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Philippe Leblanc

Entre les lignes

Philippe Leblanc

Expert(e) invité(e)

Les premières leçons apprises de la pandémie

Philippe Leblanc|Publié le 05 juin 2020

Les premières leçons apprises de la pandémie

(Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Il est possiblement encore trop tôt pour parler de ce que la pandémie aura appris aux investisseurs. En effet, même si les marchés boursiers semblent indiquer qu’elle tire à sa fin, qui sait combien de temps encore elle durera et quels seront ses impacts économiques pour les trimestres et les années à venir.

Quoi qu’il en soit, je crois qu’un investisseur devrait tirer quelques premières leçons de la crise des derniers mois. Les voici:

Une crise peut survenir à tout moment et souvent lorsqu’on s’y attend le moins. Qui aurait pu prévoir, en janvier dernier, que le monde ferait face à un virus qui infecterait des millions de personnes et ferait des centaines de milliers de victimes? Que la pandémie mettrait quelque 45 millions d’Américains au chômage? De fait, à long terme, les crises sont inévitables. Elles font partie de la vie d’un investisseur.

Une fois qu’on admet cette réalité, un investisseur devrait ajuster sa façon d’investir afin de se prémunir autant que possible contre une éventuelle crise. En effet, si ce n’est qu’une question de temps avant qu’une crise sanitaire, économique ou financière ne survienne, et ce, sans préavis, un investisseur devrait à mon avis s’assurer d’avoir un portefeuille qui y résistera le mieux possible.

C’est pourquoi il importe de favoriser les sociétés qui jouissent d’une excellente santé financière. Les sociétés qui possèdent plus d’encaisse que de dette se sont retrouvées en position de force au pire de la pandémie en mars. Pour la plupart d’entre elles, leur survie n’a jamais vraiment été mise en question. Ce n’est pas le cas des sociétés lourdement endettées.

Il est vrai qu’une société qui possède une encaisse substantielle et n’a aucune dette est défavorisée lorsque tout va bien. Cette encaisse réduit le rendement de son capital et diminue fort probablement le rendement de son titre en Bourse lorsque les conditions économiques sont favorables. Mais c’est tout le contraire lors d’une crise financière où l’encaisse devient reine.

Une parenthèse s’impose ici: si une crise peut survenir à tout moment, investir sur marge n’a aucun sens pour l’investisseur à long terme. Une telle pratique appelle au désastre.

La pandémie nous a également appris qu’il est préférable pour une entreprise d’avoir un modèle d’affaires flexible.

Par «modèle d’affaires flexible», j’entends un modèle nécessitant relativement peu de capital et surtout, comportant des coûts variables plutôt que des coûts fixes. Par exemple, une entreprise dont le principal actif repose sur l’expertise de ses employés est en mesure de s’ajuster très rapidement à une crise telle que celle que nous traversons. Si nécessaire, elle peut rapidement ajuster sa structure de coûts. Elle peut également modifier sa façon de travailler pour s’ajuster aux contraintes de la crise (le télétravail, par exemple). En revanche, les sociétés dont le modèle d’affaires repose sur des coûts fixes et des immobilisations substantielles ne sont pas en mesure de s’ajuster aussi rapidement. Je pense notamment aux sociétés aériennes, aux hôtels, aux usines de pièces automobiles.

J’ajouterais aussi l’attrait des sociétés dont les revenus sont hautement récurrents.

Enfin, il faut favoriser les sociétés qui offrent des services et des produits peu ou pas cycliques.

Quelles que soient les conditions, les gens doivent continuer de manger. Les sociétés qui offrent des services ou des produits à caractère peu discrétionnaires sont mieux placées que celles dont les produits et services dépendent sensiblement des conditions économiques. De fait, la pandémie me réconforte dans notre décision d’éviter le plus possible les secteurs très cycliques, dont celui des ressources naturelles, dans la gestion de nos portefeuilles sous gestion.

Je ne crois pas qu’un investisseur devrait détenir seulement des titres qui répondent à ces critères dans son portefeuille; il devrait néanmoins leur faire une place importante. À mon avis, c’est ce que la pandémie de la COVID-19 nous a appris jusqu’à présent.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA