes d’épicerie à venir à Ottawa dès la semaine prochaine pour expliquer comment ils comptent stabiliser les prix des aliments.
Le fédéral leur demande de fournir un plan d’ici à l’Action de grâce et les menace d’intervenir si ce qu’ils prévoient «ne fournit pas de réel soulagement à la classe moyenne et ceux qui travaillent fort pour s’y joindre».
«Nous n’excluons rien, y compris des mesures fiscales», a lancé le premier ministre, bien qu’il se soit dit «confiant» que cela ne serait pas nécessaire.
Disant espérant alléger les difficultés des propriétaires de petites entreprises, M. Trudeau a aussi signalé qu’il repoussera d’un an l’échéance de remboursement à terme de prêts accordés durant la pandémie. Plus précisément, cette mesure s’appliquera aux entrepreneurs qui ont bénéficié du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes lancé durant la pandémie de COVID-19.
Renouer avec une vieille promesse
Les libéraux promettaient d’éliminer la TPS dès 2015, année qui les a portés au pouvoir pour le premier de leurs trois mandats consécutifs.
Plus précisément, ils s’engageaient alors à appliquer la mesure aux nouveaux investissements destinés uniquement à des unités de location abordables.
Les troupes de Justin Trudeau s’attendaient alors à ce que les incitatifs fiscaux atteignent 125 millions $ par année.
Toutefois, ils avaient par après renoncé à cet engagement pour plutôt privilégier un autre programme, soit le Financement de la construction de logements locatifs.
Questionné à savoir s’il éprouvait des regrets de ne pas avoir été de l’avant plus tôt avec la suppression de la TPS, M. Trudeau a répondu que le contexte a changé au fil du temps.
«Je pense que les gens comprennent très bien et que la situation qu’on vivait il y a huit ans était différente de celle qu’on est en train de vivre aujourd’hui», a-t-il plaidé.
Une «volte-face», dit Poilievre
Quoi qu’il en soit, aux yeux du chef conservateur Pierre Poilievre, il est clair que le gouvernement a «fait volte-face» puisqu’il savait que le leader de l’opposition officielle préparait une annonce similaire.
M. Poilievre tenait un point de presse sur le logement peu de temps après que la nouvelle de l’élimination de la TPS eut été ébruitée, en fin d’avant-midi.
Depuis Vancouver, le chef conservateur s’est engagé à déposer dès lundi un projet de loi qui viserait notamment à supprimer la TPS «sur la construction de tout nouveau logement dont le prix de location est inférieur à la valeur du marché».
La pièce législative à être présentée prévoira aussi que les municipalités qui n’augmentent pas d’au moins 15 % le nombre de permis de construction délivrés se feraient couper leur financement fédéral, a précisé le chef conservateur. Celles qui dépasseraient la cible recevraient des bonus.
De son côté, le Nouveau Parti démocratique (NPD) a rappelé qu’il demande depuis des mois la suppression de la TPS sur la construction de logements abordables. Par communiqué, le parti ayant une entente «de soutien et de confiance» avec le gouvernement minoritaire a déploré que la mesure n’ait pas été prise plus tôt.
«Nous aurions pu bénéficier d’une saison de construction complète pour construire davantage de logements», a déclaré le chef du NPD, Jagmeet Singh.
Il a ajouté qu’il avait l’intention d’examiner en détail ce que M. Trudeau dévoilera. «Nous voulons nous assurer que cette mesure encourage la construction de logements réellement abordables, et non de condos de luxe», a soutenu le leader néo-démocrate.
L’annonce de M. Trudeau en matière d’abordabilitésurvient dans le contexte où une série de récents sondages place les libéraux loin derrière les conservateurs dans les intentions de vote.
Selon un coup de sonde de la firme Nanos mené pour le compte de CTV, les Canadiens sont plus nombreux à faire confiance aux conservateurs (25 %) et aux néo-démocrates (22 %) qu’aux libéraux (15 %) en ce qui a trait au logement. Une proportion considérable de répondants (22 %) croit qu’aucun parti fédéral n’est digne de confiance à ce chapitre.
Avec des informations de Michel Saba
Par Émilie Bergeron