L’industrie du tourisme est confrontée à un dilemme d’embauche
La Presse Canadienne|Publié le 27 avril 2021(Photo: 123RF)
Lorsque Stéphane Prévost planifiait l’ouverture d’un deuxième restaurant à Banff cet hiver, il croyait au moins pouvoir compter sur un été chargé.
Même si les entreprises de la ville ont été lourdement touchées par le premier confinement en 2020, elles ont finalement profité d’une saison estivale relativement chargée lorsque les cas de COVID-19 ont chuté et que le tourisme intérieur a explosé.
Mais le chef et associé directeur général de Block Kitchen and Bar et du plus récent Shoku Izakaya a noté que le troisième confinement intervenait à un moment particulièrement difficile, alors qu’il se préparait généralement à augmenter ses effectifs.
Les analystes du secteur affirment que le moment et la gravité de la troisième vague de cas de COVID-19 représentent un défi unique pour les destinations touristiques du Canada. Les entreprises de ce secteur se retrouvent coincées entre l’idée d’aller de l’avant avec leur recrutement et de soutenir une main-d’œuvre plus importante pendant le confinement, ou celle de conserver un effectif moindre et de devoir trimer plus fort pour attirer des travailleurs dans un ou deux mois.
« Nous nous retrouvons dans une situation où les propriétaires d’entreprise tentent de prédire l’avenir et de planifier et ajuster la taille de leur entreprise afin qu’ils puissent fonctionner pendant la haute saison, tout en naviguant à travers les restrictions actuelles, pour une durée inconnue », a expliqué le président et chef de la direction de Tourism Jasper, James Jackson.
Selon la présidente et chef de la direction de l’Association de l’industrie touristique du Canada, Beth Potter, les entreprises comptaient sur un boom des voyages intérieurs au cours des prochains mois pour les aider à traverser la fin de la pandémie, et tant les équipes de direction que les employés se retrouvent maintenant devant des décisions difficiles.
« Il y a à peine six semaines, nous envisagions l’été d’une manière très différente », a expliqué Mme Potter, qui est établie à Toronto.
« Maintenant, nous ne savons pas trop à quoi nous attendre. Cela rend la planification très difficile pour les entreprises. »
Les entreprises doivent faire un pari
À Jasper, M. Jackson a souligné que les entreprises avaient toujours eu du mal à attirer suffisamment de travailleurs et que la pandémie n’avait fait que rendre les choses plus difficiles.
La troisième vague mettant encore plus de pression sur les entreprises, M. Jackson a expliqué que les propriétaires d’entreprise devaient essentiellement faire un pari avec leur prochaine décision.
« Ce qui s’est passé l’été dernier, c’est que Jasper a été dévasté par la COVID, notre économie dépendant tellement des visites, mais nous avons été surpris par le niveau de visiteurs que nous avons finalement eu », s’est souvenu M. Jackson.
« À cause de cela, il y a eu beaucoup de pression sur le marché du travail, parce que plusieurs personnes étaient retournées dans l’est du Canada, et évidemment, certains travailleurs internationaux n’ont pas pu entrer physiquement au pays. »
M. Jackson s’est dit inquiet de la possibilité que les travailleurs du tourisme en aient assez et quittent l’industrie à cause du cycle d’expansion-récession lié à chaque vague de COVID-19 — un sentiment qui trouve écho chez les groupes de défense de l’hôtellerie dans les plus grandes villes comme Toronto et Vancouver.
Mais il reste malgré tout optimiste pour le long terme et note que de nombreux Canadiens ont amassé de grosses sommes d’argent pendant la pandémie.
« Mon interprétation de cela est que, lorsque vous avez un revenu disponible élevé et qu’on ajoute à cela une longue période de privation, on devrait se retrouver avec un degré élevé de dépenses hédonistes », a avancé M. Jackson, affirmant que cela devrait se traduire par des dépenses touristiques.
M. Prévost, le chef de Banff, est d’accord et dit s’attendre à ce que le tourisme intérieur revienne en force une fois les restrictions assouplies.
Tous deux estiment en outre que cela entraînera également un surplus d’emplois disponibles dans les sites touristiques comme Jasper et Banff lorsque la troisième vague se terminera, avec l’augmentation des vaccinations, et l’éventuelle fin de la pandémie.
« Aussi frustrant que cela puisse être actuellement pour tout le monde, il s’agit d’être capable d’avoir encore un peu plus de résilience et de créativité pour essayer de se rendre jusqu’à la levée des restrictions et profiter d’un été meilleur », a fait valoir M. Prévost.