Les chefs autochtones réunis pour se prononcer sur l’accord de 47,8G$
La Presse Canadienne|Mis à jour le 16 octobre 2024L’assemblée spéciale de l’Assemblée des Premières Nations se poursuit jusqu’à vendredi, et les chefs devraient voter sur l’accord jeudi. (Photo: Christinne Muschi La Presse Canadienne)
Ottawa — La cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations (APN) exhorte les chefs autochtones de tout le pays à voter cette semaine en faveur d’un accord historique sur le système de protection de l’enfance, car elle ne croit pas qu’un meilleur accord serait possible sous un autre gouvernement fédéral.
Certains chefs, quant à eux, font campagne pour rejeter cet accord de 47,8 milliards de dollars sur la réforme à long terme des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, lors d’une assemblée extraordinaire de l’APN, cette semaine à Calgary.
L’accord a été conclu en juillet dernier entre le Canada, les chefs de l’Ontario, la nation Nishnawbe Aski et l’Assemblée des Premières Nations, après une bataille juridique de près de deux décennies concernant le sous-financement par le Canada de services de protection de l’enfance dans les réserves.
Le Tribunal canadien des droits de la personne a conclu qu’il y avait eu discrimination. Le tribunal a exigé du gouvernement fédéral qu’il parvienne à un accord avec les Premières Nations pour réformer le système, mais aussi pour indemniser les enfants qui ont été arrachés à leurs familles et placés en famille d’accueil.
Prenant la parole mercredi au premier jour de l’assemblée extraordinaire, la cheffe nationale de l’APN, Cindy Woodhouse Nepinak, a reconnu que l’accord comportait certaines lacunes, mais elle a demandé aux chefs de voter en faveur de l’entente afin qu’elle puisse entrer en vigueur avant les prochaines élections fédérales.
Mme Woodhouse Nepinak a indiqué qu’elle avait essayé de bâtir des ponts avec le chef conservateur Pierre Poilievre, mais elle ne peut pas garantir qu’un meilleur accord puisse être conclu avec lui en raison du bilan de ce parti sur les questions autochtones et de sa promesse de réduire les dépenses de l’État.
«On n’a pas besoin d’être politologue pour comprendre qu’il y a de fortes chances qu’il y ait un gouvernement différent plus tôt que tard» à Ottawa, a-t-elle déclaré aux chefs et aux délégués de l’APN.
«Ce que le chef conservateur a dit, c’est qu’il ne réduirait pas les programmes qui sont déjà en place pour les Canadiens. Sur cette base, j’estime que nous devons mettre ce (nouveau) programme en place avant les prochaines élections.»
La cheffe nationale avait déjà évoqué les risques politiques liés au rejet de l’accord, notamment en juillet dernier lorsqu’elle l’a dévoilé aux chefs lors d’une réunion à huis clos.
Les chefs de l’Ontario ont voté en faveur de l’accord la semaine dernière, mais les délégués de l’APN doivent discuter en assemblée extraordinaire de trois résolutions exigeant que l’accord soit annulé ou au moins renégocié.
Discrimination systémique
Avant l’annonce de l’accord, en juillet, certains chefs avaient exprimé des inquiétudes quant au fait qu’il était négocié en secret. Certains experts en protection de l’enfance ont également déclaré que l’accord n’allait pas assez loin pour garantir que la discrimination au Canada ne se reproduise plus jamais.
Les dirigeants de la nation Squamish, en Colombie-Britannique, ont déclaré mercredi que leurs préoccupations concernant l’accord avaient été ignorées par le gouvernement fédéral et par l’APN.
Dans une lettre datée du 12 août adressée au premier ministre Justin Trudeau, à la ministre des Services aux Autochtones, Patty Hajdu, et à la cheffe Woodhouse Nepinak, les dirigeants de la nation Squamish ont estimé que l’accord ne résoudrait pas la discrimination systémique épinglée par le Tribunal canadien des droits de la personne.
«Nous croyons fermement que le Canada doit s’acquitter de son devoir de consulter les Premières Nations sur le projet d’accord avant de prendre une décision, car le processus actuel de consultation, d’approbation et les délais connexes de l’APN ne permettent pas un consentement préalable, libre et éclairé, ce qui pourrait conduire à une violation des droits des Premières Nations», a déclaré le président du conseil, Khelsilem (qui ne porte qu’un seul nom).
«L’absence de réponse — ou si le Canada s’en remet au processus de consultation proposé par l’APN — forcera la nation Squamish à prendre d’autres mesures pour affirmer et protéger les droits de nos enfants et de notre nation.»
En date de mercredi, M. Khelsilem a déclaré que la nation Squamish n’avait reçu aucune réponse du fédéral ou de l’APN.
Le ministère des Services aux Autochtones Canada et l’APN n’ont pas immédiatement répondu à une demande de commentaires.
M. Khelsilem a donc présenté une résolution à l’assemblée extraordinaire demandant que le vote soit retardé jusqu’à ce que des amendements et des changements soient apportés, et que l’APN inclue des experts à la table des négociations.
Une autre résolution, du chef de la Première Nation de Tobique, au Nouveau-Brunswick, demande un délai supplémentaire de 90 jours pour que les chefs puissent examiner les versions finales de l’accord avant de voter.
L’assemblée extraordinaire se poursuivra jusqu’à vendredi, mais les chefs devraient voter sur l’accord jeudi. L’Assemblée des Premières Nations indique que plus de 400 chefs se sont inscrits à l’événement, en plus des 1900 participants inscrits.
Par Alessia Passafiume