Les émissions de méthane seraient sous-estimées, selon plusieurs études

Publié le 14/11/2022 à 09:34

Les émissions de méthane seraient sous-estimées, selon plusieurs études

Publié le 14/11/2022 à 09:34

Par La Presse Canadienne

Une enquête sur les installations pétrolières et gazières au Canada a fait état de rejets de méthane généralisés. (Photo: La Presse Canadienne)

Tandis que le gouvernement fédéral s’apprête à renforcer la réglementation sur les émissions de méthane, de nouvelles évaluations suggèrent que la quantité de ce puissant gaz à effet de serre a été considérablement sous-estimée.

Une enquête récente sur les installations pétrolières et gazières au Canada a fait état de rejets de méthane généralisés. L’imagerie satellite a capté des panaches géants de gaz s’échapper des décharges. Et des recherches suggèrent que les allégations de succès dans la réduction du gaz pourraient être en partie le résultat de changements comptables, et non de réductions réelles.

«Il y a du méthane incontrôlé partout», selon Tim Doty, un ancien régulateur de longue date de la Commission du Texas sur la qualité de l’environnement, qui a utilisé une caméra infrarouge pour rechercher les émissions dans les installations pétrolières et gazières le long de la frontière entre l’Alberta et la Saskatchewan en juillet dernier.

M. Doty, amené au Canada par la Fondation David Suzuki, a inspecté 128 sites autour de Lloydminster, en Alberta, et de Kindersley, en Saskatchewan.

«Ce n’était pas un problème de trouver des émissions, a-t-il précisé. C’était un problème avec le nombre d’heures dans une journée.»

«Je ne peux tout simplement pas décrire l’ampleur des émissions que nous avons vues.»

M. Doty dit avoir vu des torches, utilisées pour éliminer le méthane indésirable des puits de pétrole, brûlant beaucoup moins que les 98% du gaz qu’elles sont censées consumer. Il a vu des torches fonctionner, mais sans être allumées, ce qui les transforme en un évent de méthane. Il a aperçu très peu d’unités de récupération de vapeur, qui collectent les gaz fugitifs.

Tim Doty connaît bien le bassin Permien du Texas, le «pire» pour la libération du méthane, selon lui.

«Je ne dirais pas que ce que j’ai vu au Canada était beaucoup mieux», a-t-il remarqué.

 

Une méthode imparfaite

Une entreprise montréalaise appelée GHGSat utilise six satellites en orbite pour suivre les rejets de méthane en temps réel. Juste au cours de la semaine dernière, elle a trouvé deux panaches importants provenant de sites d’enfouissement au Québec, l’un libérant plus d’une tonne de méthane par heure.

C’est nettement plus que le chiffre officiel, basé sur la modélisation et les estimations. Les mesures réelles montrent que ces estimations sont sous-estimées.

«La méthode de choix à travers le monde a été les estimations, a indiqué Jean-François Gauthier, vice-président de GHGSat. Celles-ci se sont avérées extrêmement inadéquates.»

Elisabeth Besson, porte-parole de l’Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP), a fait valoir que l’industrie était sur la bonne voie pour réduire les émissions de méthane de 45% d’ici 2025. Elle a ajouté que l’intensité des émissions avait été réduite du tiers entre 2011 et 2019.

Elle a déclaré que les évents des réservoirs, la pneumatique et les pompes sont en cours d’amélioration et que la ventilation et le torchage sont diminués.

«L’ACPP et ses membres ont fait de la réduction des émissions une priorité et continueront d’investir dans l’innovation», a-t-elle écrit dans un courriel.

Pourtant, les volumes de production ont augmenté. Les données de l’Union européenne montrent que le Canada est le seul pays du G7 où les émissions de méthane ont augmenté depuis 1990, bien que le rythme d’augmentation ralentisse.

D’autres études suggèrent que le méthane, qui est 83 fois plus puissant que le dioxyde de carbone sur 20 ans, est sous-estimé.

Une étude de 2016 de l’Université Carleton utilisant des survols d’avions a conclu que les émissions de l’Alberta étaient jusqu’à 50% plus élevées que les estimations fédérales. En février, l’Agence internationale de l’énergie a averti que, dans le monde, environ 70% de plus de méthane atteignaient l’atmosphère que ne le rapportaient les gouvernements.

 

Nouveau calcul, nouveaux chiffres?

Même les succès du Canada peuvent être surestimés. Une étude évaluée par des pairs la semaine dernière a suggéré qu’ils pourraient être au moins en partie le résultat d’un changement apporté en 2020 dans la façon dont les émissions sont calculées.

Des chercheurs de l’Environmental Defense Fund ont découvert qu’une baisse spectaculaire des émissions de l’Alberta entre 2019 et 2020 a coïncidé avec une nouvelle méthode de calcul. Lorsqu’ils appliquaient l’ancienne méthode aux nouvelles données, la baisse était bien moindre.

«Est-ce que cela signifie simplement que le changement de comptabilité a entraîné une diminution apparente? C’est ce qui semble se passer», affirme le co-auteur, Scott Seymour.

Les questions sur la quantité de méthane que le Canada projette dans l’atmosphère surviennent alors que le gouvernement fédéral étend la réglementation du gaz.

Le Canada élabore actuellement des règlements qui s’appliqueraient à toutes les installations de gaz naturel, minimiseraient l’utilisation du torchage, garantiraient que celles qui existent fonctionnent correctement, augmenteraient les inspections et exigeraient des mises à niveau de l’équipement. Les nouvelles règles doivent inclure une surveillance et une déclaration complète et cohérente des émissions.

Ces règles sont plus que les bienvenues, souligne M. Doty.

«Je ne pense pas — et mon expérience me le dit — que les autorités réglementaires ont la moindre idée de la quantité de méthane qui se retrouve dans l’atmosphère. C’est juste une estimation», a-t-il ajouté.

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