(Photo: La Presse Canadienne)
La restructuration et la réduction des effectifs chez Olymel se poursuivent, alors que le principal producteur de porc frais au Québec a annoncé vendredi matin la fermeture de l’usine de Vallée-Jonction, la cinquième à survenir en quelques mois.
Un total de 994 emplois seront touchés par la mesure, dont 911 postes syndiqués. Les 443 employés affectés au quart de soir perdront leur emploi à compter du 15 septembre tandis que ceux du quart de jour quitteront le 22 décembre, jour de la fermeture définitive de l’usine. Cent vingt et un travailleurs étrangers temporaires sont aussi rattachés à l’usine, mais seront transférés dans les autres établissements de l’entreprise.
Une décision prise « à contrecoeur», a souligné le président et directeur général de la coopérative, Yanick Gervais, mais qui s’explique par la pandémie et l’instabilité des marchés d’exportation, entre autres.
Il ne demeurera donc dans la province que trois usines d’abattage relevant d’Olymel, à savoir celles d’Ange-Gardien, en Montérégie, de Yamachiche, en Mauricie, et de Saint-Esprit, dans Lanaudière, des établissements qui avaient fait l’objet d’investissements récents.
La haute direction d’Olymel explique d’ailleurs sa décision de fermer l’usine de Vallée−Jonction par la désuétude des installations, qui auraient nécessité des investissements urgents d’au moins 40 millions $.
« En portant son choix sur la fermeture de l’usine de Vallée−Jonction, la direction d’Olymel n’a pas choisi une région. Cette décision a fait l’objet d’un processus rigoureux portant d’abord et avant tout sur les capacités opérationnelles de chacune des usines d’abattage, de découpe et de désossage, propriétés d’Olymel au Québec. Outre la nécessité de fermer un établissement pour réduire nos capacités d’abattage et revoir notre modèle d’affaires afin de l’optimiser, les conclusions de ce processus ont fait ressortir clairement les désavantages de l’usine de Vallée−Jonction », a indiqué M. Gervais
La coopérative avait acquis la première en 2019 en avalant l’entreprise gardangeoise F. Ménard. Lundi, à la séance ordinaire du conseil municipal d’Ange-Gardien, les élus ont donné leur aval à une demande d’Olymel d’augmenter sa consommation d’eau, signe que les activités ayant cours dans l’installation n’étaient pas en voie de ralentir.
L’usine de Yamachiche avait pour sa part fait l’objet d’un agrandissement et d’investissements de plus de 110 millions $, entre 2017 et 2019. Enfin, 25 millions $ avaient été injectés en 2016 pour agrandir les installations de Saint-Esprit, ce qui avait permis la création de quelque 200 emplois supplémentaires.
La difficulté de combler des postes a aussi pesé dans la balance, a fait savoir M. Gervais, alors que 280 employés ont quitté l’usine de Vallée−Jonction au cours des 18 derniers mois.
Un programme de transfert sur une base volontaire sera offert aux employés touchés par la fermeture.
Le syndicat amer
Joint par téléphone quelques minutes après la fin du point de presse, le président du Syndicat des travailleurs d’Olymel à Vallée-Jonction (CSN), Martin Maurice, n’a pas caché son amertume face à la manière dont les choses se sont déroulées.
«C’est à l’image d’Olymel, d’apprendre la fermeture de l’usine par les médias avant qu’ils ne nous la confirment», a-t-il lâché.
Le syndicat a été rencontré par l’employeur vers 9h30, vendredi. Les travailleurs ont pour leur part été informés de leur avenir une vingtaine de minutes plus tard. Les 200 employés les plus anciens cumulent entre 25 et 52 années de service au sein de l’entreprise.
M. Maurice n’admet pas l’argument de la direction selon laquelle l’embauche est difficile dans la région, d’autant plus qu’un employé venait d’être recruté le matin même. «Dire qu’ils ont de la misère à embaucher, j’ai de la misère avec ça, c’est dire à peu près n’importe quoi», a ragé le représentant syndical, d’autant plus en colère que Olymel a touché 150 millions $ en argent public, il y a tout juste deux ans, pour sa restructuration et la mise à niveau de ses usines.
«Nous, on n’avait rien eu, c’est ordinaire», a-t-il laissé tomber.
«Dans les derniers mois, les dernières années, on avait travaillé fort pour améliorer l’usine. On est la plus rentable, on a les preuves, a−t−il poursuivi. On est les meilleurs en santé et sécurité au travail.»
