Les possibilités infinies de la cartographie participative


Édition du 02 Mai 2015

Les possibilités infinies de la cartographie participative


Édition du 02 Mai 2015

Par Olivier Schmouker

Imaginez la scène. Des agriculteurs de la municipalité régionale de comté (MRC) d'Abitibi sont réunis dans une même salle, autour d'une table. On déplie devant eux une carte immense, recouverte de formes géométriques finement tracées, mais surtout rehaussées de couleurs vives. Les uns et les autres se penchent sur les polygones rouges, bleus et jaunes, pour découvrir qu'il s'agit là de leurs propres champs. Pourquoi des couleurs différentes ? s'interrogent-ils. Réponse : parce que la valeur des terres n'est pas la même, au pied carré.

«Le choc a été instantané, comme si l'on avait dévoilé au grand jour un tabou. Il a déclenché des discussions fascinantes, qui n'auraient jamais eu lieu sans cela. Chacun voulait savoir ce que son voisin avait bien pu faire pour que sa terre vaille plus que la sienne. Ce qui nous a permis d'apprendre que la différence découlait, en général, du fait que les uns avaient drainé ou nivelé leurs terres, et pas les autres», raconte Marie-Élaine Boily, chargée de projet, développement régional, de Géo'Graph. Ce cabinet-conseil en planification territoriale de Trois-Rivières tire sa force de la cartographie participative.

La cartographie participative ? Ça consiste à présenter une carte géographique aux personnes vivant dans le lieu concerné afin, d'une part, d'établir un diagnostic (par exemple, déterminer les arrêts d'une ligne d'autobus qui sont les moins pertinents, à l'aide des commentaires des usagers) et, d'autre part, d'élaborer différentes solutions envisageables (par exemple, désigner l'emplacement optimal des arrêts d'une ligne d'autobus, toujours grâce aux usagers).

«Une carte bien faite pique la curiosité des gens et favorise le dialogue. Elle permet dès lors de trouver des solutions à des problèmes complexes auxquelles on n'aurait jamais pensé autrement», explique Karl Dorais Kinkaid, vice-président, de l'atelier montréalais de développement territorial L'Enclume.

Voir sa municipalité d'une manière différente

C'est ainsi que la Ville de Hawkesbury, située à mi-chemin entre Montréal et Ottawa, a récemment entrepris sa redynamisation économique et sociale. Car la municipalité ontarienne voit les usines fermer les unes après les autres (Duplate, Amoco, etc.). Le cinquième de sa superficie (21 %) est inoccupé (friches, locaux désaffectés). Et l'exode des jeunes la frappe de plein fouet (l'âge médian est de 49 ans). «Nous avons invité la population à réfléchir ensemble à partir de la carte de leur habitat, ce qui a permis à tout le monde de voir leur chez-soi d'une toute nouvelle façon. Et d'imaginer ce que Hawkesbury pourrait bientôt devenir», dit M. Dorais Kinkaid.

Plusieurs scénarios ont été élaborés, que personne n'aurait pu imaginer à l'avance. L'un d'eux préconise la création d'espaces de cohabitation, où les différentes générations pourraient faire oeuvre utile ensemble (potagers communautaires), ou encore d'espaces d'évasion (parcs). Un autre, la création d'une grappe d'entreprises médicales et technologiques, autour de l'hôpital. Un autre encore, le développement d'un pôle culturel et touristique lié au thème de l'eau, à proximité de la rivière des Outaouais, des îles Hamilton et du Chenail. «À la vue de toutes les possibilités, les yeux des participants brillaient comme jamais», indique le vice-président de L'Enclume.

De fait, le potentiel de la cartographie participative est énorme. «Une chaîne de boutiques peut ainsi cibler les meilleurs emplacements pour elle dans une ville, une région et même une province. Ou bien, un producteur agricole - comme Les Fermes Lufa - peut s'en servir pour sa logistique, en précisant les points de dépôt les plus pertinents et les trajets les plus efficients pour ses camions de livraison», dit Mme Boily, tout sourire.

Et M. Dorais Kinkaid d'ajouter : «Les cellulaires sont une mine phénoménale d'informations géolocalisées dont on commence tout juste à tirer parti. Les possibilités dépassent l'entendement : un jour, par exemple, on pourra faire des études de marché approfondies en un clin d'oeil !»

Demain est déjà là

Nous évoluons dans un monde en pleine mutation. Tous les 15 jours, cette nouvelle rubrique d'Olivier Schmouker décryptera les bouleversements à venir, tous secteurs confondus, et indiquer comment en tirer parti.

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