Même si l’option d’être transférés dans d’autres usines est sur la table, les employés préfèrent demeurer dans la région, a soutenu M. Maurice.
«De la manière dont [la direction] travaille, qu’elle nous transmet l’information, je ne suis pas sûr que grand monde voudra encore travailler pour [Olymel]», a-t-il indiqué, préférant mettre son énergie à retrouver du travail pour ses collègues avec la centrale syndicale.
«La CSN travaille fort pour nous, elle a communiqué avec plusieurs entreprises de la région pour relocaliser les travailleurs, a ajouté M. Maurice. Je pense qu’on va avoir plus de succès avec la CSN qu’avec Olymel.»
D’autres fermetures
Le mois dernier, le géant du porc avait annoncé la fermeture de ses usines de Blainville et de Laval pour le 28 avril. Environ 170 emplois disparaîtront lorsque la clé sera mise dans la porte à la fin du mois. Des employés ont également pu être relocalisés dans d’autres installations de l’entreprise.
La production de jambons, de pâtés et de charcuteries qui y avait cours a été graduellement transférée dans d’autres usines du groupe.
L’automne dernier, Olymel avait également fait savoir que les usines de Saint−Hyacinthe et d’Henryville, qui comptaient respectivement 107 et 29 employés, allaient aussi cesser leurs activités dans les semaines suivantes.
Les fermetures d’usine s’inscrivent dans la réorganisation de la coopérative s’étant amorcée en 2021.La direction d’Olymel souhaitait alors réduire ses frais d’exploitation et générer des gains en efficience en rapatriant les activités de certaines usines dans d’autres établissements de la compagnie.
En octobre, le géant québécois du porc avait aussi annoncé une réorganisation de son personnel−cadre. Quelque 120 postes vacants et 57 postes occupés ont été supprimés.
En point de presse vendredi matin, M. Gervais a indiqué qu’aucune autre fermeture n’était pour l’instant dans les cartons chez Olymel. «Le processus d’optimisation est enclenché depuis plusieurs mois et se déroule en continu. On revoit les capacités organisationnelles de nos usines sur une base régulière pour maintenir l’entreprise la plus agile possible», a souligné le pdg.
Celui-ci s’est défendu d’avoir profité d’un investissement de 150 millions $ tiré du Fonds de croissance des entreprises québécoise, qui visait entre autres à maintenir les sièges sociaux dans la province. «On s’est servi de ces sommes−là pour faire des investissements dans les autres sites. On ne s’en est pas servi pour payer l’épicerie», a précisé M. Gervais.
Lors de l’annonce de cette aide financière, le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, avait qualifié le tout de « très bon investissement » avec lequel les Québécois allaient «faire de l’argent» tout en permettant d’accroître la productivité de l’entreprise.
«Défis majeurs» dans la filière du porc
Le secteur du porc connaît des pertes de plus de 400 millions $ depuis deux ans, a souligné Olymel.
Lors de la présentation de ses états financiers 2022, la haute direction de Sollio, le principal actionnaire d’Olymel, avait fait état des «défis majeurs» vécus dans la filière porcine et qui étaient en partie responsables des pertes enregistrées par la coopérative.
Ces défis concernaient la dévaluation d’actifs intangibles, la pandémie de COVID=19, la hausse des coûts attribuable à l’inflation, la pénurie de main-d’œuvre et une grève de quatre mois à son usine de Vallée-Jonction.
Des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement et la fermeture du marché de la Chine — l’un des plus importants importateurs de porc — pendant les trois premiers trimestres de l’exercice financier ont aussi joué les trouble−fête. La division porcine d’Olymel a d’ailleurs été celle qui a le plus écopé, mais cette tendance est observable partout dans le monde avec un rééquilibrage à la baisse allant de 5 à 8 %, avait−il été précisé.
Ce faisant, Sollio a dû adopter une stratégie de redressement qui implique une diminution du nombre de porcs abattus et une augmentation de la transformation des produits du porc, une transition favorable avec la réouverture des restaurants. Cela s’était traduit entre autres par une reconversion de l’usine de Princeville, au printemps 2022, et l’appel à des travailleurs étrangers temporaires.
Le géant du porc avait aussi communiqué son intention de réduire son abattage annuel de porcs de 20 %, ce qui représente environ un million et demi de bêtes, à compter du mois de juin. Cela avait rendu la fermeture d’une usine «inévitable», a réitété M. Gervais.
La capacité d’abattage des trois usines passera de 140 000 à 81 000 porcs par semaineen janvier prochain.
Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.